Erick Falc’her-Poyroux

LA CONSOMMATION CULTURELLE - RENNES 1999

MUSIQUE IRLANDAISE ETMARCHES INTERNATIONAUX

Introduction

Depuis la fin du XIXe siècle, la musique traditionnelle irlandaise a franchi le pas qui la séparait de la scène. Aux Etats-Unis d’abord, puis en Irlande et en Grande-Bretagne, certains musiciens traditionnels comprirent que leur art n’a rien à envier aux formes musicales plus savantes. Parallèlement à l’introduction du disque, le monde du spectacle chercha à conquérir l’ensemble des marchés potentiels dès 1890, principalement celui des populations d’immigrés européens, italiens ou irlandais ; rapidement, les Irlandais s’y bâtirent une solide réputation. De nombreux musiciens faisaient ainsi la tournée des cabarets et des cirques, comme le uilleann piper Patsy Touhey qui fut également le premier musicien irlandais à s’intéresser aux potentialités du marché des immigrés irlandais.

PREMIERE PARTIE : UN PRODUIT

Les médias (naissance d’un produit)

Les collecteurs des XVIIe et XVIIIe siècles avaient souvent eu l’occasion de publier le résultat de leurs recherches dans divers périodiques, mais il fallut attendre l’introduction de la radio en Irlande, le 1er janvier 1926, pour voir les travaux de collectage enregistrés commencer à faire leur apparition, tant en Irlande qu’aux Etats-Unis ou dans tous les pays ayant accueilli la diaspora irlandaise. Les collectes plus organisées, effectuées en prévision de diffusions radiophoniques, ne virent cependant le jour qu’à la fin de la seconde guerre mondiale.

Ce développement massif des enregistrements et leur diffusion eut rapidement pour conséquence leur utilisation sur les premières chaînes de radio et de télévision aux Etats-Unis, puis en Irlande. Pour des raisons strictement économiques, ces enregistrements remplacèrent de plus en plus souvent les musiciens jouant autrefois en direct. Cela devint également l’un des principaux moyens de promotion d’un produit musical essentiellement destiné à la consommation directe. L’aboutissement de cette tendance fut la naissance, dans les années cinquante aux Etats-Unis, du métier de disc-jockey.

Les émissions de musique traditionnelle irlandaise à la radio connurent leur véritable essor dans les années dix-neuf cent cinquante sur Radió Éireann (qui devint plus tard RTÉ, Radió Téléfis Éireann, la Radio Télévision Irlandaise),

La première radio de RTÉ (Radio 1) étant diffusée sur le satellite Astra, ces émissions peuvent aujourd’hui être entendues par la diaspora irlandaise en Europe. La radio du Gaeltacht, Radió na Gaeltachta, propose également une émission hebdomadaire, Sessions, ainsi que de nombreuses émissions agrémentées de musique traditionnelle, et possède également un fonds d’enregistrements très riche. Aux Etats-Unis enfin, Fiona Ritchie propose depuis de nombreuses années un panorama hebdomadaire des musiques celtiques très apprécié des auditeurs du réseau N.P.R. (les radios nationales américaines) : The Thistle and the Shamrock.

Développée essentiellement après la seconde guerre mondiale, la télévision n’arriva en Irlande que le 31 décembre 1961. Les émissions consacrées à la musique traditionnelle irlandaise sont ici beaucoup moins nombreuses. La création à la fin de 1996 d’une chaîne de télévision en gaélique pourrait favoriser la production d’émissions concernant ce genre.

Une autre remarque concernant la présence de la musique dans les médias en Irlande s’impose : peu de revues véritablement spécialisées sont disponibles en kiosques. Petite dernière, la revue Irish Music a vu le jour en août 1995 et semble vouloir concilier toutes les approches de la musique traditionnelle irlandaise et tous les courants qui la composent. Hot Press, bimensuel politico-musical de l’Irlande jeune et frondeuse, mérite une mention particulière, puisqu’il est le seul magazine musical comparable aux innombrables périodiques musicaux britanniques ou américains - tels que le New Musical Express ou Rolling Stone - traitant de musique traditionnelle. Si elle fut longtemps absente de ses colonnes, les articles qui lui sont consacrés se multiplient de manière fort révélatrice depuis deux ou trois ans, illustrant la réappropriation de cette musique par les jeunes Irlandais urbains, dont Hot Press est à coup sûr l’un des principaux porte-parole, ainsi que la percée de la musique traditionnelle irlandaise à l’extérieur des frontières de l’île.

Le renouveau des années quatre-vingt dix a malgré tout engendré deux séries télévisées importantes. Contrairement aux émissions radiophoniques essentiellement consacrées à l’écoute passive des grands classiques et des nouveautés, la réflexion menée par plusieurs musiciens irlandais a conduit à la réalisation en 1991 de Bringing it all Back Home par Philip King et Donal Lunny, puis en 1994 à celle de A River of Sound, de Mícheál Ó Súilleabháin. Dans les deux cas, ces émissions expliquaient l’importance de la musique traditionnelle irlandaise, non seulement en Irlande, mais également de manière plus globale pour l’ensemble des musiciens du monde. En outre, l’intermède musical proposé par RTÉ lors du concours de l’Eurovision en 1994 fut une telle réussite que le spectacle construit depuis sur cette formule remporte un immense succès en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, confirmant dans l’esprit des Irlandais la place privilégiée qu’ils occupent sur la scène musicale mondiale. Dans le même temps, les puristes hurlent au scandale, se déclarant choqués par cette récupération mercantile de leur musique. Ces controverses autour de la série télévisée de Mícheál Ó Súilleabháin et du spectacle Riverdance ont atteint leur apogée à l’été 1995, et l’un des débats les plus passionnés eut lieu lors de la Patrick Magill Summer School, dans le Donegal[1].

Cet antagonisme semble pouvoir se résumer à un fort désaccord sur les orientations à prendre : il oppose une tendance proche du Comhaltas Ceoltóirí Éireann et celle globalement symbolisée par les groupes The Bothy Band ou Planxty, dont fit partie en 1980 Bill Whelan, compositeur de la musique de River Dance. Plus que jamais, les termes de ‘musique irlandaise’ sont particulièrement polysémiques, mais le succès de la vente des cassettes vidéos de Riverdance ne laisse pas le moindre doute sur l’opinion des Irlandais : ils sont une grande majorité à aimer ce spectacle, avant tout pour l’air frais insufflé à la danse irlandaise.

Mais cette tendance à l’exportation de la musique et de la danse irlandaises est également le résultat d’un fait économique incontournable :

la marge d’action des petits Etats européens et de leurs industries audiovisuelles respectives est effectivement restreinte. (...) Au niveau structurel, le marché des productions nationales est limité, ce qui constitue un obstacle à la rentabilisation et à la survie des petites industries audiovisuelles.[2]

 

Le marché irlandais étant notoirement trop petit pour faire vivre les musiciens, ceux qui n’ont pas définitivement opté pour l’émigration doivent tirer parti de leur accès privilégié à certains marchés, en particulier ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. A titre d’exemple, c’est aux Etats-Unis que les Chieftains se produisent durant la plus grande partie de l’année, et les séries télévisées citées plus haut (Bringing It All Back Home et A River of Sound) furent toutes deux coproduites avec la B.B.C. De manière tout à fait similaire, le seul moyen pour les artistes irlandais de vivre de leur métier est de s’expatrier régulièrement, le plus souvent le temps d’une tournée.

Mais le développement des médias n’en est sans doute qu’à ses balbutiements, tout comme le dernier-né de la famille, Internet : “ l’homme glanait jadis sa subsistance : il devient aujourd’hui glaneur d’information. Et dans ce rôle, l’homme électronique n’est pas moins nomade que ses ancêtres paléolithiques ”[3].

 

 L’évolution actuelle des phénomènes médiatiques vers ce qu’il est convenu d’appeler les “ autoroutes de l’information ” apparaît comme le prolongement d’une aventure amorcée avec l’arrivée de la radio, puis de la télévision, comme en témoigne cette citation de Bertolt Brecht s’interrogeant dans les années trente sur l’intérêt de la radio à ses débuts :

On avait pourtant l’impression que cet événement n’était pas simplement une mode mais aussi quelque chose de vraiment moderne (..) C’était un triomphe colossal de la technique que de pouvoir désormais faire parvenir au monde entier une valse de Vienne ou une recette de cuisine ; et cela pour ainsi dire en restant dans sa cachette. C’était un événement marquant pour l’époque, mais pour quoi faire ?[4]

 

Comment, dans ces conditions, s’étonner des influences offertes et reçues par la musique traditionnelle irlandaise ? Comment pourrait-il être question de restreindre ou de limiter de tels échanges ? L’intérêt des moyens de communication actuels, qu’ils soient physiques (tournées de musiciens, tourisme...) ou virtuels (radio, télévision, internet...) tient essentiellement à la réciprocité des influences, car on sait maintenant que la musique traditionnelle irlandaise a autant donné qu’elle a retiré de l’accélération du phénomène médiatique mondial au XXe siècle.

Ce fait résume à lui seul la double implication de la musique en tant que phénomène culturel : émanation directe d’un peuple ou d’une culture, elle fait désormais partie intégrante du patrimoine artistique mondial puisqu’elle est répertoriée, classée, enregistrée : elle peut donc légitimement être considérée, dans certains cas, comme une œuvre d’art appartenant à l’humanité et non plus seulement au groupe qui l’a produite ; mais elle se doit également d’être un corps vivant représentatif de cette culture ou de ce peuple, lui-même en perpétuelle évolution. Dotée de valeurs culturelles censées unir le groupe, il lui faut s’adapter à son milieu, évoluer avec celui-ci pour continuer à représenter la communauté dont elle est la propriété commune.

La disparition de certaines musiques traditionnelles peut parfois s’expliquer par la disparition d’une communauté, mais elle est le plus souvent le résultat de la pétrification artificielle au moyen des modes de fixations que sont les partitions et les enregistrements. Tel n’est pas le cas de la musique traditionnelle irlandaise qui, au XXe siècle, a parfaitement su s’adapter au monde qui l’entoure. C’est d’ailleurs un véritable tour de force qui a été accompli : ce qui apparaissait il y a quelques décennies comme une survivance anachronique est en passe de devenir l’un des nouveaux fers de lance de l’économie irlandaise, au travers des industries tant phonographique que touristique, le développement de ce dernier phénomène étant lui-même intimement lié au XXe siècle.

Le tourisme

A partir des années cinquante, le tourisme fut considéré en Irlande comme l’une des sources potentielles de revenu les plus importantes. Bord Fáilte (L’Office de Tourisme de la République Irlandaise) vit le jour en 1955 grâce au Tourist Traffic Act et son budget passa rapidement de £384.000 en 1956/1957 à £2.671.000 à 1966/1967, soit une augmentation de près de 700% en 10 ans [5]!

Le marché du tourisme représente aujourd’hui 7% des recettes de la République[6].

L’intérêt de la musique apparut dès les années mille neuf cent soixante-dix avec les premières coopérations entre Bord Fáilte et le Comhaltas Ceoltóirí Éireann. Les enquêtes les plus récentes réalisées par le Arts Council indiquent l’importance que revêtent les arts dans le contexte touristique : on s’aperçoit ainsi que, dans leurs attitudes envers les arts, les Irlandais considèrent à 89% que “ Les activités artistiques contribuent à faire venir les visiteurs et les touristes en Irlande ”[7].

Nul doute que, parmi celles-ci, la musique figure à la meilleure place.

En effet, les music sessions des pubs irlandais semblent représenter l’une des plus importantes sources de revenu pour les propriétaires de bars (les publicans) et pour les musiciens. S’il ne nous a pas été possible de vérifier un tel fait auprès des premiers, nul ne peut imaginer que les innombrables sessions organisées dans les villages touristiques en été sont le fruit de la philanthropie irlandaise. En revanche, Les renseignements glanés auprès des musiciens indiquent que chacun d’entre eux (deux ou trois par session organisée) peut recevoir en moyenne l’équivalent d’une vingtaine de pintes de Guinness par soirée  ; à raison de cinq sessions par semaine, un musicien apprécié peut ainsi se constituer chaque mois un pécule relativement important dont le percepteur n'entendra jamais parler. Le cas n'est pas rare, loin s'en faut, et la plupart des musiciens des régions touristiques considèrent à juste titre la musique traditionnelle comme une importante source de revenus. Il arrive malheureusement que l’un d’entre eux se fasse épingler par l’administration et soit victime d’un redressement fiscal pour défaut de déclaration de revenus ; mais ce sont des expériences dont aiment peu parler ceux qui espèrent ne pas être le prochain. Véritable chance offerte aux jeunes musiciens qui trouvent dans ces sessions une activité estivale lucrative et sympathique, elles constituent de ce fait un marché parallèle établi depuis les années soixante-dix et qui restera bien difficile à cerner.

On assiste également à une forte différence d’évolution de la musique traditionnelle irlandaise entre les régions les plus touristiques et les zones sortant des sentiers battus. Doolin, considéré par certains comme la Mecque de la musique traditionnelle irlandaise, est en passe de devenir une véritable “ réserve pour musiciens ” que beaucoup de touristes visitent comme un zoo, cherchant frénétiquement l’emplacement du McGann’s ou celui du O’Connor’s. A Dingle, la réputation du O’Flaherty’s est telle que, certains soirs, les musiciens se comportent davantage comme des fonctionnaires du lieu et en viennent à n’offrir qu’une parodie d’eux-mêmes. Par contraste, une petite plongée dans les villages du Sliabh Luachra (région située à cheval sur les comtés du Kerry, de Cork et de Limerick) nous offrira une indication des effets du tourisme sur le milieu social : ici, les musiciens semblent moins sollicités par les pubs, et l’influence économique est donc moins tangible. En outre, la musique semble avoir davantage gardé sa fonction d’accompagnement des danses, limitant de ce fait l’accélération des tempi et la disparition de certaines ornementations.

Si la musique évoque pour la grande majorité des touristes un élément essentiel de leur séjour en Irlande, elle représente pour beaucoup d’irlandais un aspect non négligeable, bien que difficile à chiffrer, de l’essor économique de ces dernières années. Cette relation a eu comme nous venons de le voir, de nombreuses répercussions sur la musique elle-même. Mais elle a, ici encore, conforté les Irlandais dans l’idée que leur musique est digne d’intérêt, y compris pour les étrangers non-spécialistes, et qu’elle représente donc une facette indéniable de leur culture et de leur identité. Ce miroir tendu, dans lequel l’Irlande commence à se reconnaître, est sans aucun doute le plus beau cadeau que le monde pouvait offrir à ce pays jeune.

Les festivals

Les années dix-neuf cent soixante-dix et dix-neuf cent quatre-vingt ont vu fleurir une multitude de petits et grands festivals, la plupart extrêmement intéressants. Presque tous sont associés au nom ou à la région d’un musicien, parfois aux deux ; c’est le cas de l'incontournable Willie Clancy Summer School de Miltown Malbay, organisée par Na Píobairí Uilleann en l’honneur du plus célèbre des citoyens de cette ville et uilleann piper. D’autres festivals rappellent un événement ou un personnage historique : c’est le cas du festival de Nobber commémorant le harpeur aveugle Turlough O’Carolan.

Dans la plupart des cas cependant, l’élément économique tient une place essentielle dans l’esprit des organisateurs, et l’on commence à apprendre depuis quelques années quels événements peuvent attirer l’attention puis retenir les dizaines de milliers de touristes présents en Irlande durant l’été : c’est le cas du Pan-Celtic Week, organisé chaque année par Bord Failte (l’Office du Tourisme Irlandais) à Pâques. On a ainsi pu constater que la ville de Killarney, dans laquelle s’est longtemps déroulé ce festival, se l’est vu retirer pour la simple raison que l’engagement financier et publicitaire n’était pas à la hauteur des espérances de Bord Failte.

Une telle évolution de la notion de festival dans le cadre du fait musical irlandais doit nécessairement nous amener à une réflexion sur l’évolution de la société irlandaise elle-même. En effet, force sera de constater que deux sortes de festivals cohabitent en Irlande comme ailleurs. Les premiers, plus anciens, jouent le rôle de regroupement et de rassemblement de musiciens pour le simple plaisir de participer à une fête ; les seconds plus récents mais plus nombreux, ont dans la plupart des cas une fonction de vitrine culturelle et économique d’une région. Notons cependant que ces deux catégories peuvent parfaitement cohabiter sous les auspices d’un seul et même festival et par conséquent remplir les deux fonctions, comme c’est le cas par exemple du Fleadh Cheoil de Comhaltas Ceoltóirí Éireann ou, hors des frontières du pays, du Festival Interceltique de Lorient. Cette différence essentielle entre les deux fonctions est ainsi analysée par René Alleau :

A la différence des sociétés modernes, les sociétés traditionnelles ne comptent que des acteurs ; elles excluent le spectateur ainsi que l’intervalle de la réflexion critique. Aussi rien n’est-il plus différent du théâtre que la fête, car on ne peut sans mensonge à la fois regarder ceux qui jouent et participer vraiment à un jeu. L’expression spontanée de la communauté traditionnelle est la fête, origine des cérémonies par lesquelles, chacun étant accordé à tous, la même unité intemporelle opère tout en chacun et réconcilie la nature et les dieux avec l’homme.[8]

 

DEUXIEME PARTIE

Musique et politique

La musique traditionnelle fut longtemps considérée avec moins d’égards que les autres éléments de la culture par les différents gouvernements de la République : la première subvention à l’Irish Folklore Society ne fut octroyée qu’en 1930 par le gouvernement Fianna Fáil et, dans l’ensemble, la musique ne semblait guère attirer les regards des responsables du pays[9].

Héritiers du XIXe siècle, les politiciens utilisèrent bientôt la musique traditionnelle irlandaise à des fins d’expression nationale, bannissant toute idée de brassage musical et recherchant dans le passé la pureté musicale qui, seule, pouvait traduire ce qu’il était convenu d’appeler ‘L’Esprit Irlandais’. Il en résulta bien évidemment un isolement total de la population irlandaise :

Le parti (...) allait ériger de nouvelles barrières autour de ‘notre peuple’ qui, dorénavant, serait protégé, industriellement par des taxes, culturellement par la censure, et moralement par l’interdiction du divorce, de la contraception et des bals en plein air (crossroads dancing).[10]

 

L’Irlande ne prit véritablement la mesure de l’enjeu culturel qu’avec la fondation du Arts Council (ou Chomhairle Ealaíon), organisation subventionnée par l’Etat, créée en 1951 (comme le Comhaltas Ceoltóirí Éireann) afin de promouvoir la connaissance et la pratique de tous les arts dans le grand public. Le gouvernement fit également publier en 1952 un petit opuscule sur la musique traditionnelle irlandaise, rédigé par le professeur Donal O’Sullivan de l’université de Trinity College, Dublin : une vision patriotique y perdurait et la musique traditionnelle irlandaise ne s’y voyait définie que comme élément homogène, représentatif de la vision irlandaise du monde, à l’exclusion de toutes les catégories hybrides, tant sur le plan de la forme (certaines ballades) que sur le fond (le jeu en groupe).[11]

 

Bien que le Comhaltas Ceoltóirí Éireann ait été formé un an avant la publication de cet opuscule, il fallut attendre 1968 pour voir la première subvention de l’Etat lui être attribuée. Dans le même temps, les universités commençaient à organiser des départements de musique où la musique traditionnelle irlandaise faisait partie des sujets de recherche. Ainsi, la Folklore of Ireland Society (née en 1926), devenue en 1930 le Irish Folklore Institute, puis en 1935 la Irish Folklore Commission, fut incluse en 1971 dans le département ‘folklore’ de l’Université de Dublin (University College Dublin) et l’aide du Ministère de l’Education permit en 1972 la mise en place de la National Archive of Folk Music. Depuis lors, des départements de musique se sont ouverts dans les universités de Cork et, plus récemment, de Limerick, et la musique traditionnelle irlandaise y figure en bonne place.

Autre action de l’Etat en faveur des artistes, la section 2 du Finance Act promulgué par le gouvernement Fianna Fáil de Charles Haughey en 1969, mise à jour par la section 14 du Finance Act de 1994 sous l’égide du Arts Council et du Ministère des Arts, de la Culture et du Gaeltacht : c’est la célèbre Artists Exemption. Grâce à celle-ci, les artistes de toutes nationalités résidant en Irlande peuvent profiter d’une exemption totale de l’impôt sur le revenu provenant de leurs oeuvres, à condition que celle-ci soient reconnues comme originales, créatives et dotées d’un mérite culturel ou artistique dans l’une des cinq catégories proposées : les musiciens sont classés dans la section (c), ‘une composition musicale’. Il est communément admis en Irlande que la grande majorité des artistes bénéficiant de ces dispositions sont des écrivains, mais il semble parfaitement impossible d’établir de façon irréfutable un tel état de fait [12].

 

Dans les années soixante-dix, et à la suite de la formidable explosion de la musique traditionnelle irlandaise, on vit apparaître un certain regain d’intérêt pour celle-ci dans les milieux gouvernementaux, et le célèbre fiddler Paddy Glackin (ex-Bothy Band) fut même nommé Music Officer for Traditional Music auprès du Arts Council en 1980. Il a depuis été remplacé par Dermot McLoughlin, et la fonction s’est étendue jusqu’à inclure également la musique classique et le jazz. L’Irlande et sa classe politique semblent avoir été bien longues à saisir les enjeux de la scène musicale irlandaise. Ciarán Benson, Professeur de Psychologie à University College Dublin et actuel président du Arts Council (nommé par le Ministre de la Culture Michael D. Higgins en 1993), est le premier à le reconnaître :

Il est indéniable que le domaine de la musique tel qu’il était entendu par le Conseil des Arts ne comprenait pas la musique traditionnelle, et cela  jusqu’à la fin des années soixante-dix. Et ce n’est qu’à la fin des années quatre-vingt qu’il a compris la musique populaire. Maintenant nous visons le jazz (...). Mais n’oublions pas que le conseil des Arts n’est qu’un élément du soutien de l’Etat. J’aimerais beaucoup voir les autorités locales intervenir plus énergiquement à cet égard.[13]

 

Le Arts Council, subventionné par les impôts sur le revenu et par les recettes émanant des loteries nationales, semble maintenant avoir les faveurs de l’Etat car son budget est passé de £13,30 millions en 1994 à £16,25 millions en 1995, soit une augmentation de 22% en un an, bien que les besoins aient été évalués à environ £20 millions[14].

Seuls les festivals, ainsi que les activités liées à la danse, ont vu leurs subventions baisser depuis 1986[15].

Il est également réconfortant de constater que 60% des Irlandais considèrent comme nécessaire le soutien aux différents domaines artistiques, y compris dans une période de crise telle que celle que nous traversons actuellement. Deux petits points noirs cependant : un effort important reste à faire en matière d’éducation artistique, en particulier sur le plan scolaire, bien qu’une telle intervention paraisse difficile étant donné le peu d’influence du Arts Council sur les programmes scolaires et sur les instances éducatives en général. En outre, il semble que les politiques menées jusqu’à une période récente aient favorisé un soutien plus important en direction des professionnels des disciplines artistiques au détriment du monde des amateurs, moins visible mais omniprésent, et vital pour l’avenir.

En ce qui concerne les milieux musicaux professionnels irlandais, l’une des idées les plus répandues à l’heure actuelle consiste à considérer la musique en Irlande comme l’une des principales industries de l’île, tant les groupes célèbres de musique pop-rock qui en sont originaires sont nombreux. L’organisation Music Network fut ainsi fondée en 1986 par le Arts Council afin de développer, plus particulièrement hors de Dublin, l’accès à toutes les musiques. Music Network constitue aujourd’hui une entité indépendante et promeut les artistes irlandais contemporains en encourageant les initiatives locales. Pour sa part, la musique dite ‘populaire’ (c’est-à-dire essentiellement le pop-rock) s’est vu attribuer en septembre 1992 une organisation qui lui est entièrement consacrée, nommée Music Base, et qui joue le rôle précédemment rempli par le représentant officiel du Arts Council (Keith Donald, ex-Moving Hearts) dans les années quatre-vingt. C’est ainsi qu’est née en Irlande, sous l’impulsion de Eoin Holmes, l’idée d’une campagne visant à intensifier l’aide et le soutien de l’Etat à la musique, relayée par certains médias tel que le journal Hot Press. Cette campagne est tout simplement intitulée Jobs in Music :

 Il ne fait absolument aucun doute que des emplois supplémentaires et des ri­chesses peuvent être créés dans le do­maine de la musique en Irlande. Au risque de nous répéter, la musique est l’une des grandes ressources naturelles de ce pays. L’Afrique du Sud a ses diamants, le Moyen Orient son pétrole, la France sa cuisine - nous avons notre musique (...). De gran­des choses ont été accomplies sans la moindre stratégie gouvernementale. Il reste encore beaucoup à faire.[16]

 

Incluse dans cette vaste conquête du marché mondial, la musique traditionnelle irlandaise se verrait hissée au rang de produit commercial, le but restant essentiellement, et dans tous les cas, de développer l’image d’une Irlande culturelle fidèle à sa grande tradition de “ l’Irlande, pépinières d’artistes ”. Le second objectif, avoué de plus en plus ouvertement par les acteurs de la scène culturelle irlandaise, est d’améliorer sensiblement la balance commerciale :

Un deuxième problème et une nouvelle tendance de la politique culturelle, récemment identifié comme apport au courant principal et résultant des évolutions en matières économiques au sein des pays industrialisés, a été défini comme la politique culturelle ‘de contribution’ (...). Ceci implique de tirer profit de projets et d’investissements culturels afin d’atteindre des buts dans des domaines autres que culturels. De tels buts peuvent concerner l’investissement et le profit, le développement du tourisme, la création d’emplois, ou la rénovation urbaine, et leur contribution réside dans la présentation d’une culture ou d’un projet culturel considéré comme un moyen et non comme une fin en soi.[17]

 

Ce qui, reformulé par le président du Arts Council dans la presse musicale devient plus simplement :

La fonction du Conseil des Arts est de créer les conditions pour que l’argent arrive en plus grande quantité, autant pour l’artiste que pour la communauté artistique. Et, pour en revenir aux origines du Conseil des Arts en Irlande, il faut que, lorsque cet argent arrive, il soit libre de toute interférence gouvernementale.[18]

 

On retrouve sensiblement le même raisonnement réceptif aux arguments économiques lorsque surgit le problème des droits d’auteur, mettant en relief une opposition de point de vue entre le monde de la musique pop-rock et celui de la musique traditionnelle. Cette différence d’appréciation tend cependant à disparaître aujourd’hui.

Musique et économie

La musique traditionnelle irlandaise présente, en résumé, deux facettes : une musique à valeur interne, c’est-à-dire dotée de fonctions en usage dans la société irlandaise (sessions, soirées de danses, etc.) et une autre, à valeur externe, c’est-à-dire exportable, et dont la fonction apparaît à certains comme essentiellement commerciale.

Pourtant, l’intérêt économique de la musique traditionnelle irlandaise n’est pas, comme nous l’avons vu, un phénomène récent : les maisons de disques américaines s’en préoccupaient déjà au début du siècle. Aujourd’hui la multiplication des labels discographique créés par des Irlandais atteste de l’intérêt de ce secteur sur le plan économique. Le tourisme est une autre activité liant les deux visages de la culture, car nombre de festivals ont pour objectif essentiel la survie économique d’une région, le plus souvent rurale, et de ses habitants.

L’un des grands phénomènes des dernières décennies réside donc dans une commercialisation massive des musiques traditionnelles, dotant celles-ci de propriétaires (ou d’auteurs au sens économique du terme), faisant de telle ou telle musique le bien d’un seul individu. Cette contradiction flagrante ne manque pas de provoquer de virulentes critiques :

Un certain nombre de commentateurs qui aiment parler de ce qu’ils appellent le ‘mouvement traditionnel’ ont inventé toute une série de clichés qui abusent de la musique ; elle doit ‘aller quelque part’ ; doit ‘être adaptée aux années quatre-vingt’ ; ‘se développer’. (...) Ce qu’ils demandent en réalité c’est que la musique traditionnelle s’adapte au marché. ‘Développement’ et tradition sont bien entendu antinomiques.[19]

 

Mais la commercialisation de cette musique, quoi que l’on puisse en penser par ailleurs, ne participe-t-elle pas d’une adaptation au milieu ? Car si le ‘développement’ de la musique traditionnelle peut effectivement signifier qu’un but lui est artificiellement fixé, le terme ‘d’adaptation’, en revanche, ne démontrera pas autre chose que sa vitalité. Ici encore, la musique irlandaise s’est adaptée à de nouvelles conditions, alliant une valeur externe dont le monde entier est dépositaire, à une valeur propre et interne à la société irlandaise.

Ce conflit portant sur la valeur commerciale de la musique traditionnelle n’est pas un fait interne à la société irlandaise, mais le résultat de son ouverture sur l’extérieur : c’est donc la preuve, mais également la conséquence de l’ouverture de l’Irlande sur le reste du monde depuis les années soixante. Il provient à n’en pas douter de la formidable notoriété de la musique traditionnelle irlandaise et de sa commercialisation. Certains Irlandais voyant leur musique franchir les frontières du pays peuvent parfois se sentir dépossédés d’une richesse culturelle qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer. C’est également ce que durent ressentir certains musiciens de blues, de jazz ou de flamenco par le passé (bien que les médias de l’époque n’aient sans doute pas autant qu’aujourd’hui renvoyé l’image de ce succès à la source). C’est peut-être ce que ressentent aujourd’hui certains musiciens de New York, devant la réappropriation de leur rap par un grand nombre de jeunes citadins dans le monde, de Marseille à Moscou. Lorsque la musique issue d’une culture sort de son univers, elle n’est plus la propriété psychologique de la communauté qui l’a créée[20].

 

Jusqu’à une période récente, les évolutions proposées par les jeunes générations restaient limitées au cadre irlandais et toutes les altérations étaient dotées d’un sens interne : le concept de groupe musical et l’électricité étaient déjà bien intégrés dans la société irlandaise des années soixante. Aujourd’hui partiellement privée de son cadre, la musique irlandaise est en proie à une crise due à sa propagation sur toute la surface du globe et à son absorption par de nombreuses cultures extérieures. Elle n’y est, bien sûr, plus du tout dotée du même sens. Mais il conviendra peut-être d’accepter bientôt que les musiques dites celtiques, et parmi elles la musique irlandaise, sont en passe de s’intégrer au patrimoine culturel international.

Il serait alors regrettable que les Irlandais, Bretons, Ecossais ou Gallois s’attribuent la propriété exclusive des termes ‘musiques celtiques’, imitant en cela les musiciens classiques qui ont une fâcheuse tendance à s’approprier le terme de ‘musique’, comme en attestent les très nombreux ouvrages intitulés “ Histoire de la Musique ” ou “ Encyclopédie de la Musique ” et qui traitent en réalité exclusivement de la musique savante occidentale.

Conclusion

 

La musique irlandaise au XXe s.

Bien entendu, cette évolution ne se fit pas sans heurts, puisque la tradition, comme nous l’avons montré, s’équilibre constamment entre une tendance conservatrice et une tendance innovatrice. Dans ce sens, les concepts de tradition et de modernité n’ont aucune raison d’être opposés. En revanche, certains éléments se sont imposés sans qu’une accoutumance antérieure ait préparé leur introduction : de nouveaux instruments sont apparus et le concept de propriété individuelle d’une mélodie tend à s’imposer. Il n’est donc pas anormal, dans ces conditions de bouillonnement musical, que les ouvrages qui sont consacrés à la musique traditionnelle irlandaise ne trouvent pas de terrain d’entente sur sa définition. Il ne paraît pas non plus inconcevable que l’administration responsable de la gestion des droits d’auteur imagine bientôt un nombre minimum de critères à satisfaire avant de pouvoir jouer de la musique irlandaise...

Face à cet échec permanent et, pour certains, face au caractère irréductible de la musique traditionnelle, un courant relativement puissant s’attache à ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler la musique celtique. Là encore, les tentatives de définitions et les dérives furent nombreuses.

Il est donc de ce point de vue essentiel de comprendre que la musique celtique n’est plus aujourd’hui qu’un concept médiatique fort, tout comme la musique des Indiens d’Amérique du Sud dans les années soixante-dix ou et d’Amérique du Nord aujourd’hui, toutes transformées en produit commercial. Le succès de ces deux musiques est vraisemblablement dû, outre des qualités musicales incontestables, à une excellente médiatisation de ses représentants, en particulier aux Etats-Unis où les maisons de disques tendent à associer les Indiens à la mode du New Age.

La musique en Irlande est donc en passe de réussir un véritable tour de force : offrir au monde une parcelle de sa culture tout en conservant une fonction au sein de sa société. Cette dualité est d’autant plus pertinente que, dans le même temps, cette offrande est réintégrée par l’Irlande comme validation de son identité par la communauté internationale.

Une globalisation de la culture

En effet, si la mondialisation de l’économie se dessine dès la généralisation des échanges réguliers entre peuples, l’apparition plus récente d’un droit international et son influence sur les modes de pensée de chaque pays pourrait, dans une certaine mesure, laisser planer la menace d’une uniformisation de la culture et d’une mondialisation de l'identité 

Parallèlement, l’essor d’une culture urbaine révèle un grand nombre de problèmes communs à tous les pays, y compris ceux en voie de développement. Il n’est sans doute pas fortuit que les gouvernements concernés se penchent depuis quelques décennies sur les similitudes existant entre leurs mégalopoles respectives au travers de grands “ Sommets des Villes ” où ils tentent de mettre en commun leurs recherches et leurs solutions[21].

 

Le 20e siècle a vu apparaître, au-delà de la fonction primaire de la musique, une industrie musicale irlandaise désormais vouée à la production de biens de consommation pour le monde entier. Né avec l’avènement de la radio et de la télévision, cette évolution culturelle fut par la suite confirmée comme l’un des atouts essentiels de la politique touristique irlandaise.

Mais le principal enseignement que l’on pourra tirer de l’évolution de la musique traditionnelle irlandaise tient aux divisions face à sa commercialisation, reflet d’une fragmentation de la société irlandaise se prenant à douter de son unité réelle. Une certaine frange de la société irlandaise continue de se rêver une identité unique et indivisible. L’accession, somme toute récente, à l’indépendance la pousse à considérer comme essentielle à sa survie la préservation d’une attitude unie face à un pays voisin encore trop présent dans son esprit et dans son économie. Mais, comme celle de toutes les autres nations, son identité est multiple, et les nombreuses acceptions des termes “ musique traditionnelle irlandaise ” en fournissent, entre autres, la preuve. Les affrontements entre partisans des différents camps en matière de musique irlandaise ne se conçoivent que si l’on accepte la valeur polysémique des termes ‘musique traditionnelle irlandaise’. Il n’y a donc pas d’identité musicale unique, de même qu’il n’y a pas d’identité culturelle unique en Irlande.

Pour les irlandais eux-mêmes bien entendu, mais également pour les étrangers (touristes, acteurs politiques ou économiques), cette reconnaissance mondiale constitue un véritable miroir enfin tendu à une nation jeune en quête d’identité. Et pour le grand public irlandais, les disques d’or valent tous les Prix Nobels.


 

ABSTRACTS

Erick Falc'her-Poyroux, RENNES 2, 25 & 26 MARS 1999

“ La consommation Culturelle ”

MUSIQUE irlandaise et marchEs internationaux

Le 20e siècle a vu apparaître, au-delà de la fonction primaire de la musique, une industrie musicale irlandaise désormais vouée à la production de biens de consommation pour le monde entier.

Né avec l’avènement de la radio et de la télévision, cette évolution culturelle fut par la suite confirmée comme l’un des atouts essentiels de la politique touristique irlandaise.

Bien que le marché irlandais soit notoirement trop petit, les musiciens peuvent tirer parti de leur accès privilégié à certains marchés culturels, en particulier ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Et c’est ici un véritable tour de force qui a été accompli : ce qui apparaissait il y a quelques décennies comme une survivance anachronique (la musique traditionnelle irlandaise) est en passe de devenir l’un des fers de lance de l’économie irlandaise.

IRISH MUSIC AND THE GLOBAL MARKET

The 20th century has witnessed the development, beyond the primary function of music, of an Irish musical industry now devoted to the production of consumer goods for the world to enjoy.

Starting with the advent of radio and television, this cultural evolution was later confirmed as one of the main assets of the Irish tourist policy.

Although the Irish market is notoriously too small, musicians can benefit from an easier access to cultural markets, in particular the USA and Great Britain. What has been accomplished can thus be regarded as a tour de force : what appeared a few decades ago as an anachronistic survival (traditional Irish music), is fast becoming one of the spearheads of the Irish economy.


[1] voir Gerry MORIARTY, ‘MacGill Summer School - Rivers of Dissent’, The Irish Times, 15 août 1995, p. 6.

[2] Jean-Claude BURGELMAN & Caroline PAUWELS, “ La Politique Audiovisuelle et l’Identité Culturelle des Petits Etats Européens ”, MédiasPouvoirs, N°20, 3e trimestre 1990, p. 107.

[3] Marshal McLUHAN, Pour comprendre les média, Paris, Seuil, 1968, (Understanding Mass Media, 1964, trad. de J. Paré), p. 324.

[4] Bertolt BRECHT cité par Pascal GRISET, Les Révolutions de la Communication, XIXe-XXe Siècles, Paris, Hachette Supérieur, 1991, p. 21.

[5] Voir Breathnach, “ Traditional Music ”, Encyclopaedia of Ireland, Dublin, Figgis,, 1968, p. 304 à 307.

[6] D’après Marc EPSTEIN, L’Irlande, Paris, Hachette, 1996, p. 64.

[7] “ Arts activity helps to bring visitors and tourists to Ireland ”. C’est d'ailleurs à cette proposition que les 1200 personnes interrogées ont répondu le plus massivement par l’affirmative. Voir les résultats complets dans l’ouvrage collectif, The Public and the Arts - A Survey in Behaviour and Attitudes in Ireland, Dublin, the Arts Council, University College Dublin, Graduate School of Business, Business Research Programme, 1994, p. 72.

[8] René ALLEAU, “ Tradition ”, Encyclopedia Universalis, Paris, Encyclopedia Universalis France, 1992, Tome 22, p. 827b.

[9]  Voir Terence Brown, Ireland, a Social and Cultural History, 1922-1985, Londres, Fontana Press, 1985, p. 147.

[10]  “ The Party [Fianna Fáil] (...) was to erect new barriers around ‘our people’ who, from now on, would be protected, industrially by tariffs, culturally by censorship and morally by prohibitions on divorce, contraception and crossroads dancing ”. Dick WALSH, The Party, Inside Fianna Fáil, Dublin, Gill & Macmillan, 1986, p. 46.

[11]  Voir Donal O’SULLIVAN, Irish Folk Music Song and Dance, Cork, Cultural Relations Committee of Ireland - The Mercier Press, 1969 (1ère éd. 1952), 62 p.

[12] Malgré nos contacts poussés auprès des Revenue Commissioners, il nous a été impossible de nous procurer les informations précises concernant le pourcentage de musiciens bénéficiant de cette fameuse loi, le sujet des impôts restant naturellement secret, en Irlande comme ailleurs.

[13] “ It certainly is true that the area of music as understood by the Arts Council didn’t include the traditional music until the late 1970’s. And it was not until the late 1980’s that it included popular music. And now we’re targeting jazz (...). But let’s not forget that the Arts Council is only one element of State support. I would love to see local authorities coming in strongly in this respect ”. Ciarán Benson, interview par Joe Jackson, Hot Press, 1er Novembre 1995, Vol. 19, N°21 p. 15. Remarquons qu’un réseau de Arts Officers nommés par les autorités locales est en train de se mettre en place depuis 1985, date de la première nomination par le Clare Co. Council (équivalent du Conseil Général en France) ; une vingtaine d’entre eux sont aujourd’hui en exercice.

[14]  Ibid. p.15.

[15] COLLECTIF, The Public and the Arts - A Survey in Behaviour and Attitudes in Ireland, op. cit., 1994, p. 10.

[16] “ There is absolutely no doubt that additional wealth, and jobs, can be created in the music industry in Ireland (...). At the risk of being repetitious, music is one of this country’s greatest natural resources. South Africa has its diamonds, the Middle-East its oil, France its food - we have our music. (...) Irish bands, songwriters and artists have proven that they - that we - are very good at this thing. Without any kind of government strategy an enormous amount has been achieved. Much more can be ”. Niall CRUMLISH, “ Industry Special : Irish Music - The Blueprint ”, Hot Press, Vol. 17, N° 16, 25 août 1993, p. 43. Ce sont, de façon étonnante, des termes similaires qu’employa George Martin pour l’Angleterre à l’occasion de la remise de son titre : “ Martin, who co-founded AIR Studios in 1965, once said that the marriage between pop and classical elements in The Beatles’ music contributed greatly to the breakdown of musical prejudice in the 1960’s. Asked whether his knighthood would narrow the gap even further, he replied, ‘Not really, but perhaps it will make people realise that the music business and the record industry in particular is a very good thing for this country’ ”, Mark CUNNINGHAM, “ Due Reward for Hard Day’s Knight ” Pro Sound News Magazine, édition européenne, Vol. 11, N° 7, juillet 1996, p. 3. Rappelons que George Martin fut le cinquième Beatle, leur ingénieur du son tout au long de leur carrière.

[18] “ The function of the Arts Council is to create the conditions for more money to come in, both for the artists and for the arts community. And going back to the origin of the Arts Council in Ireland, the point is that when this money comes in, it has to be free from Government interference ”. Ciarán Benson, Hot Press, 1er Novembre 1995, op. cit., p. 14.

[19] “ A lot of commentators who like to talk about what they call the ‘traditional movement’ have invented a whole set of clichés that make demands on the music ; it has to be ‘going somewhere’ ; be ‘relevant to the eighties’ ; ‘develop’. (...) What they’re effectively asking is that traditional music adapt itself to the market place. ‘Development’ and tradition are of course paradoxical ”. Julian Vignoles, “ What is Irish Popular Music ”, The Crane Bag - Media & Popular Culture, Vol. 8, N° 2, 1984, p. 71.

[20] A titre d’exemple, Larry Sanger, sur son excellent site Internet consacré aux styles de fiddle du Donegal (http://www.geocities.com/Athens/6464/), explique : “ Je ne suis pas très bien placé pour parler au nom des fiddlers du Donegal, puisque j’habite à Anchorage, dans l’Alaska, et que je n’ai à priori pas la moindre goutte de sang irlandais dans mes veines ; je ne joue du fiddle que depuis l’été 1995, et je ne suis jamais allé dans le Donegal ! Alors pourquoi donc vouloir apprendre le style du Donegal ? Parce que je le préfère à tous les styles que je connais, c’est tout. (...) ” [I am not very well qualified to speak for Donegal fiddlers, living in Anchorage, Alaska as I do, and possibly not having a single drop of Irish blood in my veins -- and having played fiddle only since summer, 1995 -- and never even having been to Donegal! So why on Earth am I trying to learn Donegal fiddling? Because I like it better than any other kind of fiddling I've heard, that's why. (...)]

[21] Le premier d’entre eux s’est déroulé à Vancouver en 1976, le plus récent à Istanbul en 1996.