III - Evolutions et révolutions

( 2e Partie)

 

Une modernité

L'incompatibilité fondamentale entre tradition et modernité dans la pensée occidentale remonte, comme nous l'avons montré dans la première partie de ce chapitre, à la Renaissance et à la découverte du 'bon sauvage', nous renvoyant a contrario notre image de 'mauvais civilisé'. Cette conception fut également accompagnée par le discours cartésien au XVIIe siècle, puis au cours du Siècle des Lumières (1715-1800) par une volonté de rationalisation scientifique à outrance cherchant en tout et partout la Vérité unique. Cette tendance connaîtra au XXe siècle son apogée sur un autre plan au travers des doctrines économiques exprimées par Henry Ford ou Charles Taylor, recherchant à leur tour " the one best way ", dans un souci toutefois plus marchand que strictement intellectuel. Ainsi pouvaient s'exprimer les convictions sincères des apôtres du progrès :
L'idée de progrès occupe une place intermédiaire, centrale, entre l'idée de rationalisation et celle de développement. (...) Croire au progrès c'est aimer l'avenir, à la fois inéluctable et radieux. (...) Selon cette vision, les conflits sociaux sont avant tout ceux de l'avenir contre le passé, mais la victoire du premier sera assurée, non pas seulement par le progrès de la raison, mais tout autant par la réussite économique et le succès de l'action collective. note 31
On assiste pourtant, à mesure que grandit l'importance du progrès, à la naissance d'une crainte affichée y compris, et surtout, par les intellectuels d'une
uniformisation de l'identité mondiale et d'une disparition des différences entre les populations, globalement symbolisée par la peur de " L'Empire Coca-Cola ", sans que cela soit toujours exprimé aussi directement :
Nous assistons désormais à une croissance irrésistible du global. Mais le malheur veut qu'elle soit de plus en plus accaparée par la raison du plus puissant. Au fond, l'universel est pervers lorsqu'il est occupé par une seule puissance et nous sommes de plus en plus sous le pouvoir d'une seule culture. note 32
Voici donc la modernité réduite à sa plus simple expression, celle d'une seule culture. Mais cette crainte semble plus particulièrement tirer son origine d'une soudaine accélération du progrès, mythe fondateur de cette modernité au cours du XXe siècle, et dont il nous faut maintenant retracer les étapes essentielles.
 

- Modernité et progrès

L'adjectif 'moderne', issu du latin modo ('récent', d'où le français 'mode'), date du XIVe siècle et ne trouva de substantif correspondant qu'au milieu du XIXe siècle. C'est en effet à partir de cette époque que se dessina plus nettement une société accordant toute confiance au changement, ainsi qu'aux innovations techniques ou scientifiques. A l'inverse de ce que nous avons dit pour la tradition, il est ici essentiel de relever que la modernité vit dans la pleine conscience d'elle-même, se nourrissant précisément de cette lucidité.

Exclusivement et irrémédiablement tournées vers l'avenir, les sociétés humaines occidentales ont, depuis lors, perpétuellement cherché à améliorer leur qualité de vie, et donc leur confort, grâce à de multiples découvertes et inventions : l'électricité, l'automobile, le cinématographe, la télévision, les réseaux de communication sont autant d'innovations qui ont bouleversé les rapports entre les hommes depuis environ un siècle. Mais si les grandes innovations sont dans leur majorité technologiques (La conquête de l'Espace, Internet), il convient également de compléter cette liste par quelques récentes réussites médicales de premier plan : la pilule anticonceptionnelle en 1960, la première greffe du coeur en 1967, l'éradication définitive de la variole en 1979, etc.

L'un des bouleversements les plus importants, car tout aussi concret, tient cependant à l'avènement de ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler la " Société des Loisirs ", également appelée " Société de Consommation " par d'autres, et favorisée par un grand nombre d'inventions : le livre de poche et le disque microsillon en 1947, (qui devint stéréo en 1949), le transistor en 1948, le stylo Bic en 1956, la cassette audio (Philips) en 1966, la carte à puce en 1974, le Disque-compact (Philips et Sony) et le baladeur (Sony) en 1979, le Camescope en 1983, etc. On pourrait bien entendu, et dans le même ordre d'idées, adjoindre à cette liste ce qui fut successivement appelé 'réclame', puis 'publicité'.

Ainsi axée sur le consommateur, la société contemporaine offre l'impression de ne plus considérer l'être humain comme individu mais comme composante d'une masse globale. Pourtant, nul ne contesterait aujourd'hui la dimension individualisante de nos moeurs, sans doute accentuée par la vie citadine, source d'anonymat.

L'une des répercussions les plus flagrantes de cette nouvelle structure sociale est de favoriser une expression culturelle individuelle, chacun cherchant davantage à affirmer son identité personnelle que son appartenance à un groupe doté d'une identité. L'émergence des droits d'auteurs dans les domaines artistiques, et très récemment dans les musiques traditionnelles, en est une preuve formelle que nous traiterons plus en détail dans le troisième volet de ce dernier chapitre.

De ce point de vue, l'Irlande, comme d'autres régions d'Europe et du monde, semble avoir partiellement échappé à cette individualisation de l'expression artistique à un moment crucial de son Histoire : l'accession à l'indépendance, et à une première reconnaissance mondiale. Il reste qu'elle se trouve aujourd'hui confrontée, comme les autres nations du monde, à la remise en cause de la modernité.

L'Occident a longtemps cru que la modernité était le triomphe de la Raison, la destruction des traditions, des appartenances, des croyances, la colonisation du vécu par le calcul. Mais, aujourd'hui, toutes les catégories qui avaient été soumises à l'élite éclairée, travailleurs et colonisateurs, femmes et enfants, se sont révoltés et refusent d'appeler moderne un monde qui ne reconnaît pas à la fois leur expérience particulière et leur accès à l'universel. De sorte que ceux qui s'identifient à la raison apparaissent désormais comme les défenseurs d'un pouvoir arbitraire. Il faut reconstruire la modernité, d'abord en revenant à ses origines. (...) Maintenant que le règne de la raison conquérante s'est achevé, renversé par Nietzsche et Freud, mais aussi par la consommation de masse et les nationalismes, il faut écouter la voix du sujet, qui n'est pas introspection mais lutte pour la liberté contre la logique de la marchandise et du pouvoir, qui est la volonté de l'individu, mais aussi mémoire et appartenance. note 33
De nouveau fondée sur une opposition entre tradition et modernité, une telle réflexion occulte pourtant la caractéristique essentielle de la tradition que nous avons déjà évoquée (voir page 306) : rencontre de " deux forces antagonistes illimitées ", le passé et le futur, elle ne peut se vivre qu'au présent. Elle n'est pas le passé dans le présent, pas plus que la modernité n'est le futur dans le présent. Le présent ne peut-être que la rencontre entre ces deux éléments, aussi indissociables que " le recto et le verso d'une feuille de papier " : la tradition est moderne, la modernité est traditionnelle. Dans ces conditions, revenir aux origines de la modernité comme le suggérait la citation précédente conduit à revenir aux sources de la tradition. Car si le concept de progrès n'est qu'un mécanisme de protection destiné à nous isoler des terreurs de l'avenir, la crise qu'il traverse n'est en réalité qu'une crise du futur provoquant soudain effroi et panique chez l'homme depuis qu'il s'est permis de faire chanceler ses croyances religieuses, et à mesure qu'il s'avance vers une rationalisation du monde qu'il ne souhaite pas nécessairement, tout comme il n'a certainement pas quitté de bon coeur sa campagne pour trouver du travail à la ville.
Nous vivons, sous des aspects différents, une crise commune du progrès. Je crois aussi que le retour actuel à l'ethnie ou à la religion, est une conséquence de l'universalisation de cette crise du progrès : quand on perd le futur et que le présent est malheureux, misérable, angoissant, il ne reste plus que le passé. note 34
C'est, de façon anecdotique mais révélatrice, ce qu'exprimaient les musiciens punks de la fin des années soixante-dix dans les grandes villes britanniques, en hurlant leur célèbre " No Future ", pour rallier quelques années plus tard les grands courants musicaux préexistant, accordant un sursis temporaire à notre futur note 35.

En termes musicaux irlandais, cette présence et cette reconnaissance du passé transitèrent par la prise de conscience de certains groupes, ainsi qu'en témoignent ces quelques phrases de Bono, chanteur de U2 :

Je pensais autrefois que U2 sortait de nulle part, un trou noir ; Nous avions l'impression de n'avoir aucune racine. Je rencontrai Bob Dylan pour la première fois dans les coulisses de Slane Castle en 1985. Il était assis là et me parlait des McPeakes, un groupe irlandais dont je n'avais jamais entendu parler. J'expliquai à Dylan et à Van Morrison, qui était là à ce moment, que j'avais l'impression de n'appartenir à aucune tradition, comme si nous étions perdus dans l'espace, flottant au-dessus de nombreuses traditions sans appartenir à aucune. Il nous apparut tout à coup qu'un voyage pouvait être entrepris. Il y avait quelque chose à découvrir. note 36
Le résultat de cette expérience nommée " Rattle and Hum " fut consigné dans un disque et dans un film qui débute sur cette idée de 'Voyage Musical' au pays du rock'n'roll, les Etats-Unis. Mais un tel retour sur le passé provoqua également nombre de commentaires caustiques sur la fin d'une grande aventure. Le rock serait-il à l'agonie et pourrait-il bientôt, à son tour, laisser la place à d'autres formes musicales ?
Cette fois-ci, la boucle est (définitivement) bouclée. A trente-trois ans, le rock, devenu adulte après une dernière tentative pour s'auto-justifier (Band Aid, Mandela, Amnesty) revient inlassablement sur lui-même (...). U2, quatuor irlandais militant catholique [sic!], ne trouve rien de mieux à faire que de se prendre pour deux de ses modèles (...). On a l'impression, venteuse et insipide, d'assister à une ultime visite au berceau d'un désespéré cherchant une dernière fois à comprendre pourquoi tout est perdu. (...) Uniques solutions entrevues, la bâtardisation terminale (acid jazz, reggae rap, flamenco Piaf). note 37
Ces exemples ne se veulent pas seulement anecdotiques et témoignent de la continuité des affrontements entre les anciens et les modernes, quelle que soit l'époque et en quelque lieu que ce soit : la soif de pureté n'est pas l'apanage des seuls nationalistes et romantiques.

Parmi les influences de la modernité sur le développement des musiques traditionnelles, celles de l'industrialisation et de l'urbanisation apparaissent capitales, à tel point que nous souhaitons leur consacrer un chapitre distinct.

- Urbanisation et musique

S'il semble déraisonnable d'attribuer l'apparition des villes à une région ou à une période précises de l'humanité, il sera en revanche plus aisé de discerner dans l'élan industriel du XIXe siècle l'avènement de la civilisation urbaine dans laquelle nous vivons toujours. Les pourcentages de population vivant dans les villes indiquent que le tournant du siècle fut également un tournant démographique de l'Histoire,  plus spectaculairement encore aux Etats-Unis qu'en Europe note 38 :
périodes
France (%)
USA (%)
1850-1860 
1870-1890 
1900-1910 
1920-1930 
1950-1960
27,2 
33,4 
42,6 
48,9 
60,3
17,9 
27,1 
43,0 
49,2 
67,2
L'accélération de l'urbanisation depuis environ un siècle pose en effet des questions précises que l'on ne pourra éluder : à l'échelle mondiale, la population urbaine représentait 3% des habitants du globe en 1800, et 30% en 1950. On considère aujourd'hui que 45% de la population mondiale vit en zone urbaine, les prévisions annonçant un chiffre de 60% en 2025, car la population urbaine augmente trois fois plus vite que la population rurale (2,5 contre 0,8 par an). Encore faut-il prendre conscience du fait que ce chiffre recouvre des réalités bien différentes car si ce taux d'urbanisation atteint environ 75% dans les pays occidentaux de l'hémisphère nord, il n'est que de 35% pour les pays " en voie de développement " du Sud. C'est logiquement dans ces régions-ci du monde que la croissance urbaine est aujourd'hui la plus forte note 39. Il est de ce point de vue tout à fait étonnant de constater que le substantif " ruralité " existe depuis le XIXe siècle au moins pour désigner la " condition des campagnards, des biens de campagne " note 40 mais qu'aucun terme ne désigne le concept équivalent pour la vie citadine note 41. Faut-il y voir la manifestation d'une certaine résistance à cette évolution ?

Du point de vue musical, l'urbanisation implique à l'échelle mondiale un certain nombre d'apports nouveaux, techniques ou sociaux, qui n'ont guère été explicités jusqu'à nos jours. L'un des premiers éléments concernera les thèmes des chants et chansons qui utilisent cet univers urbain en toile de fond de ces ballads, dont les textes étaient eux-mêmes vendus en ville sous le nom de broadsides ou broadsheets, du nom du format utilisé (38 cm X 61 cm). Dublin exerça dès le XVIIIe siècle une grande influence sur la production de ballads, et une véritable industrie de publication des textes et mélodies naquit à partir de 1770, pour se poursuivre jusqu'au début du XXe siècle note 42.

Comme nous l'avons montré à partir de l'exemple de l'accordéon et de sa propagation dans le monde, le XIXe siècle marqua l'avènement du caractère industriel des instruments populaires, non seulement en raison de leur fabrication nécessitant une forte mise en oeuvre technologique, mais également en raison de leur production à grande échelle dans les villes à partir des années 1930.

L'électricité joua également un rôle considérable dans l'évolution des musiques mondiales à partir du début du XXe siècle note 43 : elle fut tout d'abord utilisée pour les enregistrements qui, après des débuts peu concluants sur le plan de la fidélité sonore, bénéficièrent de l'invention par Joseph Maxfield en 1925 d'un nouveau système reproduisant mieux les fréquences basses. Cela permit au fiddler irlandais résidant à New York, Michael Coleman, d'enregistrer dès septembre 1925 quatre mélodies pour le label Columbia, avec Tom Morrison à la flûte note 44. L'électricité permit par la suite l'amplification des instruments. C'est au célèbre guitariste de jazz américain Les Paul que revient le mérite d'avoir révolutionné le son musical du XXe siècle en inventant en 1941 une guitare de bois plein amplifiée, le terme consacré par les musiciens du monde entier restant celui de 'solid body'. Il lui fallut attendre 1952 pour voir ses premiers modèles produits industriellement sortir des usines Gibson, dont le nom reste éternellement attaché au guitariste grâce à ce modèle dont la réputation n'a jamais été dépassée. Les Paul fut également l'un des premiers à expérimenter de nouvelles techniques d'enregistrement des instruments à partir de 1945 en utilisant diverses sortes d'effets aujourd'hui couramment utilisés en studio, et en inventant les premiers magnétophones multipistes commercialisés à partir de 1952 par la marque Ampex. C'est donc à lui que l'on doit l'apparition des concerts amplifiés - véritables rituels musicaux et symboles même de la musique rock - et l'essor du rôle de l'enregistrement dans l'ensemble des musiques du monde.

Durant les années soixante, l'apparition de l'électricité dans la musique traditionnelle passa par une période intermédiaire où l'on vit les musiciens folk électrifier leurs instruments : les premiers exemples datent de 1965 avec le groupe américain The Byrds qui obtint durant l'été de cette année les premières places des hit-parades en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis avec deux reprises de chansons de Bob Dylan (" Mr. Tambourine Man " et " All I Really Want to Do "), puis avec une reprise de Pete Seeger (" Turn, Turn, Turn "). Bob Dylan fut lui-même hué par ses fans au Festival de Newport le 25 juillet 1965 lorsqu'ils s'aperçurent que leur maître avait électrifié sa musique note 45.

Nul doute à présent que les bouleversements technologiques du XXe siècle eurent une influence naturelle sur le développement de toutes les musiques. Un rapide tour d'horizon musical du XXe siècle nous indiquera instantanément que les musiques traditionnelles et populaires les plus récentes sont urbaines.

La première musique (et surtout danse) de l'ère urbaine semble être le Tango, qui naquit vers 1880 dans les maisons closes des faubourgs malfamés de Buenos Aires et fut plus tard édulcoré pour être exporté dans les villes du monde entier. Le Jazz, également issu des maisons closes américaines, fut d'abord l'expression musicale de la Nouvelle-Orléans avant d'être entendu dans le monde entier sous différentes formes, toutes fondamentalement urbaines. Le Blues lui-même, quoique d'origine sans doute rurale, trouva à Chicago une expression urbaine considérable, également relayée dans le monde entier. On ne saurait non plus oublier le Rock'n'Roll et ses nombreux descendants, des mythiques années cinquante des Studios Sun de Memphis jusqu'au Grunge Rock de Seattle dans les années quatre-vingt dix, en passant par Liverpool dans les années soixante, San Francisco dans les années soixante-dix et Londres dans les années quatre-vingt. Ajoutons, parmi les mouvements musicaux importants au cours du siècle, le renouveau du Folk Urbain porté par Leadbelly et Woody Guthrie, puis par Bob Dylan ; le Ska et le Reggae de Kingston furent tout d'abord l'expression des banlieues jamaïcaines avant de se voir transformées en musique de vacances; et le Country & Western lui-même s'est urbanisé depuis qu'il a investi les studios de Nashville et qu'il est devenu pour une large part le porte-parole des camionneurs américains.

D'autres musiques, moins influentes à l'échelle mondiale, témoignent de l'intensité de l'ampleur de la mutation urbaine dans toutes les régions du monde et dans toutes les catégories sociales.

En France, le bal Musette apparaît comme la fusion du folklore auvergnat et d'une logique urbaine et industrielle, symbolisée par l'instrument-roi, l'accordéon. En Amérique, différents styles développés à différentes époques sont l'expression musicale des 'classes laborieuses' : le Cajun et le Zydeco représentent les deux catégories ethniques de la Louisiane, le premier étant la version blanche et le second la version noire d'une musique très semblable. Le style 'Motown' des années soixante, originaire de Detroit ('Motor Town') est également une musique urbaine, noire et originaire d'une ville entièrement construite autour des usines Ford. Le Tex-Mex est un mélange urbain des cultures du Texas et du Mexique dont l'expression musicale trouva ses principaux porte-parole avec Flaco Jimenez puis, dans les années quatre-vingt, avec le groupe Los Lobos. Le Rap, enfin, est une musique et un phénomène social d'origine populaire foncièrement urbaine puisque née sur les trottoirs de New York. Parmi les musiques occidentales récentes, signalons également la House, la Dance et la Techno, toutes particulièrement appréciées dans les grands centres urbains de Belgique et d'Allemagne, ainsi que les innombrables sous-catégories qui en découlent.

En Afrique, l'influence de l'urbanisation a opéré de façon moins évidente, se concentrant sur les quelques grandes villes dotées d'une vie musicale importante et d'une infrastructure technique suffisante. Les métropoles d'Afrique du Sud sont de ce point de vue des zones extrêmement fertiles en matière musicale, comme en témoignent la naissance dans les années trente d'un style appelé Mbaqanga et originaire des townships noirs. Soulignons également le succès international des Mahotella Queens et l'intérêt qu'ont porté certains artistes occidentaux à ces musiques, tout particulièrement Paul Simon. Dakar figure également en bonne place parmi les zones urbaines africaines d'importance : elle a vu naître Youssou N'Dour, protégé de Peter Gabriel et symbole d'une occidentalisation de la musique africaine, le Mbalax ou Afro-Rock. Peu d'autres régions africaines ont à ce jour négocié avec succès le tournant urbain du XXe siècle, si l'on excepte le Rock algérien nommé Raï, d'origine essentiellement parisienne en réalité.

L'Asie, enfin, semble moins atteinte par cette frénésie urbaine et bien peu de ses musiques arrivent jusqu'à nos oreilles. Signalons pourtant que les musiques de films de nombreux pays y sont fortement occidentalisées, et que règne depuis les années soixante-dix une mode de pure copie de la musique pop occidentale ce qui, paradoxalement, pourrait avoir une influence à très long terme sur la tradition musicale de ces pays. A titre d'exemple, la grande mode taïwanaise des années quatre-vingt dix, appelée " Mandarin Music ", est une pure imitation répétitive de la variété américaine appelée 'Middle of the Road' (ou M.O.R.).

Il nous semble inutile de pousser plus loin notre démonstration tant il apparaît manifeste que les principales musiques populaires du siècle dernier ont été popularisées par des milieux urbains. Comment, dans ces conditions, continuer d'ignorer que l'Irlande, et par conséquent la musique traditionnelle irlandaise sont, elles aussi, devenues plus urbaines.
 
 
 

- Le XXe siècle irlandais

C'est à partir des années trente que l'on commença à ressentir dans les campagnes irlandaises une modification du comportement relatif au lieu de vie, poussant les autorités à s'interroger sur les nouvelles valeurs portées par l'émigration massive de la population rurale :
Jusqu'à la fin des années 1930, la plupart des commentateurs s'accordent à considérer que l'émigration reflétait d'une façon paradoxale une adhésion à l'univers rural, ou du moins une protection du système d'héritage des terres. A partir de cette date l'historien rencontre de plus en plus fréquemment des rapports et des études, des portraits littéraires et dramatiques, qui s'accordent sur la découverte d'un univers rural absolument accablé, où l'émigration en vient à représenter un rejet total de la vie rurale. note 46
Souffrant à la fois d'une émigration rurale vers les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne et d'une émigration interne vers ses grandes villes, l'Irlande s'urbanisa également rapidement, quoiqu'un peu plus tard que le reste de l'Europe : 32,27% vivaient en zone urbaine en 1926, 41,44% en 1951, 49,2% en 1966, 52,25% en 1971. Aujourd'hui 57,4% de la population est considérée comme urbaine et les experts annoncent le chiffre de 70% en 2025 note 47

Les romantiques enthousiastes, célébrant et vénérant un âge d'or rural à partir de la fin du XIXe siècle, eurent pourtant bien du mal à accepter la nouvelle réalité sociale et culturelle de l'Irlande, elle aussi devenue urbaine.

Ils célébraient une pastorale irlandaise où la vie rurale était synonyme de vertu dans la mesure où elle demeurait l'expression d'une civilisation ancienne, non-altérée par le mercantilisme et le progrès. De ce fait, ils contribuaient à confirmer dans la société irlandaise la certitude que la vie rurale constituait un aspect essentiel d'une identité irlandaise immuable. (...) [les écrivains] soulignèrent naturellement ces aspects d'un mode de vie qui suggéraient une continuité éternelle, une résistance au changement, une stase quasi hermétique transcendant l'Histoire. De ce fait, ils propageaient une conception de la tradition ignorant à quel point l'univers rural irlandais du début du vingtième siècle était tout aussi engagé dans un processus historique et une évolution sociale que tout autre. note 48
Définir une musique urbaine dans le contexte irlandais n'est pas aisé : jouée de manière acoustique et entre amis, elle connut plusieurs sortes de modifications que l'on pourrait qualifier 'd'urbanisantes', outres celles mentionnées dans le chapitre précédent pour l'ensemble des musiques traditionnelles du monde.

On assista tout d'abord, sous l'impulsion du compositeur classique Seán Ó Riada et de son expérimentation du Ceoltóirí Chualann en 1961 note 49, à l'apparition du phénomène des groupes jouant de la musique de danse (et non plus des chants, comme les Clancy Brothers ou les Dubliners). Sur disques, l'innovation la plus évidente résidait dans l'arrangement de la musique à la manière orchestrale classique où chaque instrument et musicien s'exprimait tour à tour. Ce nouveau mode de jeu, qui trouva son prolongement dans les années soixante-dix avec le groupe Clannad, n'est pas sans rappeler une autre musique d'origine américaine et purement urbaine, le jazz. Mais ce serait ignorer l'autre aspect du monde du spectacle que de passer sous silence l'influence du jeu de scène sur la musique irlandaise. Alors que le Ceoltóirí Chualann, déjà évoqué, se contenta longtemps de jouer en demi-cercle suffisamment compact pour s'entendre jouer de manière satisfaisante, les récents développements de la musique traditionnelle irlandaise obligent aujourd'hui tout groupe, y compris ceux mettant en oeuvre uniquement des instruments acoustiques, à disposer de 'moniteurs de scène', sortes d'enceintes inclinées vers eux et où un mixage différent du mixage de façade (destiné, celui-là, au public) permettra aux musiciens de s'entendre les uns les autres (voir page 248).

On notera également, dans le même ordre d'idées, que les instruments électriques firent leur apparition en musique traditionnelle irlandaise avec le groupe Sweeney's Men, fondé en 1966, mais la véritable révolution arriva en 1972, avec " Johnny's Wedding ", un 45t de Horslips mêlant air traditionnel, violon et guitares électriques, sensiblement à la même époque qu'Alan Stivell en Bretagne. Evoquant le groupe acoustique The Bothy Band, P.J. Curtis résume ainsi le bouleversement inhérent aux années dix-neuf cent soixante-dix :

Leur approche innovatrice et puissante représentait sans aucun doute, tout comme le mélange traditionnel-contemporain de Planxty, un exemple suprême de l'urbanisation de la musique rurale irlandaise. Une bonne analogie de cette urbanisation d'une musique traditionnelle rurale peut être entrevue dans l'évolution du Blues américain, de ses premières racines rurales dans le Delta du Mississippi à ses descendants urbains, électrifiés, puissants et énergiques que l'on rencontre à Memphis, Detroit ou Chicago. note 50
Si le fait urbain n'apparut jamais consciemment aux musiciens irlandais de cette période, c'est pourtant cette idée que le groupe breton Tri Yann évoqua clairement, de son côté de la Manche, en illustrant son disque Urba (1978) d'un lit clos breton dont la porte ouverte offrait une vue plongeante sur le centre-ville de Nantes note 51. Par la suite, le groupe Moving Hearts se fit également le champion de cette électrification de la musique traditionnelle irlandaise, provoquant sans doute quelques apoplexies, mais attirant au moins autant de jeunes vers cette musique.

Comme nous l'avons montré, la soudaine prise de conscience de l'inclusion totale de l'Irlande dans ce vaste processus historique d'urbanisation de la musique se produisit au cours des années soixante. Il est de ce fait intéressant de constater l'émergence parallèle d'un certain regain d'intérêt pour le traditionnel d'une part, grâce au renouveau de la musique folk des années soixante et soixante-dix, et d'autre part celle du pop-rock urbain aux Etats-Unis, à Liverpool et à Londres, c'est-à-dire précisément dans des zones d'émigration irlandaise note 52. Nous avons également souligné l'importance des Etats-Unis dans le renouveau de la musique traditionnelle irlandaise durant la première moitié du XXe siècle, et plus particulièrement des grands centres urbains qu'étaient (et que restent) Boston (avec le capitaine Francis O'Neill durant les années dix-neuf cent dix) ou New York (avec Michael Coleman dans les années vingt et trente, puis les Clancy Brothers dans les années cinquante). Aujourd'hui, ces mêmes villes connaissent toujours une profusion de musique traditionnelle irlandaise, comme en témoigne la popularité de Liz Carrol et de Eileen Ivers, ou de groupes comme Cherish the Ladies et de la Trinity Dance Company à Chicago. La musique traditionnelle irlandaise s'est donc transplantée dans les villes, et dans une très large mesure, s'est débarrassée de l'accompagnement des danses pour explorer l'univers des musiques à écouter, provoquant ainsi une accélération globale des tempi parfois regrettée, mais qu'il est parfaitement justifié de considérer comme une influence urbaine.

Nous avons montré l'impact des enregistrements de musique traditionnelle irlandaise réalisés aux Etats-Unis sur la communauté musicale d'Irlande : la musique traditionnelle irlandaise, tout autant que le reste des phénomènes sociaux, ne resta pas en retrait des processus d'évolution à l'oeuvre dans les sociétés occidentales. C'est également l'une des raisons de sa survie car, ainsi placée au coeur d'une société irlandaise en pleine mutation, la musique issue de ses campagnes n'avait qu'une alternative : s'adapter ou disparaître. Elle s'adapta grâce à de petites évolutions imperceptibles mais concrètes et réussies.

- Ruptures et mémoire

Tout au long de cette étude, nous avons constaté à quel point l'idée de création sous-tend l'ensemble du processus traditionnel. Nous avons été témoins de l'introduction et de la disparition de certains instruments ou de l'évolution sociale de certains autres : que l'on songe seulement à l'adoption des danses européennes au XVIIIe siècle, à la métamorphose de la harpe et à la naissance des ballads au XIXe siècle, à l'introduction du bouzouki et du low whistle ou à l'apparition des sessions au XXe siècle. Tous ces éléments sont aujourd'hui parfaitement intégrés dans le contexte social irlandais et correspondent à des fonctions précises que nous avons évoquées. Il serait en conséquence bien difficile de prétendre que les musiques traditionnelles n'évoluent pas. Il serait tout aussi difficile de leur contester un caractère moderne et constamment contemporain étant donné le mouvement perpétuel qu'elles impriment aux sociétés qui les engendrent. Seules déclinent et meurent celles qui cessent d'évoluer.

Si la tradition a donc pu être décrite comme un aboutissement perpétuellement provisoire, la modernité se révèle pour sa part comme une tradition de transmission et d'invention, c'est-à-dire comme une opération centrifuge et centripète : Si ces deux termes apparaissent opposés, ils nous semblent dans ce cas tout à fait complémentaires, indiquant clairement la double tendance d'une musique perpétuellement vivante car ancrée dans le présent, en équilibre parfait entre le passé et le futur.

Le grand défaut de notre monde contemporain est de provoquer un déséquilibre au profit du passé en lui accordant trop de crédit. Confronté pour la première fois à sa mémoire collective engrangée et répertoriée, l'homme ne parvient pas à dominer cette image qui est la sienne, et ne peut surmonter le vertige qu'elle occasionne. Nous avons déjà montré en quoi le concept de progrès n'est, somme toute, qu'un mécanisme destiné à nous protéger des terreurs du futur (voir page 340). Cependant, celui-ci ne suffit plus aujourd'hui, et la " Tradition " de nos musées, également transformée en véritable mythe par un retour logique des choses, vient à son tour jouer le même rôle stabilisateur pour devenir une tentative d'explication de l'univers : elle se veut rassurante, et elle l'est pour beaucoup d'entre nous. Cette propension à la sauvegarde culturelle permanente ne semble pas devoir disparaître, si l'on en juge par l'un des rôles aujourd'hui tenus par le réseau Internet, accentuant le caractère externe de la mémoire humaine dont nous avons parlé plus haut (voir page 330 et infra). Voici un exemple très récent de cette externalisation de la mémoire survenu à l'un des inventeurs du réseau, et les réflexions que cela suscita chez lui :

Cet homme " obsédé " par la communication est paradoxalement victime des faiblesses de... la mémoire humaine. Un jour, il fut incapable de retrouver un texte parmi les trop nombreux fichiers de son ordinateur. Il se rappela avoir " édité " cet article, dans le passé, sur Internet. Lançant un appel sur le réseau, il n'eut pas à attendre longtemps : un correspondant avait gardé une copie du précieux document. " Je me suis dit que ce que nous ne pouvions pas caser dans notre mémoire, nous pouvions le placer sur le Net, et le retrouver. Je crois vraiment que le réseau deviendra une sorte de bibliothèque de la mémoire globale de l'humanité, dans laquelle toutes nos connaissances seront stockées, pour être immédiatement disponibles, et utilisables. " note 53
Ce réseau de la fin du XXe siècle témoigne de l'accélération du processus d'échanges depuis quelques décennies et nous amène légitimement à nous poser une question en apparence anodine mais cruciale : y a-t-il une fin à la différence entre les humains ? Si la réponse est, comme nous le pensons, positive, il convient alors de se demander comment continuer à en produire, c'est-à-dire comment continuer à produire du sens à partir d'un fait culturel, tout en acceptant une vision du monde différente de la nôtre. La réponse à cette question pourra être apportée par le dernier volet de ce chapitre qui tendra à démontrer l'importance du concept d'identité culturelle dans le monde contemporain et plus particulièrement, pour ce qui nous concerne, à confirmer la place essentielle que peut aujourd'hui tenir la musique traditionnelle dans le contexte irlandais. 

31 Alain TOURAINE, Critique de la modernité, Paris, Fayard, 1992, p. 89.

32 Michel SERRES, interview, Le Courrier de L'Unesco : Qu'est-ce que le Progrès ?, décembre 1993, p. 7.

33 Alain TOURAINE, Critique de la modernité, op. cit., 1992, p. 4 de couverture.

34 Edgar MORIN, " Une Crise du Futur ", Le Courrier de l'Unesco, op. cit., décembre 1993, p. 24.

35 Citons parmi les groupes phares de cette époque : les Nipple Erectors de Shane McGowan qui préféra rapidement la chanson irlandaise mâtinée de punk des Pogues, avant d'être remplacé par Joe Strummer, lui-même ex-membre des Clash ; Sting, ex-chanteur du groupe The Police, s'est fait l'apôtre du jazz-rock bien pensant ; et les Sex Pistols se sont reformés au printemps 1996 pour une tournée au titre évocateur de Filthy Lucre.

36 " I used to think that U2 came out of a void, a black hole, we seemed completely rootless. I met Bob Dylan for the first time backstage at Slane Castle 85. He sat there talking about the McPeake Family - this Irish group I'd never heard of. I told Dylan and Van Morrison, who was there at the time, that I felt we didn't belong to any tradition, it was like we were lost in space, floating over many traditions but not belonging to any one of them. It then struck us that there was a journey to be undertaken. There was something to be discovered ", cité par Richard KEARNEY, Across the Frontiers, Ireland in the 1990's, Dublin, Wolfhound Press, 1988, p. 189.

37 Yves BIGOT, " Les Anciens et les Modernes ", Musicien (magazine français), N°4, janvier 1989, p. 30.

38 D'après les annuaires démographiques des Nations Unies, cité dans l'article " Ville ", Encyclopedia Universalis, op. cit., vol. 23, p. 612.

39 Tous ces chiffres (l'étude la plus récente datant de 1994) sont disponibles auprès des Nations Unies, à l'adresse suivante : Population Division, DESIPA, United Nations (Room DC2-1950), New York, NY 10017 USA, ou sur le serveur internet à l'adresse : gopher://gopher.undp.org:70/00/ungophers/popin/wdtrends/urban

40 LITTRE, tome 6, p. 5671.

41 Le terme d'urbanité demeure en théorie synonyme de politesse et de savoir-vivre : voir LITTRE, tome 6, p. 6556. Mais, le concept récent d'urbanisme signifiant pour sa part l'adaptation de l'habitat aux besoins humains, les chercheurs en sont tout de même venus à utiliser ce terme comme équivalent pour la vie citadine du terme de " ruralité ", bien que l'usage n'ait pas fait de percée notable dans la langue française : voir son utilisation dans Marcel RONCAYOLO, " Ville (Urbanisme et Architecture) ", Encyclopedia Universalis, op. cit., 1992, vol. 23, p. 660c.

42 Pour plus de détail, voir Hugh SHIELDS, " Ballads, Ballad Singing and Ballad Selling " Popular Music in Eighteenth-Century Dublin, Dublin, Na Píobairí Uilleann & Folk Music Society of Ireland, 1985, pp. 24-31.

43 Rappelons que les premiers phonographes étaient mécaniques et ne nécessitaient donc pas de courant électrique.

44 Michael Coleman avait déjà gravé de nombreux enregistrements depuis ses premières armes sur le label Shannon en 1921.

45 Il publia également la même année son premier album électrique, Bringing It All Back Home, qui suggéra des années plus tard à Philip King et Nuala O'Connor le titre d'une émission et d'un ouvrage sur la musique traditionnelle irlandaise.

46 " Up to the late 1930s, most commentators are agreed, emigration reflected in its paradoxical way a commitment to rural life, or at the very least to the protection of the inherited plot. From that date onwards the historian, with repeated frequency, comes on reports and surveys, on literary and dramatic portraits, which agree in the discovery of a universally demoralized rural scene, where emigration has begun to represent an outright rejection of rural life " . Terence BROWN, Ireland, a Social and Cultural History, op. cit., 1985, p. 183.

47 Ces chiffres sont extraits de l'excellente étude de BROWN Terence, Ireland, a Social and Cultural History, op. cit., 1985. On pourra également consulter Chris CURTIN, Hastings DONNAN & Thomas M. WILSON (dirs), Irish Urban Cultures, Belfast, Institute of Irish Studies & Queen's University, 1993, 271 p.

48 " They celebrated a version of Irish pastoral, where rural life was a condition of virtue in as much as it remained an expression of an ancient civilization, uncontaminated by commercialism and progress. In so doing, they helped to confirm Irish society in a belief that rural life constituted an essential element of an unchanging Irish identity. 84 (...) [the writers] naturally highlighted those aspects of that life which suggested an undying continuity, an unperviousness to change, an almost hermetic stasis that transcended history. In so doing they were popularizing a notion of tradition that ignored the degree to which Irish rural life by the early-twentieth century was as involved with the processes of history and social change as any other ". Terence BROWN, Ireland, a Social and Cultural History, op. cit., 1985, pp. 83-87.

49 le Ceoltóirí Chualann, formé en 1961 par Seán Ó Riada, qui y trouva de nouvelles directions pour la musique irlandaise et pour ses idées d'arrangements, devint en 1964 le groupe Les Chieftains.

50 " Unquestionnably, their innovative fire-brand approach to the music represented, as did Planxty's mixing of traditional and contemporary, a supreme example of the urbanisation of Irish rural music. A good analogy of this urbanisation of a traditional rural music can be found in the evolution of American Blues, from its early acoustic rural Delta roots to its electrified, high-powered, high-energy urban offspring to be heard in Memphis, Detroit or Chicago. " P.J. CURTIS, Notes from the Heart, op. cit., 1994, p 29.

51 TRI YANN, Urba, disques Marzelle, distribution Phonogram, 1978, réf. 510 770-2.

52 Peut-on également manquer de noter que les nombreux groupes rock irlandais font beaucoup pour la notoriété de l'Irlande (et pour sa balance commerciale), comme les nombreux écrivains anglophones irlandais firent beaucoup pour leur pays durant la première moitié du siècle.

53 Laurent ZECCHINI, " Le père d'Internet fier de son rejeton " Le Monde Diplomatique, 3 janvier 1996, p. 5.