II - Un univers de musiciens

(1e partie)

 
For the Great Gaels of Ireland  
Are the men that God made mad,  
For all their wars are merry  
And all their songs are sad.  

Gilbert K. Chesterton (1874-1936)  

Ballad of the White Horse ; 1911. 

[ For the young Gaels of Ireland  
Are the lads that drive me mad,  
For half their words need footnotes  
And half their rhymes are bad.  

Arthur Guiterman (1871-1943)  

The Young Celtic Poets, stanza 2. ] 

 
 
 La musique, traditionnelle ou non, en Irlande ou ailleurs, ne peut se voir résumée à des éléments épars et désordonnés qui se contenteraient d'égayer l'ordinaire de petites vies rurales. Elle forme, bien au contraire, un tout cohérent appartenant au monde qui l'engendre et dont elle se fait le reflet. Elle constitue un univers global, génère une atmosphère, provoque des débats, des affrontements, des regroupements. Elle participe donc à la mise en place constante et diffuse d'une structuration interne de la société, que l'on raisonne en termes de classes d'âges, de groupes sociaux-professionnels, de secteurs géographiques.

La particularité irlandaise réside, comme nous l'avons montré dans notre partie chronologique ainsi qu'à travers notre description diachronique des instruments, dans l'omniprésence et la vitalité de la musique au sein d'une société restée fondamentalement rurale jusqu'à une époque fort récente.

Nationalisme culturel et identité

- Nationalismes et identités au XIXe siècle.

Il semble utile ici de rappeler quelques faits concernant les origines du nationalisme en Europe au XIXe siècle. L'Italien Giuseppe Mazzini (1805-1872), sans doute influencé par le mouvement révolutionnaire français de la fin du XVIIIe siècle, fut l'un des premiers patriotes à rechercher une certaine unité des mouvements européens dits nationalistes au XIXe siècle ; il fonda ainsi le mouvement Jeune Italie en 1831, puis ceux de la Jeune Allemagne et de la Jeune Suisse en 1835. C'est à cette cause que quelques Irlandais souhaitèrent se rallier dès 1847 lorsque l'Italien fonda sa Ligue Internationale des Peuples, établie en 1847 depuis sa résidence forcée de Londres. Le refus qu'essuyèrent alors de la part de Mazzini ces futurs Jeunes Irlandais (Young Irelanders) fut fondé sur une méconnaissance assez évidente de l'Irlande. Il considérait tout simplement que celle-ci n'offrait pas suffisamment de différences culturelles avec l'Angleterre pour être admise en tant que nation indépendante :

[La situation de l'Irlande] ne présentait pas de principe vital ou de système législatif distinct, découlant de particularités locales et contrastant radicalement avec les besoins et les désirs de l'Angleterre. note 1

C'est à partir de cette date que les nationalistes irlandais, déjà convaincus que l'affirmation de la différence représentait la seule vision d'avenir pour l'Irlande, se mirent en quête des éléments les plus manifestes et les plus marquants de la personnalité irlandaise, arguant tout d'abord de la position géographique, ou mettant en avant la particularité linguistique de l'île. Le but était ainsi davantage de donner un visage tangible à la culture irlandaise afin que le monde extérieur sache la reconnaître que de redonner confiance aux Irlandais en leur propre culture. Les premiers militants ne considérèrent pourtant pas l'élément linguistique comme essentiel, la langue anglaise étant déjà fortement associée à l'idée de progrès et n'ayant pas encore attiré l'attention des partisans du renouveau, qui ne s'intéressèrent à sa défense au sein de la Ligue Gaélique qu'à partir de 1893. Ce fut tout d'abord la littérature qui attira l'attention, car si l'idée de tradition musicale engendrait déjà de nombreuses querelles stériles entre les progressistes et les conservateurs, la littérature offrait une vision raisonnable et perpétuellement remodelable de la société irlandaise, au gré de l'écriture de chaque auteur :

Affaiblie par la division et incapable d'élaborer une expression logique, la musique se retrouva marginalisée durant le XIXe siècle. Une époque extrême exigeait une réponse claire, et la musique fut éclipsée par la littérature. note 2

Tous les arguments recevables furent alors véritablement " enrôlés " dans un processus qui n'a cessé depuis lors, se perpétuant jusqu'au paroxysme de la neutralité irlandaise lors de la seconde guerre mondiale, sur décision personnelle du Président Eamon de Valera. Parmi les arguments considérés par la suite, la musique s'avéra un élément facilement exploitable, comme elle l'était déjà dans un grand nombre de pays en Europe.

- Patrie et musique aux XIXe et XXe siècles

Le XIXe siècle vit l'explosion d'un passe-temps apparu quelque temps plus tôt au sein de l'aristocratie irlandaise : le collectage de chants et mélodies populaires. Si les XVIe et XVIIe siècles avaient connu cette vaste remise en cause du monde, occasionnée par la découverte en 1492 d'un continent entier, le XVIIIe siècle sut approfondir la question. Ainsi naquirent, grâce aux nombreux récits de voyageurs revenant des Amériques, les prémisses d'une ethnologie tournée vers l'inconnu. Ce n'est qu'au XIXe siècle qu'apparurent quelques figures portant le même intérêt à ces civilisations 'barbares' (les 'bons sauvages') et au monde familier du 'bon peuple' note 3.

Ce phénomène se produisit d'ailleurs à l'échelle européenne, et débuta sous la forme de collectages et de publications diverses au cours du XVIIIe siècle :

Retenons parmi les plus grandes figures de cette période, Charles Perrault (1628-1703) qui publia dès 1696 en France ses célèbres Contes de ma Mère l'Oye, tandis qu'en Suisse Johann Jakob Bodmer (1698-1783) découvrait les chants d'amour courtois (Minnesang) de Parzival et des Nibelungen (ca. 1200), et que Johannes Müller (1752-1809) écrivait une Histoire de la Confédération Suisse prenant en compte les légendes populaires. En Allemagne, Johann Gottfried Herder (1744-1803) découvrit ce qu'il nomma 'L'Esprit du Peuple' ('Volkgeist'), Ludwig Achim von Arnim (1781-1831) & Clemens Brentano (1778-1842) publièrent les 3 volumes du recueil Des Knaben Wunderhorn (1806-1808), et les Frères Jacob (1785-1863) & Wilhelm Grimm (1786-1859) les 3 volumes des célèbres Kinder- und Hausmärchen (1812-1814).

Le succès de ces vastes collectages fut tel que des oeuvres populaires retravaillées par d'habiles écrivains furent publiées, leur succès ne s'amoindrissant pas, même après de longues querelles publiques. En Finlande, les runes du Kalevala furent d'une certaine manière 'reconstruites' par Elias Lönnrot (1802-1884) ; en Grande Bretagne, Thomas Percy (1729-1811) publia en 1765 les Reliques of Ancient English Poetry ; en Bretagne, les chants du Barzaz Breiz (1839) collectés par Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895) furent sans doute exagérément admirés puis exagérément critiqués. Ajoutons à ces quelques exemples la plus éclatante supercherie, les célèbres Fragments of Ancient Poetry publiés en 1760 par le préromantique James MacPherson (1736-1796) sous le pseudonyme d'Ossian.

Ce vaste engouement trouva une concrétisation et une systématisation en France dès 1804 grâce à la fondation de l'Académie Celtique, qui devint en 1815 la Société des Antiquaires, et organisa des collectages pour tenter par la suite d'analyser ces connaissances populaires. Deux motifs essentiels conduisaient l'action de ses membres, ainsi que de la grande majorité des collecteurs en ce début de XIXe siècle.

Si les siècles précédents avaient été témoins d'avancées importantes dans les domaines intellectuels, ils n'en avaient pas moins laissé dubitatifs de nombreux admirateurs de la sagesse populaire. Alors que les philosophes du Siècle des Lumières considéraient comme pur non-sens tout ce qui touchait aux superstitions ou croyances, les premiers 'ethnologues' estimaient au contraire qu'il s'agissait de vestiges des temps passés, tous respectables et dignes d'études. C'est là leur premier trait caractéristique.

Ils eurent pourtant le tort de conférer très rapidement un caractère sacré à ces survivances du passé et - c'est là leur seconde particularité - se transformèrent bien souvent en patriotes exaltés.

Le seul problème qui restait à résoudre était, une fois de plus, le nom que devaient porter ces nouvelles études, ce à quoi répondit en 1846 un discret ethnologue du nom de William Thoms grâce au terme de 'folklore', remplaçant à partir de cette période les termes de " littérature populaire " ou " d'antiquités ". Ainsi passa-t-on progressivement d'une tentative de compréhension des civilisations et peuples éloignés à un examen approfondi des univers plus familiers de nos campagnes européennes.

Dans le même temps, un grand nombre de compositeurs ressentirent tout au long du XIXe siècle le besoin de marier racines populaires et art classique. Ici encore, l'influence du nationalisme politique fut prépondérante. S'il existait déjà des tendances musicales différentes d'un pays à l'autre, engendrant ce qu'il est convenu d'appeler des " écoles " de composition, ce XIX siècle fut témoin d'un véritable engouement pour une expression identitaire plus marquée, notamment au travers de la musique. Cette tentative de différenciation fut en grande partie une réaction à l'uniformisation subie durant le XVIIe siècle sous l'influence de la musique italienne.

Il apparaît important, dans notre perspective, de retracer succinctement l'historique des mouvements musicaux dits 'nationalistes' ou 'patriotiques', en rappelant qui furent leurs principaux fondateurs ou artisans, ainsi que les compositeurs influencés par l'esprit romantique européen. Nous présenterons également les quelques compositeurs irlandais ayant suivi cette voie identitaire, et nous serons témoins tout au long de ce chapitre de l'influence réciproque entre musique classique et musiques traditionnelles.

Ces caractéristiques indépendantistes s'implantèrent tout d'abord dans les pays de l'Europe de l'Est, longtemps en proie aux grandes guerres napoléoniennes, et confrontés aux douloureux problèmes des dominations extérieures. La question de l'identité tchèque se posa ainsi de manière aiguë en Bohême, où Frantisek Skroup composa dès 1826 Le Chaudronnier (" Dratenik "), premier livret en langue tchèque de l'histoire de la musique. En outre, de nombreuses mélodies utilisées dans ses oeuvres proviennent du fonds musical populaire bohémien. Par la suite, Bedrich Smetana (1824-1884) ou Antonín Dvorák (1841-1904) se firent, entre autres, les chantres de la musique aux accents 'slavistes', tous deux faisant preuve d'un grand amour pour leur patrie et pour ces sources populaires tchèques. Le premier ne traita que des livrets en tchèque et évoqua son fleuve préféré, La Moldau, dans un cycle de poèmes symphoniques intitulé Ma Patrie ; le second composa, par exemple, deux splendides cycles de seize Danses Slaves. En Hongrie, les principaux animateurs de l'esprit musical patriotique furent Béla Bartók (1881-1945), et son ami et collègue Zoltán Kodaly (1882-1967). Le premier parcourut son pays, mais également les Balkans, la Turquie, et l'Afrique du Nord à la recherche de mélodies populaires ; tous deux créèrent ensemble une importante série d'études, d'anthologies et d'arrangements sur les thèmes musicaux populaires collectés. Le Hongrois Franz Liszt (1811-1886) emprunta également aux thèmes populaires de son pays, quoique de façon moins constante, et composa pour sa part dix-neuf Rhapsodies Hongroises, plus véritablement tziganes que hongroises. Elles devinrent célèbres tout autant par leur sonorité particulière que par la sympathie qu'éprouvaient certains Européens à l'égard des Hongrois, en lutte contre les Prussiens et les Autrichiens durant le XIXe siècle. De son côté, Frédéric Chopin (1810-1849) n'oublia pas ses origines et composa, outre ses célèbres et brillantes Polonaises, de nombreuses Mazurkas. En Russie, Alexandre Borodine (1833-1887) composa les Danses Polovtsiennes pour son opéra Le Prince Igor et utilisa régulièrement une thématique folklorique. Nicolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908) composa également certaines de ses oeuvres sur des thèmes populaires et harmonisa, par exemple, 150 airs populaires russes. Ils participèrent en outre tous deux à la fondation du célèbre " Groupe des Cinq " qui comprenait également Mily Alexeïevitch Balakirev (1837-1910), César Cui (1835-1918) et Modest Petrovitch Moussorgski (1839-1881). Très influencés par le Russe Mikhaïl Ivanovitch Glinka (1804-1857), l'Allemand Robert Schumann (1810-1856) le Français Hector Berlioz (1803-1869), ainsi que par le romantisme alors en vogue, ils n'en combattirent pas moins les excès du nationalisme politique russe. Dans une moindre mesure et malgré d'épuisantes controverses sur le sujet du nationalisme musical, le compositeur Piotr-Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) sut parfois exprimer des spécificités musicales nationales, de la Danse Russe du ballet Casse-Noisette à son Capriccio Italien. En Roumanie, Georges Enescu (1881-1955) s'inspira des possibilités harmoniques et modales des mélodies populaires de son pays pour composer, et fut également le maître du violoniste virtuose Yehudi Menuhin, dont on connaît le profond attachement aux musiques traditionnelles du monde entier.

Bientôt, le reste de l'Europe suivit la tendance amorcée par l'Europe de l'Est, et certains compositeurs furent sensibles à la fibre nationale, parfois héritée du romantisme.

En Allemagne, on sait avec quel brio le compositeur Johannes Brahms (1833-1897) s'inspira de danses populaires hongroises collectées : il ne leur attribua pas de numéro d'opus contrairement à l'habitude, ce qui tendrait à démontrer qu'il ne les considérait pas comme ses propres compositions. Richard Wagner s'inspira également de thèmes populaires pour ses plus grandes oeuvres, parmi lesquelles Parsifal (1882) ou L'Anneau du Niebelung (1860-1876). En Norvège, Edvard Grieg (1843-1907), influencé par le jeune compositeur R. Nordraak, partit à la recherche du génie populaire que l'on retrouve dans ses Danses Norvégiennes ou dans la musique de scène de Peer Gynt. En Finlande, Julius Christian Sibelius (1865-1957) s'inspira du folklore finlandais pour créer sa première oeuvre célèbre, Kullervo, en 1892, et devint ainsi la figure emblématique du patriotisme finlandais, prolongeant son oeuvre avec des symphonies telles que Finlandia en 1900. En Espagne, Isaac Albeniz (1860-1909), Enrique Granados Y Campiña (1867-1916) Manuel De Falla (1876-1946), entre autres, tentèrent de retrouver le génie populaire espagnol, le premier à travers son Iberia, ses Chants d'Espagne ou sa Rhapsodie Espagnole, le second dans ses Zarzuelas et dans ses Danses Espagnoles pour piano, le troisième également dans des Zarzuelas, mais essentiellement dans ses Goyescas et ses sept Chansons Populaires. Les musiciens européens furent nombreux à reconnaître l'influence de l'Espagne, du Capriccio Español de Nicolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908) à la Rhapsodie Espagnole de Maurice Ravel (1875-1937), en passant par l'España d'Alexis Emmanuel Chabrier (1841-1894), la Périchole de Offenbach (1819-1880), El Contrabandista de Liszt ou Carmen de Georges Bizet (1838-1875). Quelques oeuvres rendent également hommage à l'Italie, du Capriccio Italien de Tchaïkovski susmentionné, à la Suite Italienne (1934) d'Igor Stravinsky (1882-1971), ou à la Symphonie Italienne de Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847), qui composa également une Symphonie Ecossaise.

En Grande-Bretagne, on sait que les XVIIe et XVIIIe siècles connurent une grande mode pour les airs populaires irlandais, généralement insérés dans des opéras (Voir 'Les collecteurs'). A titre d'exemple, l'Anglais William Shield composa en 1782 et avec l'aide de son librettiste dublinois John O'Keefe The Poor Soldier, en utilisant quasi exclusivement des airs populaires irlandais. Plus récemment, l'un des plus célèbres compositeurs tentés par la musique populaire fut Sir Arnold Bax (1883-1953), qui vécut en partie en Irlande à partir de 1902 sous les pseudonymes de Dermot McDermott et de Dermot O'Brien. Il composa des oeuvres aux titres aussi évocateurs que Cathleen Ní Houlihan, In the Faery Hills ou Roscatha, ainsi que Into The Twilight et In Memoriam, cette dernière oeuvre étant dédiée à Patrick Pearse. Il retourna plus tard en Angleterre et fut fait chevalier par le Roi George VI en 1937, puis devint Maître de la Musique du Roi en 1941. Ralph Vaughan Williams (1872-1958) est également connu pour ses quelques emprunts à des thèmes irlandais, le principal étant bien entendu son arrangement du célèbre Green Sleeves, dont la source n'est pas encore totalement élucidée mais qui, de l'opinion de la majorité des musiciens classiques, serait d'origine irlandaise. Citons également, dans cette veine celtique, le Mal Dun de John Ireland (1879-1962) et, en France, des oeuvres telles que la mélodie Irlande (op. 2) d'Hector Berlioz (1803-1869) l'Elégie de Henri Duparc (1848-1933) d'après Thomas Moore, Viviane ou Le Roi Arthus d'Ernest Chausson (1855-1899), l'opéra Myrdhin, la Suite Bretonne, ou la Rhapsodie Gaélique de Paul Ladmirault (1877-1944), ou encore Le Roi d'Ys d'Edouard Lalo (1823-1892), Le Pays et quelques Poèmes Symphoniques de Joseph Guy Ropartz (1864-1985), élève de César Franck. La Bretagne ne fut pas la seule région française célébrée par ses enfants et l'on retrouvera les Cévennes dans la Symphonie Cévenole (1886) de Vincent d'Indy (1851-1931), ou l'Auvergne dans les Chants d'Auvergne (1923-1930) de Marie-Joseph Canteloube de Malaret (1879-1957) ou la Rhapsodie d'Auvergne (1884) de Camille Saint-Saëns (1835-1921).

En Irlande, on connaît l'immense influence qu'eut le harpeur aveugle Turlough O'Carolan (1670-1738) sur le répertoire des musiciens irlandais traditionnels et baroques, et l'on sait combien sa musique était teintée des accents italiens alors en vogue. Quelque temps plus tard, et sous l'influence de la mode évoquée plus haut à propos de la Grande-Bretagne, quelques opéras utilisèrent des airs populaires irlandais, dont le Beggar's Wedding (1728) de Charles Coffey et l'Aria di Camera (ca. 1730) de Daniel Wright. Rappelons également l'immense popularité que connurent les textes de Thomas Moore (1779-1852) publiés en 1807 sous le nom de " Irish Melodies " ; les mélodies recueillies à cet effet furent, en réalité, harmonisées par Sir John Stephenson. Celles-ci ne jouissent certes plus de l'immense popularité qu'elles obtinrent au XIXe siècle, mais elles n'en influencèrent pas moins de nombreux compositeurs, de la " Variation à 4 mains sur un air national " (1828) de Frédéric Chopin (1810-1849) aux Lieder op. 25 N° 17 & 18 (1840) de Robert Schumann (1810-1856), ainsi que de nombreux autres. On pourra également relever l'influence incontestable du dublinois John Field (1782-1837) dans la naissance du Nocturne en tant que forme musicale (ca. 1812), bien qu'il soit aisé (mais contestable) de minimiser l'influence qu'eut sur lui l'Irlande en soulignant son émigration définitive en 1802 ; retenons également à son propos qu'il fut, durant ses longs et nombreux séjours à Moscou, le maître du futur compositeur russe Mikhaïl Glinka, éminent compositeur patriotique cité plus haut.

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, quelques compositeurs irlandais s'essayèrent à la célébration patriotique si réussie en Europe de l'Est : citons la Fantasia on Irish Airs de Sir Robert Stewart, (1825-1894), une Irish Symphony en mi mineur de Sir Arthur Sullivan (1842-1900), une autre Irish Symphony et six Irish Rhapsodies de Sir Charles Stanford (1852-1924), encore une Irish Rhapsody, de Victor Herbert (1859-1924), un poème musical With the Wild Geese, une orchestration du célèbre Londonderry Air et encore une Irish Symphony, de Sir Hamilton Harty (1879-1941).

Peut-être sous l'influence de John F. Larchet (1884-1967), qui enseigna la composition à University College Dublin et au Royal Irish Academy of Music à partir de 1921 et pendant près de quarante ans, la première moitié du XXe siècle vit naître les premières oeuvres classiques d'inspiration gaélique, dont Muirgheis (1903) de O'Brien-Butler, Eithne (1909) de Robert O'Dwyer, les six Irish Rhapsodies et la Troisième Symphonie de Carl Hardebeck, ainsi que quelques oeuvres de Eamonn Ó Gallchobhair, Seoirse Bodley, Aloys Fleischmann, et plus tard Brian Boydell, parfois influencées par les mélodies traditionnelles, le plus souvent cherchant à recréer cet esprit à travers quelques phrasés caractéristiques de la musique traditionnelle irlandaise. Citons également les arrangements d'airs populaires proposés par Walter Beckett, Proinsías Ó Ceallaigh, Arthur Duff, Éamonn Ó Frighil, Frederick May, Fachtna Ó hAnnracháin, Archie Potter, Dónaill Suibhne et quelques autres note 4. Dans l'ensemble, ces oeuvres ne rencontrèrent que très peu d'échos dans les milieux classiques européens : en effet, l'un des principaux problèmes rencontrés par ces compositeurs résidait dans la définition de la tradition musicale irlandaise et dans une apparente inadaptation à la musique classique. Joseph J. Ryan explique à ce propos :

Le problème essentiel, et prévisible, rencontré par les personnes souhaitant façonner une musique distincte fondée sur un idiome populaire, était que la composition même de la tradition, de par son caractère linéaire et sa structure sommaire, la rendait inadaptée à la création d'une composition de grande ampleur ; la chanson populaire ne peut pas être adaptée aux compositions de ce genre ; il lui manque un critère essentiel : l'aptitude au développement. note 5
Parmi les rares femmes ayant pu se frayer un chemin dans l'univers masculin de la musique classique, citons Augusta Holmès (1847-1903), compositrice d'origine irlandaise particulièrement prolifique mais inconnue du grand public malgré ses quelques 130 chants patriotiques à la gloire de l'Irlande, et Elizabeth Maconchy, qui vécut toute sa vie à Dublin bien que née en Angleterre en 1907. Plus près de nous, Joan Trimble composa un opéra, Blind Raftery, en hommage au poète gaélique du XVIIIe siècle pour la B.B.C. Celui-ci n'a jamais été joué en Irlande.

Nous nous permettrons ici quelques remarques sur l'absence de succès international, regrettée par tant d'arrangeurs irlandais. Mis à part le réel problème d'inadaptation expliqué plus haut (mais que Johannes Brahms ou Franz Liszt avaient intelligemment contourné), nul ne saurait nier aujourd'hui l'absence de délicatesse des arrangements généralement proposés ; l'ensemble est souvent plus proche des musiques de films muets du début du siècle que de la fougueuse vitalité des coups d'archets de Brahms.

Il faut également souligner ici le travail très important réalisé par John Reidy, plus connu sous le nom de Seán Ó Riada, qui obtint un immense succès dès 1959 avec ses arrangements classiques de thèmes populaires comme Róisín Dubh pour le film Mise Éire note 6.

Les compositeurs irlandais les plus récents tendent davantage à interpréter de manière personnelle l'identité musicale irlandaise : Shaun Davey obtint un immense succès avec sa suite orchestrale pour uilleann pipes, The Brendan Voyage en 1980, puis par la suite avec Granuaile ou The Pilgrim note 7. Mícheál Ó Súilleabháin est à l'heure actuelle l'un des compositeurs les plus prolifiques et les plus inventifs dans le domaine des combinaisons entre musique classique et musique traditionnelle irlandaise. Il dirige depuis 1994 le Irish World Music Center du département de musique de l'Université de Limerick. Bill Whelan enfin, après un court passage dans le groupe Planxty à la fin des années soixante-dix et la fortune mitigée de sa Seville Suite, connaît depuis 1994 un succès sans précédent grâce à ses compositions pour le spectacle Riverdance note 8, axées en grande partie sur la recherche des fusions entre diverses musiques traditionnelles, dont la musique irlandaise, et sur le renouvellement de l'aspect scénique de la danse traditionnelle irlandaise.

Enfin, il serait intéressant de noter que les échanges entre musique classique et musiques traditionnelles ne se limitèrent jamais à de simples emprunts à sens unique de thèmes populaires, de rythmes ou de phrasés caractéristiques : on peut ainsi retrouver certaines danses ou certains instruments considérés comme traditionnels dans de nombreuses oeuvres du répertoire classique, de façon parfois surprenante. Dans la majorité des cas cependant, ces échanges ne témoignent pas d'une démarche d'affirmation identitaire, contrairement aux divers emprunts musicaux évoqués jusqu'ici, et n'auront donc pas leur place dans cette étude. Nous poursuivrons donc avec les répercussions en Irlande de ces multiples affirmations nationales et musicales en Europe.

- Le patriotisme culturel irlandais

Il semble que Gavan Duffy ait été parmi les premiers à prendre conscience du caractère éminemment symbolique, quoique anodin en apparence, de la musique dans le contexte irlandais du XIXe siècle. Co-fondateur du journal The Nation en 1842 avec Thomas Davis et John Dillon, il demanda à ses lecteurs de composer de nouvelles ballades sur des thèmes musicaux familiers : le journal connut alors une très grande popularité, peut-être grâce à cette rubrique, et les résultats dépassèrent ses espérances, amorçant de ce fait un renouveau, voire une renaissance de la ballade irlandaise.
Les ballades de The Nation constituent une part importante de la chanson nationaliste de l'Irlande contemporaine. Elles font partie du répertoire de tout orchestre de parade, et l'une d'entre elles, "  A Nation Once Again ", fut presque adoptée comme hymne national. Elles sont enseignées dans les écoles en tant que représentantes éminentes de notre tradition nationaliste chantée, et, encore aujourd'hui, peu de soirées musicales se passent sans que l'une d'entre elles au moins soit chantée. note 9
Ainsi, de 1842 à 1845 furent publiées plus de 800 ballades, toutes écrites en anglais, la plupart aujourd'hui oubliées. Ce problème de langue n'est pas le seul apparaissant à l'examen du répertoire composé à cette époque : la volonté d'affirmer une identité conduisait fâcheusement les apprentis-poètes de The Nation à décrire davantage une culture rêvée qu'une réalité quotidienne. Desmond Kenny explique à ce propos :
Ainsi, de nombreuses ballades [de The Nation] sont à la forme impérative, comme par exemple " Attendez votre Heure " et " Soyez Patient ", ou encore une ballade pouvait comporter une morale, telle que " Aide-toi et Dieu t'aidera ". Dans ce cas de figure, The Nation s'adresse de façon condescendante au peuple, au lieu de chanter pour lui, et nous percevons le sentiment implicite de supériorité (...). Les ballades historiques de The Nation furent également écrites dans un but bien défini, et bien souvent la leçon à donner était plus importante que le récit lui-même. note 10
Nous touchons dans ce cas au problème très sensible des classes sociales à une époque où les classes moyennes, ici représentées par Duffy, Davis et Dillon, se sentaient vraisemblablement plus proches culturellement de " l'Ascendency " aristocratique que du petit peuple gaélophone.

Les organisations culturelles patriotiques jouèrent cependant un rôle particulièrement important pour la conservation et la pérennité musicale dont nous avons parlé, à partir des années 1840 et jusqu'à nos jours. Comme ils le firent pour la littérature ou le théâtre, ces militants de la fin du siècle dernier considérèrent très tôt que l'identité d'un pays passe naturellement par ses expressions artistiques et, tinrent l'affirmation musicale de l'Irlande pour l'un des éléments fondateurs témoignant de son existence à la face du monde.

La première de ces organisations fut le G.A.A. (de son nom anglais Gaelic Athletic Association, en gaélique Cumann Lúth-Chleas Gael), fondée dans le Hayes Hotel, à Thurles Co. Tipperary le 1er novembre 1884 par le sportif Maurice Davin, le républicain Michael Cusack et le Dr Croke, archevêque de Cashel, dans le but de " restaurer " les sports nationaux. En réalité, et comme cela fut souligné à de nombreuses

reprises, le but consistait essentiellement à contrer les quatre sports considérés comme " anglais " : le Cricket, introduit en Irlande vers 1792, le Rugby, introduit vers 1850, le Football, introduit en octobre 1878, et le Hockey, sport plus ancien. Afin d'établir une " identité " sportive irlandaise et d'instaurer cette stricte distinction considérée comme nécessaire entre les deux cultures, il fut d'ailleurs longtemps interdit aux membres des clubs de sports dits " gaéliques " de pratiquer ces quatre sports. On fit également remonter les origines du hurling (ou hurley au XIXe siècle) aux héros mythiques tels que Cúchulain ou Fionn Mac Cumhaill, grâce à quelques interprétations très libres des textes des sagas. Il est ici intéressant de constater que la première grande association à but identitaire en Irlande s'appuya, non pas sur des idéaux intellectuels démesurés, mais sur l'une des préoccupations quasi quotidiennes de tout peuple, à forte valeur émotionnelle et culturelle : le sport.

Les années 1890 furent essentiellement témoins du grand renouveau littéraire de l'Irlande, et virent l'émergence de sa figure emblématique, William B. Yeats. Illuminé par sa rencontre avec l'ancien leader Fenian John O'Leary en 1884, il publia dès 1889 The Wanderings of Oisín and Other Poems, puis en 1892 The Countess Cathleen and various Legends and Lyrics, fonda en 1891 le Rhymer's Club, action qu'il poursuivit à Dublin en fondant en 1892 la National Literary Society.

La littérature et le théâtre tiennent ainsi, en Irlande plus que partout ailleurs, une place prépondérante tant fut grande la contribution des écrivains et des dramaturges à la vie intellectuelle et politique du pays, au travers des scandales émaillant les premières théâtrales ou de la participation directe mise en pratique par Yeats. Dans son ouvrage intitulé " Les Irlandais ", Seán O'Faolain consacre d'ailleurs aux écrivains (curieusement placés entre les prêtres et les politiciens) l'un des chapitres les plus complets de cet essai retraçant l'Histoire de l'esprit irlandais :

Le renouveau littéraire résume l'ensemble de cette transformation d'une race séculaire, défaite, puis déprimée, presque entièrement privée de ses traditions, en un peuple plus ou moins moderne, car le processus se poursuit et est loin d'être parvenu à son terme. note 11
Seán O'Faolain démontre ainsi le lien discret mais permanent existant entre un pays et sa littérature, l'importance des écrivains dans la reconstruction mentale du pays dès la fin du siècle dernier, et le rôle joué par la littérature irlandaise sur le plan international. Il est donc incontestable que celle-ci contribua à concrétiser l'existence de l'Irlande en tant que nation intellectuellement indépendante dans l'esprit de nombreux observateurs étrangers. Il y aurait d'ailleurs fort à parier qu'un tel ouvrage, s'il était publié aujourd'hui, inclurait un chapitre (ou pour le moins quelques paragraphes) sur l'importance de la musique et des musiciens dans le renouveau de l'esprit irlandais, et plus particulièrement sur l'acceptation des influences extérieures ainsi que sur les nécessaires adaptations qui en découleraient.

La métamorphose de l'esprit irlandais entre le début et la fin du XIXe siècle apparaît ainsi de manière flagrante au travers de ses écrivains. Ceux qui participèrent au renouveau littéraire que nous venons d'évoquer, tous anglophones, la plupart anglo-irlandais, amorcèrent un double virage de la vie irlandaise : ils permirent non seulement à l'Irlande de figurer sur la carte mentale que portent en eux les hommes et les femmes de cette planète, mais ils le firent en y associant la langue considérée auparavant (et pour quelque temps encore) comme la langue de l'envahisseur, le symbole de l'oppresseur, rendant l'Irlande bilingue pour de longues décennies.

La troisième étape de la reconquête de soi-même, celle de la langue, n'aurait donc pu se produire sans cette reconstruction des mythes irlandais entreprise dans la décennie précédente par Yeats ou Lady Gregory. L'entreprise était cette fois beaucoup plus ardue tant la langue gaélique était associée à la vie misérable des campagnes de l'ouest de l'Irlande.

Douglas Hyde pouvait alors affirmer le 25 novembre 1892 devant la National Literary Society de Dublin qu'il était devenu nécessaire de 'désangliciser' l'Irlande, ajoutant même sans sourciller :

Ce que nous ne devons jamais oublier, c'est cela, que l'Irlande d'aujourd'hui est l'héritière de l'Irlande du VIIe siècle (...). Il est exact que des hommes venus du Nord se sont timidement installés aux IXe et X siècles, il est exact que les Normands se sont installés plus largement au cours des siècles suivants, mais aucune de ces invasions n'a interrompu la continuité de la vie sociale sur cette île. note 12
La Ligue Gaélique (Conradh na Gaeilge ou Gaelic League) fut donc fondée, en grande partie à la suite de ce discours, le 31 juillet 1893 sous la houlette de Douglas Hyde et de Eoin McNeill. Son but n'était d'ailleurs pas uniquement de retrouver toute la vitalité de la langue, mais également de redonner à tous les Irlandais suffisamment confiance en leur culture pour qu'ils n'en aient plus honte. La musique et la danse représentaient également deux bons moyens pour cela : c'est à cet effet que des cours en groupes, plus simples à gérer, furent très rapidement instaurés en Irlande et en Angleterre, et l'on assista rapidement à la naissance des Céilí Dances à Londres en 1897, puis à celle des concours musicaux. La Ligue Gaélique devint par la suite une organisation gouvernementale et compte environ deux cents branches, en Irlande, aux Etats-Unis, en Australie ou en Grande-Bretagne.

Les premiers signes de renouveau gaélique furent extrêmement encourageants : pour la première fois depuis le recul sensible de la langue gaélique, des prénoms gaéliques étaient donnés à des enfants. Ce qui, à l'époque, ne constituait qu'une mode est beaucoup plus fortement ancré aujourd'hui dans les habitudes irlandaises, comme tout un chacun pourra s'en convaincre en consultant les registres des naissances. Mais ces tentatives eurent également pour effet négatif de sacraliser une langue considérée comme moribonde, alors que se perpétuait parmi les locuteurs gaéliques cette honte toujours associée à l'image tenace de pauvreté qu'elle véhiculait. Le vaste mouvement romantique du XIXe siècle, vecteur d'associations plus ou moins heureuses entre culture et nationalisme, comptait encore beaucoup d'adeptes.

La musique ne fut jamais exclue de ce mouvement : le célèbre Thomas Moore (1779-1852) dont nous avons parlé plus haut eut le grand mérite d'attirer l'attention sur le répertoire musical de l'Irlande. Mais les premiers signes du renouveau musical irlandais sont antérieurs et, comme cela est souvent le cas, sont le fait d'initiatives individuelles.

Les premiers festivals de harpe eurent lieu à Granard de 1784 à 1786 (voir pages 33-34). Mais le plus important de tous ces rassemblements se tint à Belfast les 11, 12 et 13 juillet 1792. Dix harpeurs répondirent à l'appel des organisateurs, dont six aveugles, et une seule femme (Rose Mooney) ; le plus vieux, Denis Hempson, avait 97 ans et était le dernier des harpeurs à jouer avec les ongles ; le plus jeune, William Carr, avait 15 ans.

Voici dans quel état d'esprit se situaient alors les organisateurs de ces rencontres de harpeurs de la fin du XVIIIe siècle :

Quelques citoyens de Belfast (..) se proposent d'ouvrir une souscription qu'ils entendent utiliser pour tenter de ranimer et de perpétuer les antiques musique et poésie d'Irlande. Ils désirent ardemment préserver de l'oubli les quelques fragments qui sont parvenus à survivre, monuments du génie et du goût raffiné de nos ancêtres. (...) Si l'on considère combien intimement sont liés l'esprit et le caractère d'un peuple avec sa musique et sa poésie nationales, les patriotes et politiciens irlandais ne considéreront sans doute pas cela comme indigne de leur soutien et de leur protection. note 13
Malgré le relatif échec à court terme de ces manifestations, dû en grande partie à des querelles de personnes, un pas important avait été franchi pour la sauvegarde de la musique traditionnelle irlandaise, essentiellement au travers de l'image de la harpe. On ne saurait oublier que cet instrument fut l'emblème de la Society of United Irishmen, qui vit le jour à Belfast le 14 octobre 1791 grâce à Theobald Wolfe Tone. Notons ici que les dissensions entre protestants et catholiques étaient beaucoup moins vives qu'aujourd'hui, et qu'un grand nombre de ces enthousiastes étaient protestants, tout comme la majorité des collecteurs, comme nous l'avons signalé note 14.

A ce stade de notre étude, et après examen des différents éléments évoqués, il nous paraît intéressant d'aboutir à une première réflexion sur un lien historiquement fondamental entre musique, nationalisme et identité : la harpe. En grande partie sauvée par son instrument emblématique, la musique traditionnelle irlandaise semble pourtant le délaisser. Très discrète dans la discographie actuelle, elle ne représente plus l'Irlande qu'à l'extérieur de l'île, relayée à l'intérieur par la cornemuse, comme nous l'avons montré. Cette dichotomie tend à souligner deux éléments cruciaux dans la perception actuelle de l'identité irlandaise. Comment, en effet, ignorer que la survie de la musique traditionnelle irlandaise est due davantage à l'image de la harpe au XIXe siècle, considérée comme valeur symbolique d'un ensemble culturel et historique, qu'à la musique de harpe proprement dite ? Si les organisateurs des grands rassemblements de Granard et de Belfast eurent à coeur de faire noter par un musicien le plus grand nombre de mélodies possible, ils avaient essentiellement pour but de démontrer la pérennité d'une culture plus que millénaire et sa survie au travers des pires désastres et vicissitudes. La chance fut également au rendez-vous en la personne d'Edward Bunting, qui sut mettre en valeur ce patrimoine musical (voir 'Les collecteurs').

Comment, dans ces conditions, ne pas discerner dans cette relative discrétion contemporaine de la harpe une contradiction entre l'image idéale de l'Irlande telle qu'imaginée par les patriotes du XIXe siècle, et la réalité économique et culturelle du XXe siècle ? Notons cependant que des efforts isolés existent pour rendre la harpe plus populaire, tels que ceux entrepris par Janet Harbison au sein du Belfast Harp Orchestra note 15.

Durant une bonne partie du XIXe siècle, la musique connut une éclipse, et il fallut attendre le regain d'intérêt pour la harpe, à la fin de ce même siècle, pour voir de nouveau quelque attention portée à ce domaine. Les premières études plus complètes sur le sujet firent également leur apparition : la première du genre, due à William Henry Grattan Flood, fut publiée en 1904 et s'intitule A History of Irish Music. Il présente ainsi sa recherche :

Bien que la verte Erin soit l'incarnation de la Chanson Populaire, il n'est encore paru aucune Histoire de la Musique en Irlande digne d'intérêt - c'est-à-dire de la véritable musique irlandaise celtique et de la musique anglo-irlandaise. Nous ne possédons pas le moindre document résumant cet 'art divin' dans lequel les Celtes excellaient. note 16
La présence répétée des Celtes dans ce paragraphe d'introduction de l'ouvrage témoigne à elle seule de la prédominance de la fin sur les moyens. Il importait essentiellement, en définitive, de démontrer à quel point l'Irlande était parvenue à rester purement celtique et, pour ce qui concernait Grattan Flood, autant en matière musicale que littéraire.

Quelques années plus tard, Francis O'Neill, éminent collecteur s'il en est, concluait ainsi son ouvrage majeur, The Dance Music of Ireland :

Etant conscient du fait que le livre parfait reste à écrire, nous souhaitons témoigner pour cette entreprise visant à pallier un manque reconnu, une considération aussi généreuse que l'on peut raisonnablement en attendre pour un effort dénué de tout intérêt personnel afin de promouvoir un dessein patriotique. note 17
Les traces de cet engouement patriotique hérité du XIXe siècle surgissent encore ici et là dans les études les plus sérieuses, bien qu'elles semblent de moins en moins nombreuses. Quelque temps avant sa mort, le très respecté Seán Ó Boyle dégagea ainsi des similitudes entre le fameux alphabet Ogham, utilisé en Irlande à partir du IVe siècle, et la notation musicale, en insistant sur le fait que le dieu Lug fut le premier destinataire d'un ogham (inventé par le dieu Ogma). Il a de ce fait proposé comme explication de cette écriture encore mal comprise la notation musicale pour la harpe sous forme de tablatures note 18. Il ne semble pourtant pas avoir été suivi sur ce point car, sans entrer dans l'éternel débat sur la valeur langagière de la musique, de telles affirmations semblent une fois de plus relever du simple fantasme collectif note 19.

Mais c'est ainsi que la musique est devenue pour certains l'objet d'une vénération aussi puissante que celle portée à la langue irlandaise par les adeptes du " tout gaélique ". C'est également ainsi que l'on rencontre aujourd'hui des musiciens pénétrés d'une mission d'évangélisation musicale s'érigeant en censeurs devant toute forme d'hybridation mélodique, rythmique ou instrumentale.

A l'heure actuelle, et de façon légèrement divergente, le nationalisme musical irlandais semble s'être concentré sur les six comtés d'Irlande du Nord au travers de la copieuse production républicaine, en particulier durant les années soixante-dix. Les musiciens loyalistes existent également, mais sont cependant moins nombreux.

Il faudra également, dans ce contexte, établir une différence très nette entre la musique chantée d'une part, très populaire dans les deux camps, et la musique instrumentale d'autre part. En ce qui concerne cette dernière, la situation culturelle particulière de l'Irlande du Nord a établi un clivage très précis entre les deux camps, et la musique traditionnelle a parfois rejoint la langue gaélique comme symbole de la tradition républicaine. Ainsi, les catholiques forment l'écrasante majorité des classes d'instruments organisées par le Comhaltas Ceoltóirí Éireann, et les quelques musiciens émergeant des six comtés sont, ici encore, catholiques dans leur grande majorité. Notons également que peu de groupes d'Irlande du Nord parviennent à se faire connaître à Dublin, bien que quelques efforts soient faits pour réunir des musiciens de l'Irlande du Nord et de l'Irlande du Sud, comme au sein du label discographique C.B.M. (Cross-Border Media). On sait également que la Irish Traditional Music Archive est soutenue financièrement par le Arts Council de la République et par le Arts Council of Northern Ireland ; enfin, la section d'ethnomusicologie (département d'anthropologie sociale) de Queen's University, longtemps dirigée par John Blacking à Belfast,  consacre certaines de ses recherches à la musique traditionnelle irlandaise.

La composition de ballades est, en revanche, un phénomène bien ancré dans les deux communautés d'Irlande du Nord, les textes permettant à chacune d'entre elles d'exprimer leurs opinions et les échanges n'étant pas impossibles, comme en atteste cet exemple situé dans le comté d'Armagh :

Jim O'Neill, alors âgé de 27 ans, était un tisserand portant des favoris à la Parnell, un passionné de football gaélique et jouait du tambour dans la fanfare du village. Bien que républicain, il apprit de nombreuses chansons grâce au tenancier de son pub, un orangiste farouche passé maître dans l'art du tambour Lambeg. note 20
L'une des principales caractéristiques des chansons engendrées par les événements d'Irlande du Nord tient tout d'abord à la pérennité d'un style de ballade utilisant le moindre incident, la moindre petite histoire, pour la composition de nouveaux couplets sur des mélodies le plus souvent préexistantes. Elles perpétuent en cela les habitudes établies au XIXe siècle par Thomas Davis (voir pages 51 et 193-195) ; elles en diffèrent cependant en ce qu'elles ne tendent pas à apporter une quelconque 'bonne parole' au peuple, mais se contentent de relater un fait, généralement de manière tendancieuse. On sait, à titre d'exemple, que la chanson " The Men Behind the Wire " de Paul McGuigan fut un immense succès commercial en 1971 en Irlande du Nord note 21.

Si l'on examine l'ensemble de la production discographique véritablement militante durant les 25 dernières années, un seul groupe semble émerger et perdurer, les Wolfe Tones, dont le répertoire est fondé presque exclusivement sur les ballades républicaines revendicatives. Bien que très peu apprécié en Irlande (en tous cas ouvertement note 22), ce groupe de quatre musiciens s'est taillé une belle réputation en Europe continentale où l'on ne manquera jamais de vous rappeler leur existence lors de toute conversation sur la musique traditionnelle irlandaise. A vouloir ne considérer la musique que sous l'angle du message partisan, ce groupe s'est pourtant aliéné une grande partie de la population irlandaise pour laquelle une telle attitude reste avant tout l'expression d'un extrémisme facile et opportuniste.

Ce n'est donc pas la volonté consciente et partisane des Irlandais qui est à l'origine du renouveau de la musique traditionnelle puisqu'une alliance similaire n'a pas fonctionné pour la langue gaélique, et l'on se bornera à constater que quelques touristes (français en particulier) croient les Wolfe Tones représentatifs de la musique traditionnelle irlandaise, s'imaginant peut-être que tous les Irlandais sont par essence nationalistes et révolutionnaires.

Les Irlandais adorent chanter (...), Malheureusement, ce plaisir social du chant a été particulièrement exploité ces derniers temps par des chanteurs aux motivations politiques (...) ; des 'chansons 'rebelles' cocardières pour patriotes de comptoir en sont fâcheusement venues à symboliser la chanson irlandaise pour les auditeurs occasionnels. note 23
The Dubliners figurent également au firmament des 'ballad groups', depuis leur fondation en 1962 sous le nom de The Ronnie Drew Group, et sans doute grâce à leur longévité plus qu'à leur attachement à un répertoire particulier. A l'aise dans tous les styles, y compris instrumentaux, ils n'en privilégient pas moins le répertoire chanté des ballades irlandaises avec une tendance pro-républicaine nettement marquée. Nul ne pourra non plus douter du talent de Christy Moore qui sait parfois, quoique plus discrètement, agrémenter ses disques et concerts de chansons visiblement pro-républicaines : " Back Home in Derry " (de Bobby Sands) ou " The People's Own M.P. " en sont de bons exemples note 24.

Mis à part ces trois exemples, les musiciens irlandais les plus présents dans les médias sont généralement muets sur la question d'Irlande du Nord. Ajoutons encore à cette liste quelques velléités républicaines passagères chez les Pogues (avec " Young Ned of the Hill ") ou chez U2 (avec " Sunday Bloody Sunday "note 25) et l'on aura fait le tour des musiciens irlandais célèbres concernés par le problème. Faut-il croire que la musique en Irlande, victime d'un certain conservatisme, n'est plus aussi rebelle qu'elle le fut, ou plus aussi rebelle qu'elle l'est encore ailleurs ?

Il serait cependant vain de vouloir réduire l'univers de la musique traditionnelle irlandaise à l'histoire figée de ses ardents défenseurs ou de ses militants enthousiastes. Clairement identifiée par les habitants de la planète, en partie grâce à eux, et plus vivante que jamais, elle ne cesse d'évoluer et de s'ouvrir vers de nouveaux horizons. Ceci nous semble en grande partie dû à la multiplicité et au renouvellement incessant des éléments qui la composent, que nous allons maintenant entreprendre d'analyser, avant de tenter d'apporter quelques réponses aux questions évoquées précédemment.


1 " [Ireland's situation] did not plead for any distinct principal of life or system of legislation, derived from native peculiarities, and contrasting radically with English wants and wishes ". Cité par Bolton KING, Mazzini, London, Dent, 1902, p. 106-107, cité par Joseph J. RYAN, " Nationalism and Irish Music ", Music and Irish Cultural History (Irish Musical Studies N°3), Dublin, Irish Academic Press, 1995, p. 110.

2 " Debilitated by division and unable to fashion a consistent expression, music moved to the cultural fringe in the nineteenth century. An extreme age demanded a clear response and music was eclipsed by literature ". Joseph J.RYAN, " Nationalism and Irish Music ", op. cit., 1995, p. 114.

3 Voir pour toute cette partie Giuseppe COCCHIARA, The History of Folklore in Europe, ISHI, Philadelphia, Pa., 1980 (trad de l'éd. originale Storia de folklore in Europa, par John N. McDaniel, Editore Boringhieri, S.p.A., Turin, 1952).

4 On retrouvera un grand nombre des compositeurs et arrangeurs cités ici sur le disque " Ceol na hÉireann - Music of Ireland ", Gael-Linn CEF 019, 1970.

5 " The principal and predictable problem faced by those ambitious to fashion a distinctive music founded on a folk idiom was that the very constitution of the tradition, with its linear character and small structure, left it unsuited as the basis of extended composition ; folksong is simply not the stuff of extended composition; it fails the essential criterion that it is not capable of development. " Joseph J.RYAN, " Nationalism and Irish Music ", op. cit., 1995, p. 110.

6 " Mise Éire ", Gael-Linn CEF080, 1979 ; il s'agit en fait d'une réédition comprenant les enregistrements de Mise Éire (CEF 002, 1959), Saoirse ? (GL1, 1960) et An Tine Bheo (GL 12, 1966), précédemment publiés en 45t ; ajoutons à cela la musique du film Ceol na Laoi (GL14), non rééditée. On retrouvera l'exposé le plus complet de l'oeuvre de Seán Ó Riada dans Bernard HARRIS & Grattan FREYER (dirs.), The Achievement of Seán Ó Riada, op. cit., 1981, 205 p.

7 " The Brendan Voyage ", Tara records, Tara 3006, 1980 ; " Granuaile ", Tara records, Tara 3017, 1984 ; " The Pilgrim ", Tara records, Tara 3011, 1984.

8 " Riverdance ", Celtic Heartbeat / K-Tel, K 370, 1995.

9 " The ballads of the Nation are an important part of the official nationalist balladry in Ireland to-day. They form an integral part of every parading band's repertoire, and one of them, " A Nation Once Again " was very nearly adopted as the national anthem. They are taught in the schools as the great songs of our nationalist tradition, and, even yet, few ballad sessions do not include at least one of them ". Desmond KENNY, " The Ballads of The Nation ", op. cit., 1978, p. 32, article que l'on pourra consulter pour tout ce qui concerne ce chapitre. Voir également une compilation des chansons les plus appréciées par le public parue en 1845 et rééditée récemment, " The Spirit of The Nation ", Dublin, Gilbert Dalton, 1981 (1ère éd. 1845), 347 p.

10 " Thus, many of the Ballads [of The Nation] are in the imperative, such as " Bide your Time " and " Be Patient ", or a ballad would have a moral to it, such as " Aid Yourself and God will Aid You ". Here, The Nation is talking down to, rather than singing with the people, and we are conscious of its implicit feeling of superiority (...). The historical ballads of the Nation were also written with a very definite aim in mind, and quite often the teaching of the lesson was more important than the telling of the story ". Desmond KENNY, " The Ballads of The Nation ", op. cit., 1978, p. 43.

11 Seán O'FAOLAIN, Les Irlandais, op. cit., 1994 (1ère éd. 1947, Pelican), p. 131.

12 " What we must never forget is this, that the Ireland of today is the descendant of the Ireland of the seventh century (...). It is true North men made some minor settlements in it in the ninth and tenth centuries, it is true that the Normans made extensive settlements during the succeeding centuries, but none of these broke the continuity of the social life of the island ". Extrait du discours de Douglas Hyde, " The Necessity for De-Anglicizing Ireland ", 25 novembre 1892 prononcé devant la National Literary Society de Dublin, in Charles Gavin DUFFY, Douglas HYDE & George SIGERSON, The Revival of Irish Literature, Londres, Fisher-Brown, 1894, p. 126.

13 " Some citizens of Belfast (...) propose to open a subscription which they intend to apply in attempting to revive and perpetuate the ancient music and poetry of Ireland. They are solicitous to preserve from oblivion the few fragments which have been permitted to remain as the monuments of the refined taste and genius of our ancestors.(...) When it is considered how intimately the spirit and character of a people are connected with their national poetry and music, it is presumed the Irish patriot and politician will not deem it an object unworthy of his patronage and protection ". Conclusion du prospectus de la Belfast Harp Society appelant au soutien à un grand festival de harpes, 1791, cité par Francis O'NEILL, Irish Minstrels and Musicians, op. cit., 1987 (1ère éd. 1913), p. 84, cité par FERGUSON Lady, Sir Samuel Ferguson and the Ireland of his Day, Edimbourg & Londres, W. Blackwood, 1896, Vol. 1, p. 48, cité par Patrick RAFROIDI, L'Irlande et le Romantisme, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1972, pp. 228-229.

14 On pourra consulter, à propos de l'apport protestant à la culture irlandaise : Padraíg Ó SNODAIGH, Hidden Ulster, Protestants and the Irish Language, Belfast, Lagan Press, 1995, 144 p.

15 On retrouvera le Belfast Harp Orchestra, dirigé par Janet Harbison, sur le disque des Chieftains " The Celtic Harp - Tribute to Edward Bunting ", RCA-Victor 09026 61490 2, 1993.

16 " Although Erin is symbolical of Minstrelsy, there has never yet appeared anything like a trustworthy History of Music in Ireland - that is to say of genuine Celtic-Irish and Anglo-Irish Music. We have absolutely no compact record of the 'divine art', wherein the Celts of Ireland pre-eminently excelled ". William Henry GRATTAN FLOOD, A History of Irish Music, op. cit., 1927 (1ère éd. 1904), préface de la 1ère édition, p. V.

17 " Being not unmindful that the perfect book has yet to be printed, we would bespeak for this endeavor to supply a recognized want, such a generous consideration as may reasonably be expected for an earnest and unselfish effort undertaken for the promotion of a patriotic purpose ". Conclusion de l'introduction originale, Francis O'NEILL, The Dance Music of Ireland, Dublin, Walton's, 1986 (1ère édition 1907).

18 Seán Ó BOYLE, Ogam, the Poets' Secret, Dublin, Gilbert Dalton Ltd, 1980, 65 p. Précisons cependant que ce livre fut publié de manière posthume et qu'il n'est pas certain que l'auteur aurait été suffisamment persuadé de la validité de ses arguments pour le faire paraître de son vivant.

19 Voir en réponse aux thèses posthumes de Seán Ó Boyle, la critique de l'ouvrage par Nicholas CAROLAN, Ceol, vol. V, juillet 81, N°1, pp. 30-32.

20 " Jim O'Neill was aged 27 ; a weaver with Parnell side-whiskers, Gaelic football supporter and a drummer in the village band. Although himself a Republican, he learned many of his songs from his local publican, who was a staunch Orange man and master of the Lambeg Drums ". Peter KENNEDY, notes pour l'album " Traditional Songs of Ireland ", Saydisc CD-SDL 411, 1995, p. 6.

21 " The Men Behind the Wire ", Outlet Records, RCL 3001, 1971. Pour tout ce qui concerne la discographie de cette période, voir l'article de Richard DEUTSCH, " Sélection Discographique des Ballades Inspirées par les Evénements d'Irlande du Nord : 1968-1974 ", Etudes Irlandaises, 1ère série, N° 3, 1974, pp. 75-80. On retrouvera une description de cet univers dans la pièce de Stewart PARKER, Catch Penny Twist, Gallery Books, Dublin, N° 56, 1980, 72 p.

22 Aucune référence à ce groupe ne figure dans les divers ouvrages généraux publiés durant ces 10 dernières années, tels que Nuala O'CONNOR, Bringing It All Back Home (Londres, BBC Books, 1991, 176 p.) ou P.J. CURTIS, Notes from the Heart (Dublin, Torc, 1994, 180 p.).

23 " The Irish love to sing. (...) Sadly, this latter delight in communal singing has been much exploited in recent times by politically motivated singers (...) - jingoistic 'rebel songs' for barstool patriots - have unfortunately come to represent Irish singing to the more casual listener ". Ron KAVANA, notes de pochette du disque " Hurry the Jug ", Irish Globestyle, CDORBD 090, 1995, p. 2.

24 Toutes deux figurent sur l'album " The Spirit of Freedom ", WEA Ireland IR0840, 1983.

25 Pour le premier, sur l'album " Pogues ", Pogue Mahone records, WEA 246 086-2, 1988. Pour U2, sur l'album " War ", Island Records, 811 148-2, 1983. Ajoutons pour l'anecdote les deux seuls anglais ayant brièvement chanté ce combat : John Lennon avec " The Luck of the Irish " et " Sunday, Bloody Sunday " (11 ans avant U2, album " Sometime in New York City ", Apple PCSP 716, 1972) et Paul McCartney avec " Give Ireland Back to the Irish " (45t de son groupe Wings, Apple R 5936, 1972). Ajoutons également que Sinéad O'Connor aborde parfois le problème des relations entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, l'exemple le plus marquant étant la chanson Famine, sur l'album " Universal Mother " (Ensign 830549-2, 1994).

 
 
 
 
 
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