COLLOQUE
TRANSPORT AÉRIEN
ET
DÉVELOPPEMENT DURABLE
ACTES DU COLLOQUE DU 15 MAI 2000
A L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Conception – organisation :
Yves Cochet, Marie-Hélène Aubert
Anne Boudou, Laura Morosini
Avec la collaboration de :
Marie-José Etienne, Thomas Lesay
INTERVENANTS
Marie-Hélène AUBERT, Jean-Félix BERNARD, Yves COCHET, Yves COUSQUER, Pierre GRAFF, Paul LANNOYE,
Guillaume PEPY, Emmanuelle ROGGERI,
Roberto SALVARANI, Pierre TROUSSET, Michel VALLET,
Dominique VOYNET
S O M M A I R E
² ²²
INTRODUCTION Marie-Hélène
Aubert, députée d’Eure-et-Loir
1ère Table ronde – Impacts du trafic aérien sur la santé et l’environnement.
Nuisances sonores et pollution atmosphérique
M. Yves Cochet, député du Val-d’Oise,
vice-président de l’Assemblée nationale
M. Jean-Félix Bernard, Président du Conseil national de l’air, conseiller régional d’Ile-de-France
M. Pierre Graff, Directeur général de l’aviation civile, ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement
M. Michel Vallet, Chercheur à l’INRETS, chargé de l’enquête de gêne sonore autour de l’aéroport de Roissy
M. Roberto Salvarani, Chef de l’Unité " Environnement ", DG de l’Energie et des Transports, Commission européenne
2ème Table ronde – Quel aménagement durable du territoire face aux enjeux de la
mondialisation et à la croissance des
flux de transports ?
Mme Marie-Hélène Aubert, députée
d’Eure-et-Loir
M. Paul Lannoye, Président du groupe Vert au Parlement européen
M. Pierre Trousset, Président du Conseil économique et social de la région Centre
Mme Emmanuelle Roggeri, les Amis de la Terre
M. Yves Cousquer, Président d’Aéroports de Paris
M. Guillaume Pepy, Directeur général
délégué clientèles, SNCF
CLÔTURE DU COLLOQUE
Marie-Hélène Aubert, députée
d’Eure-et-Loir
Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement
Marie-Hélène AUBERT
Députée d’Eure-et-Loir
Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Personne ne conteste ici les services formidables que
peut rendre l’avion, une des plus grandes inventions du siècle qui
vient de s’écouler. Mais dans le contexte d’une libéralisation
accrue et voulue des échanges commerciaux à l’échelle
de la planète, dont nous montrerons d’ailleurs aujourd’hui quelques
effets dévastateurs, la demande de transports a littéralement
explosé, et notamment celle du transport aérien.
Malheureusement, ces flux de transport se sont développés
sans qu’on s’interroge vraiment sur leur impact en termes d’aménagement
du territoire et d’environnement, et sur leurs coûts induits : pollution
de l’air, de l’eau, des sols, nuisances sonores, accidents, bitumisation
croissante au détriment de terres agricoles, urbanisation mal maîtrisée,
etc…
Par ailleurs, chaque mode de transport s’est développé
en concurrence avec les autres, en raison d’administrations très
cloisonnées, à la culture bien spécifique, et surtout
en l’absence de vision globale, politique, d’une utilisation rationnelle,
efficace, correspondant à de réels besoins, de l’ensemble
des moyens de transport. Et ce, tant au niveau régional et national
qu’européen. Le coût faible de l’énergie pétrolière,
et la prise en charge par la collectivité des infrastructures routières
et aéroportuaires comme des coûts externes, ont de plus largement
favorisé le trafic automobile, et maintenant le trafic aérien.
Cette situation aujourd’hui est devenue insupportable écologiquement,
et même dangereuse à terme, économiquement.
En effet, la croissance du trafic aérien est telle,
et son impact sur le cadre de vie si important, que depuis quelque temps,
tout projet d’extension ou de création d’un nouvel aéroport
suscite immédiatement, à juste titre, un véritable
tollé des populations concernées, de moins en moins séduites
par les taxes professionnelles et les emplois avancés par les promoteurs
de ces projets.
Ainsi de l’extension de Roissy, ainsi de l’éventualité
d’un troisième aéroport de Paris à Beauvilliers, sans
rappeler l’épisode DHL à Strasbourg. À chaque fois,
les riverains peinent à se faire entendre des pouvoirs publics,
et ne sont que rarement consultés, ou alors une fois mis devant
le fait accompli ! C’est pourquoi il y a urgence, notamment, à réformer
les procédures d’enquête publique et à mettre en place
des instances crédibles de concertation, bien en amont des projets.
Même la Commission européenne, pourtant d’inspiration
libérale, a reconnu, dans une communication parue en décembre
dernier, que l’organisation et la gestion actuelles du trafic aérien,
assez anarchiques, comme l’impact de ce trafic sur l’environnement, et
notamment sa contribution croissante à l’effet de serre, n’étaient
plus acceptables et entravaient même la croissance, qu’elle juge
nécessaire, du transport aérien. La Commission préconise
ensuite toute une série de perspectives et de mesures pour remédier
à ces graves déficiences. Elles seront certainement évoquées
par certains orateurs cet après-midi.
Pour sa part, le gouvernement a, depuis juin 1997, entamé
une politique beaucoup plus volontaire en matière de complémentarité
des modes de transport, de réduction des nuisances, de revalorisation
du rail, d’aménagement équilibré du territoire, que
décrira tout à l’heure Dominique Voynet, qui nous fait l’honneur
de conclure ces débats. Les parlementaires que nous sommes ont ainsi
adopté, à travers la loi sur l’aménagement du territoire
votée l’an passé, des principes pourtant clairs : nécessité
d’élaborer des schémas de services de transport cohérents,
mettre fin à la concentration de la région parisienne (unanimement
dénoncée), favoriser l’optimisation des infrastructures existantes
avant d’envisager toute construction nouvelle, organiser la concertation
avec tous les intéressés, développer des transports
plus écologiques et réduire les pollutions.
Nous y voilà. Ces schémas de services, concernant
le transport aérien, correspondront-ils à nos attentes ?
Quelles politiques faut-il mettre en place pour atteindre les objectifs
fixés ? Que serait l’aéroport idéal, en termes écologiques
et économiques, de demain ? Ou bien va-t-on nous expliquer une fois
de plus que l’explosion du trafic aérien, comme la concentration
parisienne, relèvent de la fatalité ou des particularismes
bien français ? Et toujours remettre à plus tard ou à
un autre niveau les mesures qui permettraient de réduire efficacement
les nuisances importantes et insupportables du transport aérien
?
Nous nous refusons, pour notre part, à ce défaitisme,
et c’est la raison pour laquelle nous organisons cet après-midi
de débat, au moment où des décisions extrêmement
importantes pour notre avenir commun s’élaborent dans les cabinets
ministériels et à la veille de nouvelles manifestations.
Avenir commun, j’insiste, car nous refusons d’opposer
les préoccupations des habitants du Val-d’Oise à celles des
habitants de l’Eure-et-Loir, que nous représentons en partie ici,
et nous voulons montrer qu’une politique cohérente et réfléchie
en matière de transport aérien est possible, en dépit
d’un contexte de compétition économique acharnée et
de dérégulation, que nous contestons par ailleurs. Un nouvel
aéroport dans le bassin parisien ne soulagerait guère les
riverains de Roissy, car il provoquerait inévitablement une augmentation
globale du trafic, et bouleverserait à coup sûr tout l’ouest
du bassin parisien déjà saturé, sans même parler
des risques que cette nouvelle plate-forme ferait courir pour l’avenir
d’Orly, comme d’Air France d’ailleurs.
Voilà donc les sujets que nous aborderons cet après-midi.
Nous tenons à remercier chaleureusement les intervenants
d’avoir accepté de participer à ce débat, que nous
espérons particulièrement riche et constructif, et l’assistance
nombreuse nous montre que les attentes sont grandes en la matière.
Je laisse à présent la parole à Yves
Cochet, qui animera la première table ronde.
Animée par Yves Cochet
Député du Val d’Oise
Impact du trafic aérien sur la santé et l’environnement
Yves COCHET - Je vais me borner
à énoncer quelques chiffres, que certains d’entre vous connaissent,
mais qui montrent la croissance du trafic aérien à l’échelon
mondial, et notamment à l’échelon européen.
Première constatation : entre 1990 et 1998, le trafic aérien s’est accru de 6,5 % par an (le nombre de vols), ce qui n’implique pas une augmentation identique de passagers. Prenons l’exemple de Strasbourg : 8,3 % de mouvements supplémentaires enregistrés entre 1996 et 1997, mais seulement + 1,9 % de passagers. Nous avons lu dans " Entre Voisins " (le magazine d’ADP), le dernier chiffre d’évolution du trafic de Roissy. Il est en augmentation de 16,3 % pour les deux premiers mois de l’année 2000, comparé aux deux premiers mois de 1999. Alors que si on compare les deux premiers mois de l’année 1998 et les deux premiers mois de l’année 1999, ce chiffre n’est que de 3,7 %.
Deuxième point : le niveau sonore. Le niveau sonore
d’un avion de dernière génération, du type A330 par
exemple, est de 80 dB pendant le décollage à 700 mètres
de distance, et le rythme de décollages approche maintenant un avion
toutes les 2 minutes à Roissy. Plus d’un million d’habitants sont
touchés sur la seule région d’Ile-de-France, soit un Francilien
sur 10 concerné par les nuisances sonores.
Troisième série de chiffres : en 1990, 12
% des hydrocarbures utilisés par l’ensemble des moyens de transport
au niveau mondial étaient affectés aux avions. Ce chiffre
atteindrait 27 % en 2005 (selon des prévisions). À ce sujet,
vous savez que la convention de Chicago de 1944 stipule qu’aucune taxe
ou charge ne peut être imposée sur le trafic aérien,
ce qui interdit de taxer le kérosène. Mais il y a un projet
de la Commission européenne, qui envisage de créer une taxe
de 245 euros par tonne de kérosène à partir de 2002.
Cela pourra-t-il avoir lieu ? Nous le verrons.
Quatrième série de chiffres : en 1995, le
transport aérien mondial émettait déjà 555
millions de tonnes de CO2, soit autant que toute la Grande-Bretagne
pour l’ensemble de ses transports. Bien sûr, à performance
égale, un réacteur d’avion d’aujourd’hui consomme 70 % d’hydrocarbures
en moins que son équivalent en 1960. Evidemment, en quarante ans,
la technologie a fait quelques progrès. Et les émissions
d’oxyde d’azote ont elles-mêmes diminué d’environ 30 % en
trente ans. Mais cela est largement compensé hélas ! par
l’explosion du trafic, qui annihile ces améliorations de performance
purement technologiques.
Cinquième série de chiffres : sur les trajets
de courte distance, l’avion consomme quatre fois plus d’énergie
que le train. Or, près de la moitié des voyages en avion
s’effectuent sur des distances inférieures à 800 km. De la
même manière, il est plus facile de réduire, ou même
de supprimer un bruit ferroviaire qu’un bruit aérien.
Quelques conclusions, sous forme interrogative (les intervenants
et le débat montreront les questions et éventuellement les
propositions que nous avons à faire) :
Sans transition, je laisse la parole au premier orateur
de cette première table ronde.
Jean-Félix BERNARD, Président du Conseil national de l’air et conseiller régional d’Ile-de-France
Quelques chiffres et rappels. La partie nuisances dans
l’air en termes de pollution par les avions est plus récente que
les autres nuisances. Par exemple, le premier survol de Paris a été
effectué par Charles de Lambert sur un biplan Wright en 1909, et
il a fallu attendre 1948 pour qu’il y ait interdiction de survol de la
capitale, suite à de nombreuses plaintes de riverains. Cela donne
une idée du temps nécessaire pour avoir une réaction
législative par rapport à des nuisances concrètes.
De même, pour la pollution de l’air due aux avions, il a fallu aussi
attendre les années 1980 que l’organisation de l’aviation civile
réglemente et adopte des normes d’émissions, et que l’on
puisse disposer ainsi d’une réglementation en termes d’objectifs.
Les objectifs portent notamment sur l’an 2000, donc commencent à
s’appliquer pour avoir des diminutions d’émissions unitaires. Tout
cela est un débat récent, et peut donner la sensation qu’on
prend l’avion en marche.
Petit rappel (non exhaustif) sur les polluants.
Les moteurs d’avions, comme tous les moteurs thermiques, émettent principalement les composants polluants suivants :
En ce qui concerne les incidences sur la santé,
l’ozone et les oxydes d’azote sont des irritants et des oxydants puissants
et dangereux pour la santé, mais aussi nuisibles pour la végétation.
Ils ont aussi la particularité de manifester une dégradation
générale de la qualité de l’air. On sait qu’avec ce
type d’émissions, on a aussi autre chose dans l’air.
Les hydrocarbures et les COV présentent, pour certains,
des risques cancérigènes. Le monoxyde de carbone est très
toxique, mais heureusement il est aussi très instable et semble
rester dans des limites acceptables au niveau des aéroports (sous
réserve d’études complémentaires).
Enfin les particules très fines, ou les microparticules,
qui peuvent être entraînées très loin et rester
en suspension longtemps, du fait de leur finesse, sont devenues un problème
de santé publique par leur pénétration profonde dans
les voies pulmonaires. On connaît la situation pour le diesel, notamment
en termes pathologiques et de nombre de décès prématurés.
Accessoirement, ces microparticules sont mises en cause par certains climatologues
et météorologues sur la formation de brouillard et la diminution
de la pluviométrie, parce que ces petits noyaux carbonés
ont tendance à agréger les molécules d’eau, ce qui
fait qu’elles restent en suspension. Cela aboutit souvent à des
brouillards. Récemment, sur les deux brouillards successifs très
importants qui ont eu lieu sur l’aéroport de Nice, certains météorologues
mettent en cause la pollution microparticulaire comme facteur aggravant.
À partir de l’effet de ces émissions sur
la santé, quelques évidences semblent simples à comprendre
et expliquent pourquoi la pollution de l’air due aux avions est un problème
assez sérieux.
Citons en premier lieu les avions commerciaux. D’après
les données des fabricants, ils consomment en moyenne 5,2 litres
de carburant par place de passager occupée aux 100 km et ne peuvent
avoir de système de filtre comme les pots catalytiques ou les filtres
à particules. En conséquence, même si leur combustion
est meilleure que celle des véhicules routiers, les émissions
de polluants restent dans les mêmes ordres de grandeur que ceux des
véhicules routiers. La comparaison est assez simple : imaginez la
qualité de l’air si les automobiles actuelles consommaient environ
25 litres aux 100 kms sans aucun équipement de filtrage des polluants.
Il est assez facile de comprendre que la contribution à la pollution
de l’air, par passager transporté, est forte. Les chiffres donnés
par le président Cochet montrent assez bien qu’il s’agit d’un problème
quantitatif assez sérieux.
Dois-je rappeler aussi le coût externe de cette
pollution ? Ce n’est pas uniquement des gênes respiratoires, de petites
pathologies, voire parfois plus sérieuses pour des personnes fragiles.
C’est aussi un coût financier pour la collectivité. Il faut
bien que quelqu’un paye l’excès de pathologies dues à la
pollution. En 1996, la municipalité de Zurich, avant de mettre en
place une réglementation plus sévère sur l’aéroport
de Zurich en termes de pollution de l’air, avait chiffré entre 20
et 80 FS (soit entre 80 et 320 FF) le coût par kg d’oxyde d’azote
émis (or les quantités se comptent en milliers de tonnes
sur des aéroports importants). Et de 10 à 25 FS le coût
par kg de COV émis. Chiffres qui tenaient compte naturellement des
maladies respiratoires et des pathologies, mais aussi des pertes agricoles,
relativement significatives pour les pointes d’ozone, et aussi du coût
supplémentaire pour l’entretien des bâtiments salis par la
pollution particulaire. Le rapport coûts/profits montre assez nettement
que la plupart des mesures de lutte contre les nuisances de pollution de
l’air par les infrastructures aéroportuaires sont positives pour
la collectivité. La question étant toujours de savoir qui
paye.
Ces pollutions sont souvent considérées
sous l’angle de la pollution de proximité, du moins de celle émise
à moins de 1.000 mètres. Il ne faut bien entendu pas oublier
(cela a été rappelé) la pollution diffuse à
haute altitude, qui contribue négativement à l’effet de serre,
à la destruction de la couche d’ozone, et de manière générale
à la pollution globale de notre planète. J’interviendrai
plus sur la partie locale, mais il ne faut pas oublier la pollution globale.
Les polluants émis dans la haute atmosphère représentent
environ 75 % des émissions des avions. Il n’en reste pas moins que
25 % de ces polluants sont plutôt émis en basse atmosphère,
au décollage et au roulage, et cela concerne de manière concrète
les habitants et riverains des aéroports.
Prenons l’exemple de l’Ile-de-France. La moitié
des carburants vendus en Ile-de-France sont utilisés par l’aviation.
Cela vous donne une idée de la masse de carburants. Sachant que
75 % de cette moitié seront utilisés hors Ile-de-France.
Cette comparaison entre le trafic routier, qui consomme la plus grosse
partie du reste du carburant, est intéressante car si le trafic
routier en Ile-de-France reste dominant en termes de pollutions locales,
ses marges de diminution sont beaucoup plus importantes, et beaucoup plus
rapides que celles des avions. Les voitures ont des pots catalytiques,
alors qu’il est impossible, pour l’instant, de mettre un pot catalytique
ou un filtre à particules à la sortie des réacteurs.
On peut constater une baisse forte, unitaire, par véhicule neuf,
les avions n’en sont pas là en termes de baisse. Accessoirement,
le trafic croît plus vite pour les avions que le trafic automobile,
qui progresse environ de 2 % par an, au lieu de 10 % pour le trafic aérien.
Les conditions sont donc réunies, si un effort
important n’est pas fait , pour faire apparaître le trafic aérien
comme étant le mauvais élève du développement
durable, que ce soit sur un plan global ou local. Pour reprendre l’exemple
de l’Ile-de-France, voici quelques chiffres communiqués par le Plan
régional pour la qualité de l’air (PRQA), qui est en finalité
d’élaboration, mais sur lequel les chiffres sont stabilisés
: en 1994, les émissions d’oxyde d’azote par le transport aérien
à 1 000 m représentaient 4 900 tonnes, essentiellement pour
Roissy et Orly. Malgré toutes les améliorations apportées
aux réacteurs, la prévision pour 2005 est d’environ 5 500
tonnes, soit une augmentation d’environ 12 %. Parallèlement, pour
l’automobile, les émissions d’oxyde d’azote sont plutôt à
la baisse sur cette période. Cette montée montre que, malgré
les efforts, on assiste à une augmentation forte sur la partie aéroportuaire
et sur les consommations des avions. Les constructeurs affirment que cela
baissera après 2005. Nous verrons, mais pour l’instant cela reste
quand même en augmentation. Naturellement, si l’on veut avoir une
approche globale, il faut ajouter aux émissions générées
par les avions les émissions générées par l’ensemble
des activités aéroportuaires qui sont, à l’heure actuelle,
aussi importantes que celles des avions : circulation pour amener les voyageurs,
véhicules d’aéroport… Cette partie représente la moitié
des émissions et nécessite donc une approche globale en termes
de pôle d’émission.
Toujours sur la pollution de proximité, citons
les chiffres d’Aéroports de Paris (ADP) sur les oxydes d’azote,
qui est un bon révélateur de pollution. Les mesures effectuées
à proximité de Roissy montrent assez clairement qu’il n’y
a pas de tendance à la baisse ces dernières années.
Et il n’est pas impossible que les objectifs de qualité définis
par la Commission européenne soient dépassés au niveau
de la pollution annuelle.
Je passe sur l’exemple zurichois, et la façon dont
l’aéroport de Zurich a mis en place une taxe sur la pollution des
avions. C’est un exemple novateur et intéressant, qui fonctionne
depuis 1996 et n’a pas empêché le dynamisme. Je vous en reparlerai
lors du débat. Je passe aussi sur les recommandations du CNA, qui
a naturellement demandé dans ses avis d’intégrer les aéroports
dans les sources d’émissions, tant pour les PRQA que pour les problèmes
de pollution due à l’ozone.
Conclusions :
Pierre GRAFF, Directeur général
de l’aviation civile (DGAC) au ministère de l’Equipement, des Transports
et du Logement
Première remarque sur les éléments
du contexte. Vous l’avez vous-même souligné, M. le Président
: le trafic aérien explose, c’est un fait, et sur une longue période.
Sur la période 1975-2000, la croissance moyenne était de
5,9 % par an en passagers. Il y a peu d’exemples d’activités humaines
qui se développent à ce rythme-là. Si on regarde ce
qui se passe sous nos yeux en ce moment, on était à des pourcentages
de 9 % l’an dernier, et sur les quatre premiers mois de cette année
2000, nous sommes actuellement à une tendance à peine plus
faible. Je n’insiste pas sur ces statistiques, qui nous interpellent, en
tant qu’organisation de la société.
Une information mal connue : il faut toujours regarder
la croissance du nombre de passagers, mais aussi la croissance du nombre
des mouvements d’avion, celle-ci étant davantage corrélée
à la gêne que le nombre de passagers. Ces dernières
années, suite aux charmantes initiatives de nos amis de Bruxelles,
la dérégulation a fait que les compagnies aériennes
recherchaient à tout prix des fréquences, multipliaient les
fréquences (pour satisfaire leur clientèle, disaient-ils),
et on assistait à une augmentation du nombre de mouvements d’avions
beaucoup plus rapide que celle du nombre de passagers. Ce n’est plus exact,
depuis deux ans la tendance s’est inversée, de nouveau le rythme
des mouvements d’avions croît moins vite que celui du nombre de passagers,
parce que la course à la fréquence se stabilise, parce que
la rareté (les ressources rares) fait que les compagnies aériennes
sont forcées de revoir les tailles d’avions, et parce que la rentabilité
oblige à remplir les avions. Cette inversion de tendance n’a pas
encore été repérée par les médias, mais
bien par les statisticiens. Ce n’est pas sans importance pour la suite.
Deuxième considération, c’est une banalité,
mais il faut l’avoir en tête, parce que c’est un phénomène
très européen et très français : nos aéroports
sont très insérés dans le tissu urbain. Nous n’avons
pas beaucoup d’aéroports à la campagne. Cela complique singulièrement
les choses pour les pollutions de proximité. Ce qui est inquiétant
dans le fonctionnement global de notre société, c’est que
même si l’on prend la précaution de construire les aéroports
relativement loin des sites urbains, on constate avec le temps un grignotage
progressif de l’urbanisation qui se rapproche, et ce malgré les
nuisances. Les exemples sont nombreux, vous en connaissez tous ici.
En tant qu’acteur non politique, j’observe les choses
avec recul et je suis parfois dérouté. Vous n’imaginez pas
le mal que l’on peut avoir à convaincre (et là j’interpelle
les élus) qu’il faut savoir se montrer restrictif et protecteur
lorsqu’il existe une infrastructure qui émet des pollutions, et
qu’il faut à tout prix éviter d’exposer inutilement les populations
au bruit et aux pollutions. Cette évidence n’en est pas une dans
la vie quotidienne, et les permis de construire se multiplient, et les
extensions de plans d’exposition au bruit sont difficiles à faire
dans notre pays, et suscitent des débats difficiles qui placent
les élus locaux dans des positions souvent délicates. Il
est difficile d’étendre un plan d’exposition au bruit. Evidemment,
derrière cela, c’est la possibilité de construire et c’est
la valeur des sols et des biens. Dans un débat de société,
il faudra bien qu’un choix clair soit fait, et qu’on choisisse entre la
valeur des biens et d’éventuelles atteintes à la santé
publique, puisque tel est le thème de cette première table
ronde.
Troisième remarque : dans ce paysage complètement
noir, de fin du monde, il faut aussi souligner que les avions sont de moins
en moins bruyants et de moins en moins polluants. Il faut 125 Airbus A320
pour émettre l’énergie sonore d’une Caravelle. J’ajoute que
les mesures prises au niveau international par l’OACI sont d’une certaine
efficacité. Cela a pris du temps, car il y a 185 Etats, mais la
décision qui consiste à évacuer les avions dits du
chapitre 2 (les plus polluants sur le plan sonore) à partir du 1er
avril 2002 est une très bonne décision, dont on mesure concrètement
les fruits. Un règlement européen concernant les atténuateurs
de bruit vient d’entrer en vigueur le 4 mai, non sans beaucoup de difficultés,
et j’espère que ce règlement européen sera l’occasion
pour les techniciens de l’aéronautique de continuer à discuter
au sein de l’OACI pour aller bien au-delà de cette simple règle
de non-addition des avions munis d’atténuateurs de bruit, pour aller
vers l’énoncé d’un chapitre qu’on pourrait appeler " 4 ",
qui serait beaucoup plus ambitieux au plan international que le chapitre
3 actuel. Les avions sont aussi moins polluants, ainsi pour les oxydes
d’azote (la pollution la plus dangereuse), la réduction sur les
trois dernières années est de 60 % grâce à la
modernisation de la flotte. Ce n’est pas pour m’extasier sur les progrès
technologiques, mais c’est certainement, sauf à arrêter l’aviation,
une des sources les plus fécondes et les plus riches. Il y a encore
du grain à moudre de ce côté-là.
Ma quatrième remarque concerne les évolutions
récentes en matière de gêne sonore. Ce sont des disciplines
et des préoccupations un peu plus neuves que pour d’autres modes
de transport. La " boîte à outils " des actions à mettre
en œuvre est encore relativement restreinte, jeune et parfois balbutiante.
Cela étant dit, j’adhère aux propos du président Cochet
qui a bien cité les outils dont on dispose aujourd’hui, féconds
aussi à terme, pour essayer de contenir autant que faire se peut
les effets pervers ou négatifs du développement de l’aviation.
1. Les améliorations technologiques (chapitre 2…). 2. Les sanctions.
Jusqu’à présent, il n’était pas envisageable de sanctionner
une compagnie aérienne ou une équipe de pilotage pour son
comportement, c’est devenu possible aujourd’hui et constitue une petite
révolution culturelle. Ce système fonctionne notamment à
Roissy. Les sanctions montrent leur efficacité. La persuasion est
une chose, la pédagogie aussi, mais il faut également manier
ce genre de sanctions. C’est un dispositif de pénalités administratives,
donc beaucoup plus rapide que le système judiciaire. Les pollueurs
ressentent immédiatement l’effet de leurs actes et non pas trois
ou quatre ans après. J’observe que les infractions, en un an et
demi, ont diminué à peu près de moitié, ce
dispositif de sanctions est donc efficace. Je rappelle qu’il a été
majoré par le Parlement au mois de juillet 1999, et qu’il est maintenant
non plus entre les mains du gouvernement, mais entre celles de l’ACNUSA,
l’autorité indépendante.
Pour autant, les résultats sont mitigés.
À Roissy, il est exact que l’énergie sonore globale a plutôt
diminué depuis 1997. Mais la " sensibilité " aux nuisances
n’a jamais été aussi forte. Ce qui nous ramène à
une question compliquée qui interpelle les pouvoirs publics et les
pouvoirs politiques : comment faire pour caractériser correctement
la gêne sonore ? L’énergie globale émise, manifestement,
ne suffit pas. Là aussi, nous sommes dans un domaine adolescent,
balbutiant. Sur les sites de Roissy et d’Orly, une étude assez complète
a été lancée, sous forme d’interviews des populations
gênées (1 500 personnes). Il reste à corréler
les mesures in situ et la gêne sonore, cette corrélation
sera terminée d’ici l’été, et l’ACNUSA jugera alors
ce qu’elle doit faire de ces résultats.
Conclusion : l’environnement devrait être au cœur
de la politique aéroportuaire. Jusqu’à présent, les
axes politiques utilisés étaient relativement frustes et
se limitaient à la " réparation ", aides aux riverains pour
s’insonoriser, il s’agissait là de la maîtrise de l’urbanisation
(mais je vous ai dit en préambule le succès qu’il fallait
accorder à cette politique), et aux progrès technologiques.
Il faut aujourd’hui compléter par d’autres atouts : 1. Il faut absolument
agir sur l’exploitation des aérodromes, je pense aux procédures
d’approche, mais aussi aux accès (la moitié de la pollution
atmosphérique est due à l’accès aux aérodromes,
comme l’a dit Jean-Félix Bernard). 2. Deuxième axe : l’intermodalité
avec le rail. Cela pose le problème du développement du rail
en Europe. Sur les courtes et moyennes distances, il est clair que le train
à grande vitesse est préférable à l’avion.
Et c’est le directeur de l’Aviation civile qui le dit. 3. Troisième
axe : il faut favoriser un débat transparent, impartial et objectif,
c’est pourquoi je suis venu à cette table ronde ; c’est pourquoi
le Parlement a voté l’ACNUSA. Il faut continuer à développer
des outils techniques qui permettent de corréler en permanence la
gêne ressentie avec les trajectoires réellement suivies, afin
que les riverains sachent exactement ce qui se passe au-dessus de leurs
têtes.
Yves COCHET - Puisque vous êtes, M. Vallet,
chargé de l’enquête de gêne sonore autour de l’aéroport
de Roissy, quelles sont vos conclusions (provisoires) sur ce point ?
Michel VALLET, Chercheur à
l’INRETS, chargé de l’enquête de gêne sonore autour
de Roissy
Ce que nous essayons de faire est assez simple : 1. Décrire
cette gêne que ressentent les riverains. 2. Examiner si elle peut
avoir des incidences sur la santé.
Décrire la gêne ressentie n’est pas le seul but. Il est utile de disposer d’un outil technique utilisable pour définir ce qu’on peut faire dans les zones autour des aéroports. Cet outil doit d’abord représenter la gêne ressentie par les riverains. Il peut avoir d’autres qualités (facile à prévoir, à calculer). M. Graff a déclaré qu’il y avait une certaine adolescence en ce domaine. Entre le milieu des années 1960 et le début des années 1990, le même bruit engendrait une gêne relativement stable. Les courbes de gêne en fonction du bruit étaient stables, quelle que soit la façon dont le bruit était mesuré. Et l’on trouvait dans ces courbes, des points d’inflexion qui permettaient de dire, visuellement et mathématiquement, là où la population commençait à être plus gênée. Depuis le début des années 1990, les liaisons entre le bruit émis et la gêne deviennent plus dispersées. L’enquête confiée par les ministères a eu une visée géographiquement très large. Nous sommes allés jusque dans la boucle de la Seine, la vallée de Montmorency… où a priori on estimait qu’il n’y avait pas de bruit. Les mesures ont montré qu’il y avait un certain niveau de bruit. Il faut savoir jusqu’où il faut réfléchir à l’urbanisation, à la conception des logements et à la réparation des logements existants. Mais cela est déjà bien en route, même si, comme j’ai pu le constater à cette dernière commission de Roissy, les attributions des aides apportées aux riverains ne vont pas très vite.
On s’est aperçu qu’il y avait une plus grande sensibilité
de la population au bruit des avions. Cette sensibilité n’est pas
homogène, elle est le fait des classes moyennes et des classes aisées.
Au cours des années 1990, les classes modestes avaient d’autres
préoccupations : l’emploi, l’éducation des enfants…
Plus objectif : chacun d’entre nous subit une multi-exposition
au bruit. Quand on passe l’aspirateur, on subit un certain niveau de bruit,
très proche de soi… Il y a quelque chose de difficile à mesurer,
qui est bien du domaine de la psychosociologie. Quand on m’a demandé
d’évaluer l’étude faite par ADP il y a quatre ans pour prévoir
les nouvelles pistes à Roissy, l’objectif en termes de trafic était
de 495 000 mouvements à l’horizon 2010. Or il y a une croissance
du trafic forte, puisque dès 1999, on est déjà à
460 000 mouvements. On comprend donc que les riverains soient inquiets,
et se demandent où ça va s’arrêter.
Je citerai un exemple allemand : à Düsseldorf,
le bruit est contrôlé depuis 1987, et une baisse régulière
est constatée, certes au compte-goutte (0,5 dB par an), mais perceptible
sur 12 ans. Cela se ressent dans les appareils de mesure, mais pas dans
l’opinion publique. On a montré que pour le bruit routier, il fallait
une décroissance nette, du jour au lendemain (mur anti-bruit…),
pour que la perception de la diminution se fasse, mais aussi pour que la
gêne décroisse. Pour l’avion, c’est très progressif,
et cela rend la gestion de la gêne sonore très difficile.
Concernant la perception de la population, une opinion
est relativement répandue : environ 15 % de la population interrogée
estiment que les autorités ne font pas assez pour prendre en compte
le bruit. Ces personnes expriment une gêne supérieure, à
niveau de bruit égal. Dans la nature de la gêne, il y a donc
des dimensions psycho-sociologiques, d’information, de management des problèmes
aéronautiques, qui font que la gêne peut varier, non avec
le bruit, mais avec ces opinions.
Roberto SALVARANI, Chef de l’Unité Environnement à la Direction générale de l’Energie et des Transports, Commission européenne
Mon rôle dans la nouvelle unité créée
cette année à la Commission consiste à intégrer
la dimension environnementale dans les politiques de transport et d’énergie.
Nous devons abandonner ce qui a été une approche de politique
de développement écologiquement durable à une politique
dans laquelle on parle exclusivement de développement durable. Il
faut intégrer non seulement l’angle environnemental, mais aussi
les aspects économiques et sociaux. C’est la recherche, difficile,
du bon équilibre entre ces trois facteurs qui doit déterminer
une bonne politique, une bonne stratégie, à l’échelle
européenne, mais aussi à l’échelle nationale, régionale
et locale. Si un de ces facteurs n’est pas correctement pris en compte,
les autres aspects en paient le prix. Le juste équilibre est le
but, non seulement de la DG TREN, mais également l’un des objectifs
prioritaires de la politique de la nouvelle Commission.
Vous m’excuserez si je ne tente pas d’apporter des solutions
car cette unité n’existe que depuis quelques mois. Mon activité
consiste à être à l’écoute des citoyens d’abord,
mais aussi de l’industrie, des ONG, et des autorités nationales
et locales.
La Commission européenne ne tentera de résoudre
les problèmes locaux, elle cherchera plutôt des approches
qui apportent de la valeur ajoutée au niveau d’intervention, de
mesure ou d’action, à l’échelle communautaire, en laissant
les autorités locales jouer leur jeu là où se trouve
leur domaine de compétence.
Ce qui a manqué dans certaines des interventions
que j’ai entendues, ce n’est pas seulement la croissance du transport aérien,
mais la mention du retard des vols. En tant que citoyen qui utilise l’avion,
l’Europe voyage avec 7 000 vols par jour en Europe, 32 % de vols enregistrent
un retard de plus d’une demi-heure. La congestion de l’espace aérien
est donc parmi les facteurs d’inefficacité du système, qui
contribue directement à créer un développement non
durable.
C’est la toile de fond sur laquelle les initiatives seront
prises. La première : la recherche pour arriver à déterminer
ce que Mme de Palacio, ma vice-présidente appelle un " ciel uni
", un espace aérien commun, qui ne soit plus une simple coordination
des actions menées à l’échelle nationale. Si ce système
était bon dans le passé, la pression par l’augmentation des
vols est telle que ce système n’est plus suffisant. Il faut arriver
à une approche commune, avec une recherche d’efficacité à
la base.
En ce qui concerne l’environnement, l’impact est local
(bruit, pollution), mais aussi global (effet de serre). L’aviation est
d’abord une activité industrielle à l’échelle mondiale,
des organismes mondiaux existent, au sein desquels opèrent les Etats
membres, ce qui rend plus difficile la recherche de solution, car des solutions
mal choisies auraient un impact négatif sur la compétitivité
de notre industrie. Encore une fois, il nous amènerait à
une situation qui n’est pas positive pour le développement durable
des trois facteurs. Donc un poids supplémentaire dans la recherche
de solutions.
Venons-en aux changements climatiques. Combien d’entre
vous ont saisi la difficulté de ces problèmes ? Il y a une
augmentation de la concentration de CO2 à une vitesse
telle qu’elle n’est plus soutenable par la nature. Depuis le début
de l’ère industrielle, le taux de croissance de cette concentration
fait qu’en 2030, elle aura doublé. Si on arrive à doubler
cette concentration, l’impact sur les climats ne sera pas soutenable par
la nature. La nature aujourd’hui peut vivre et donc suivre les changements
que l’homme lui apporte s’il y a une augmentation d’un degré tous
les 100 ans. Aujourd’hui on marche, selon les scientifiques, à 1
degré tous les 10 ou 30 ans, loin de ce que la nature peut soutenir.
De là les conséquences négatives sur la sécheresse,
les cyclones (la France en a été victime récemment),
etc. Il existe une forte menace dans 20 ans, peut-être 30 ans. Il
faut que les générations d’aujourd’hui (citoyens, autorités,
industriels) participent au règlement de la note, investissent aujourd’hui
pour éviter le cataclysme dans 30 ou 40 ans. Un choix politique
très difficile (applaudissements).
Dans ce domaine, l’Europe s’est engagée à
Kyoto à moins 8 % d’émissions en 2010, soit environ 250 millions
de tonnes de CO2 en moins. C’est un fort engagement, mais loin
d’être suffisant. L’effort que nous devons demander aux industriels
est très grand pour faire un petit pas. Si on passe 2010 et qu’on
s’arrête, on rate tout. Difficile de trouver la solution, d’autant
que les tendances indiquent clairement que si on ne prend pas des mesures,
au lieu de – 8 %, on sera à + 7 % en 2010, soit environ + 500 millions
de tonnes de CO2.
Le transport est le secteur qui contribuera pour 40 %
à l’augmentation sur cette décennie. Dans le secteur de l’énergie,
on a une stabilité, mais le transport suit de très près
la croissance économique. Cette augmentation de la demande de transport
se retrouve dans la route, de façon très forte, mais aussi
dans l’aviation. L’aviation représente environ 12 % des émissions
de CO2 du transport, et 15 % en 2010, d’un montant accru. On
passe donc de 90 millions de tonnes aujourd’hui à 150 millions de
tonnes en 2010. Nous devons réduire de 250 millions de tonnes, et
on a une augmentation de 60 millions de tonnes rien que pour l’aviation.
L’impact de l’aviation dans la contribution négative aux changements
climatiques est donc assez fort.
Autre élément de pression : le bruit. Les
avions d’aujourd’hui ont 20 dB de bruit en moins que les avions des années
1970. L’effort technologique est là, aussi parce que la compétitivité
et la consommation de carburant poussent les industriels vers cette direction.
C’est quand même une chose positive. Ils continueront à rechercher
une diminution des émissions sonores et une meilleure efficacité
énergétique.
Troisième niveau : l’impact sur le territoire,
les aéroports affectent beaucoup de citoyens.
Parmi les solutions recherchées, il y en a plusieurs à l’intérieur du système. Nous devons travailler plutôt avec une vision horizontale. C’est par exemple le transfert modal de l’aviation vers le train sur les courtes et moyennes distances. Aujourd’hui, je suis venu par le train alors que par le passé je venais en voiture. Le rapport des émissions et des nuisances est favorable au train. Une voie est ouverte, mais ça passe par la modernisation du rail. Si la France a fait des grands pas à l’échelle nationale, de gros obstacles restent dans les franchissements des frontières. Des mesures ont été adoptées en décembre dernier en matière de normalisation, je crois qu’il faut être optimiste. Le lien rail-aéroport a été mentionné. Sur le bruit, il y a aussi quelque chose d’intéressant : j’espère que la Commission va bientôt adopter une proposition de loi pour harmoniser les méthodes de lecture du bruit perçu par le citoyen, et non émis, pour apporter au citoyen une carte européenne de bruit, par exemple une carte du bruit autour de tous les aéroports. L’objectif est aussi d’éliminer la subjectivité des interprétations de l’impact sonore.
En matière d’émissions, mais aussi de bruit,
la mesure de loin la plus importante et efficace, ce sont les mesures fiscales.
Ça ne doit pas être seulement vu de façon négative.
En Suède et dans quelques autres pays, on a déjà adopté
des mesures d’incitation vis-à-vis des avions, mais aussi du transport
maritime, qui sont plus " environmentally friend ". Une gradation de la
fiscalité ou des charges qui soient proportionnelles aux nuisances
apportées par les moyens de transport.
Yves COCHET - Sur ce point, confirmez-vous qu’il
existe un projet de taxe sur le kérosène ?
Roberto SALVARANI - La proposition de directive
existe depuis 1996, et se trouve bloquée par un sérieux obstacle
: la fiscalité aujourd’hui en Europe est encore votée à
l’unanimité. C’est ce qui bloque depuis quatre ans la taxe sur le
kérosène. Sur ce sujet la faiblesse de l’Europe toute entière
tient à ça, pour résoudre les problèmes environnementaux
des transports, et du transport aérien en particulier. La France
qui aura la présidence pendant la période de révision
du traité européen, dans les six prochains mois, peut jouer
la plus grande carte en guidant l’Europe vers une solution à la
majorité qualifiée pour la fiscalité environnementale.
Sinon on peut avoir des dizaines de réunions comme celle-ci, on
ne résoudra rien ou presque, dans les délais qui nous sont
imposés par les engagements internationaux que nous avons pris.
Vis-à-vis des engagements qu’on a pris pour 2002, 2005, 2010, on
n’y arrivera pas sans la fiscalité. (applaudissements nourris)
Jacques LEDUC, Président de l’association
de défense contre les nuisances aériennes (Mandelieu-la-Napoule,
près de Cannes).
Sur ce site aéroportuaire, créé il
y a une trentaine d’années, se trouvait un aéroport d’aviation
générale, le deuxième de France après Le Bourget.
Cet aéroport était essentiellement consacré à
des avions d’aéro-clubs, ou aux avions qui faisaient des tours de
piste afin de montrer la baie de Cannes. Progressivement, cet aéroport
spécialisé dans l’aviation d’affaires a vu son trafic augmenter
dans l’aviation dite de voyage. Mais seuls les petits avions (moins de
13 tonnes de poids spécifique) étaient autorisés.
Progressivement, la CCI et la DGAC ont souhaité diriger vers cet
aéroport le trafic d’aviation d’affaires auparavant dirigé
vers Nice. Des dispositions ont donc été prises vers les
années 1980-95 pour que l’aéroport de Cannes-Mandelieu puisse
recevoir des avions supérieurs à 13 tonnes : allongement
de la piste, déviation de la RN7, développement des infrastructures,
rehaussement de 1,40 mètres du terrain de l’aéroport (situé
dans le lit majeur de la Siagne). Cet aéroport est situé
en plein site urbanisé, la fin de la piste est à 200 mètres
de la mer. L’aéroport est ancien, on pourrait dire qu’il fallait
maîtriser le développement urbanistique, mais à cette
époque-là, on savait que l’aviation d’affaires était
limitée à 13 tonnes.
J’avais questionné la DGAC en 1989-90 pour savoir
si ces rumeurs étaient fondées, on m’avait répondu
: " bien sûr que non ". Lorsque vers 1992-93 une commission consultative
de l’environnement a été constituée, certaines associations
y ont participé. Toute une série d’administrations y sont
représentées (DGAC, CCI, météorologie…), les
municipalités concernées, et on écoute peu les associations,
toujours minoritaires. Aujourd’hui, on est à 80 000 mouvements,
il est question de porter à 160 000 mouvements en hypothèse
moyenne, et à 210 000 mouvements en hypothèse haute. Et cet
aéroport est situé en plein dans la baie de Cannes ! Admettre
un trafic de jets et d’hélicoptères constitue un handicap
que les élus locaux et les associations n’acceptent pas. Quand on
parle de politique d’environnement, il est invraisemblable qu’on accepte
d’envisager un trafic de cette importance sur un terrain situé en
pleine baie de Cannes. Actuellement, une fronde se manifeste, j’ai été
reçu par M. Marest, conseiller spécial du ministre des Transports.
Admettre en pleine baie de Cannes le développement d’un aéroport
de cette importance, c’est une hérésie fondamentale.
Roger VAYRAC, Président de l’UFCNA (Union française
contre les nuisances des aéronefs), également membre
du Conseil national du bruit, de la Commission nationale de prévention
des nuisances, et des commissions consultatives et d’aide aux riverains
d’Orly.
Ma question s’adresse aux parlementaires. C’est une question
en forme de constat. À Orly, en 1994, le ministre de l’Equipement
de l’époque a pris un arrêté limitant à 200
000 le nombre de mouvements sur cette plate-forme. L’arrêté
précisait qu’on pouvait avoir 250 000 créneaux, 20 % n’étant
pas exécutés. Aujourd’hui, cet objectif n’est pas tenu -
on avoisine les 250 000 mouvements - et le nombre de créneaux est
quasiment égal au nombre de mouvements. À Roissy, il y a
moins de trois ans, comme l’a souligné M. Vallet, lors de l’enquête
publique, on a fixé l’objectif pour 2010 à 495 000 mouvements,
et à 55 millions de passagers. Le premier objectif est déjà
atteint ou presque, et en nombre de passagers, il sera atteint en 2002-2003,
et non pas en 2010.
Ce n’est pas en trois ans qu’on va construire une nouvelle
plate-forme. Je ne demande pas qu’elle soit construite à Beauvilliers,
ce n’est pas le rôle des associations de choisir le lieu. Mais nous
estimons pour notre part que c’est trop près de Paris. Que se passera-t-il
en 2003 en Ile-de-France ? La plupart des associations qui suivent le problème
de près, dont un certain nombre sont présentes aujourd’hui,
en sont convaincues : soit les paroles de M. Gayssot ne seront pas tenues
; soit on continuera, c’est-à-dire qu’on montera à 800 000
mouvements d’avions et à pratiquement 80 millions de passagers,
soit on déplafonne Orly, ce que les riverains craignent actuellement
(à travers la rédaction ambiguë de la charte), soit
on jouera sur les deux tableaux. Les riverains se sentiront une nouvelle
fois bernés par les élus. On souhaiterait avoir des élus
responsables qui nous disent la vérité. Un Etat qui ne tient
pas les engagements de ses ministres successifs, n’est pas un Etat démocratique.
On se dit une démocratie avancée.
La mise en garde que je formule (sans qu’elle soit coercitive)
est la suivante : vous avez aujourd’hui dans les associations des gens
citoyens, démocrates, qui respectent la chose publique et ce qui
est décidé par les gouvernements, mais demain, si rien ne
change, tous les problèmes se régleront dans la rue, et ceci
n’est pas admissible dans une démocratie. Il faut agir de manière
responsable, dire la vérité aux Français, ils sont
capables de l’entendre. Demain en Ile-de-France, le trafic va exploser,
rien n’est prévu pour y faire face, et les riverains paieront une
fois de plus les pots cassés.
Gérard BRULÉ, Président de l’association
Airpur (aéroport interdit par résidents paisibles unis
pour un référendum).
Je suis à la fois Parisien et habitant d’Eure-et-Loir.
Je réside à Nanterre, et aussi pas très loin de Beauvilliers,
et je ne veux pas d’un aéroport là-bas. On a beaucoup parlé
de l’environnement, des nuisances sonores et des rejets dans l’atmosphère.
J’ai développé cette idée dès que j’ai entendu
parler de Beauvilliers : on ne peut plus installer les plates-formes au
milieu des terres, le problème reviendra à la campagne, ça
s’urbanisera autour. Au niveau nuisances, il faut une plate-forme off-shore,
que je situerais au large de Nantes. C’est aussi une question d’aménagement
du territoire. Des études sérieuses ont-elles été
menées sur un tel projet ?
Etienne TÊTE, Conseiller régional
Sur la fiscalité de la TVA et de la TIPP, le régime
dérogatoire n’est pas le seul problème qui se pose. À
Satolas, il n’y avait aucune subvention. Aujourd’hui il y a de plus en
plus d’avions et de subventions pour que l’aéroport marche. Sur
le prochain plan de mandat de 3,8 milliards, il y a 26 % de subventions
publiques. J’ajoute que les taxes sont très insuffisantes : 3 Frs
par passager ; taxes pour atterrissage : 208 Frs pour un 22 tonnes ; redevance
pour le stationnement : 1,48 Fr la tonne. Ma question s’adresse à
M. Salvarani : 1. Est-il logique de subventionner des aéroports
qui sont des services industriels et commerciaux ? 2. Quelles marges de
manœuvre sur la TVA et la TIPP pour augmenter la taxe passager : de 3 Frs
à 30 Frs ou 300 Frs, ou les redevances de stationnement, qui sont
dix fois inférieures à celles des automobiles, ramenées
à la tonne ?
Jacques PICARD, Conseiller municipal de Corbeil-Essonnes
et porte-parole des Verts de l’Essonne.
Le champ politique, c’est de poser des questions et les
restituer à la société pour en débattre. Les
conflits sur les trajectoires d’avion se font de plus en plus importants
dans mon département. Par ailleurs, nous venons de vivre un chantage
à l’emploi à Orly, provenant des plus hautes sphères
de l’Etat. Sur la demande, si j’ai bien compris M. Salvarani, nous sommes
sur un bateau fou, nous assistons à une croissance incontrôlée
qui serait celle du marché, et nous conduit à ne pouvoir
respecter nos engagements sur l’effet de serre.
Cette interrogation est de plusieurs ordres. 1. La question
du besoin de temps. Existe-t-il une étude de philosophie du temps,
ou sur la contraction du temps, qui pose des limites à la demande
de gain de temps dans les transports ? 2. Sur le pouvoir du politique d’intervenir
sur la demande et non pour réparer le marché. Vous avez indiqué
que logiquement, nous ne devrions plus avoir des transports aériens
pour des distances inférieures à 600, 700 ou 800 km. De quels
outils se dotent les pouvoirs publics aujourd’hui pour y parvenir plus
rapidement ? 3. Toujours sur la demande, je ne trouve nulle part des textes
qui prouvent qu’il est logique de répondre à une demande
de transport par air de machines à laver, ni de textes qui me disent
qu’il est logique de transporter des machines à laver ou des radios
à 300 km/h dans des TGV. Comment peut-on intervenir sur les flux
tendus ? Il n’y a pas un ordre de nature qui ferait que les marchandises
devraient, de plus en plus, être transportées en temps réel,
sauf une logique folle du marché. Certaines personnes pensent aujourd’hui
une philosophie des taxations sur les transactions de capitaux ; toute
comparaison relativisée, ne faut-il pas s’interroger sur l’intervention
du politique en amont sur la notion de flux tendus, qu’imposent les lois
du marché, avec des contraintes écologiques et environnementales
de plus en plus insupportables, et qui amèneront les pouvoirs publics
à agir un jour ou l’autre, sous une pression plus forte probablement.
Maurice LE CALVEZ, Elu municipal (Vert) à Tremblay-en-France.
Je précise que Tremblay-en-France est la commune
la plus détentrice de l’aéroport de Roissy. Ma première
question porte sur la modification du plan d’exposition au bruit (PEB)
et du plan de gêne sonore (PGS). On constate des balbutiements, et
déjà des élus de la petite ceinture réclament
des dérogations. On parlait de démocratie, comment le citoyen,
le riverain de Roissy saura si réellement ce PEB et ce PGS sont
véridiques ? N’y aura-t-il pas eu des magouilles pour qu’on puisse
toujours construire autour des pistes ? Des projets d’urbanisme ont été
faits, et on veut les pousser jusqu’au bout malgré les contraintes
qui nous ont été présentées comme des mesures
compensatoires lors du doublement des pistes.
Deuxième remarque : vous parliez de sanctions.
Tremblay a aussi l’inconvénient d’avoir les gênes sonores
de l’aéroport du Bourget, et ce sont des petits appareils, qui sont
encore au chapitre 2, voire 1. Selon l’excellent journal d’ADP (Entre
Voisins), qui est très intéressant, on comptabilise environ
une dizaine de sanctions, concernant les petites dérives, par mois
au maximum. Je peux témoigner, en tant que représentant d’une
association qui veille à ce problème, que les petites entorses
sont fréquentes. On nous a dit que c’était un problème
de parallaxe : qu’on voyait l’avion au-dessus de nous alors qu’il était
très loin, alors que c’est faux. Ne pourrait-il y avoir un contrôle
du citoyen à ce sujet ?
Enfin, nous avons eu le doublement des pistes, et l’on
n’entend plus parler de la piste 5. On nous dit que la piste du Bourget
était la 5e piste. Et puis certaines personnes, bien
placées à Roissy, nous affirment que le dossier de la 5e
piste n’est pas enterré, qu’il est " sous le coude ". Cela fait
l’objet de ma troisième question.
Louisette MAYEREAU, Les Verts de Pyrénées-Atlantiques.
Je suis, en ce qui me concerne, plus préoccupée
par les transports routiers et ferroviaires qu’aériens. J’ai entendu
dans les propos d’Yves Cochet deux mots majeurs : dérégulation
(donc désordres) et augmentation des vols, et moindre augmentation
des passagers. On promène des camions à moitié vides,
et aussi des avions à moitié vides ? Devons-nous absolument
être à deux ou trois endroits dans la journée ? Est-il
indispensable à la vie française de se déplacer dans
tous les coins de la planète et de l’hexagone ? Il faut également
réguler le transport de marchandises, qui devient de plus en plus
important. Prenons en exemple l’initiative de Dominique Voynet : quand
ça va trop mal, on fait une ville avec moins de voitures, et le
lendemain, on s’aperçoit que tout va beaucoup mieux. J’aimerais
qu’on fasse la même chose avec le transport aérien, qu’on
s’aperçoive qu’il y a moins de bruit, moins de pollution, et qu’on
peut mener son travail tout aussi bien partout.
Daniel LACAMBRE, responsable
de communication de l’UFCNA.
Première remarque : " Entre Voisins " est un journal
de propagande pure et simple. Ma deuxième remarque s’adresse à
M. Graff : êtes-vous d’accord avec nos chiffres : 5 000 avions journaliers
atterrissent et décollent en Ile-de-France, sur 50 km de rayon ?
Si vous acceptez les chiffres, à quel niveau pensez-vous que l’Ile-de-France
sera saturée ? 10 000, 15 000, 25 000 avions/jour ? Sachant que
l’augmentation des mouvements aériens augmente les risques d’accident
aérien, en tant que responsable de l’aviation civile, assumez-vous
la responsabilité du crash d’un avion sur les riverains ? Quelle
sera votre responsabilité à ce moment-là ?
Mme LERICHE, Présidente de l’Association " Ezanville, mon village " (Val d’Oise).
Premier constat : toujours aucune solution aux problèmes
d’environnement, de bruit, de gêne. Deuxième constat : vous
parlez d’urbanisation. En plaine de France, il y a 11 sites, des entrepôts,
mais aussi des maisons, 1 000 habitants sont attendus à Ezanville,
enquête publique en septembre, la zone à urbaniser est en
plein sous les lignes, les avions arrivent les uns derrière les
autres. Ce n’est pas décent de proposer ce type de logement. On
propose de l’argent aux habitants pour s’insonoriser, mais des jours comme
aujourd’hui, je ne vois pas les gens enfermés chez eux. La vie,
c’est aussi dehors. L’argent n’achète pas tout, l’argent n’achète
pas une qualité de vie…
M. Pierre GRAFF - Certaines questions m’étonnent
par leur naïveté. Une question m’a cependant beaucoup intéressé,
celle posée par un habitant de Corbeil. Nous sommes dans un système
de totale liberté, nous sommes dans la règle du marché,
ne demandez pas ensuite à ceux qui appliquent de changer de politique.
Effectivement, on a dérégulé. Le citoyen que je suis
est convaincu qu’on re-régulera, en commençant par des incitations
économiques. Pourquoi ? Peut-être parce que c’est efficace,
mais surtout parce que c’est plus " dans le vent ", dans l’atmosphère
libérale, et on reviendra aussi à des régulations
réglementaires. Quand ? Je n’en sais rien. Mais le problème
politique que vous soulevez, il est là. On a voulu la liberté
dans l’aviation, on l’a. Monsieur Leduc (de Cannes) disait qu’il est scandaleux
de voir arriver des avions de plus en plus gros. Mais au nom de quoi interdirait-on
ces avions ? Aucun texte en France n’interdit ces avions et rien aujourd’hui
ne permet d’interdire les avions ou les jets… C’est un débat politique
de fond : veut-on revenir à quelque chose de régulé
? Si la réponse est oui, il faut en débattre, il faut aussi
convaincre les Etats-membres de l’Union. On n’a pas les moyens d’arrêter
ces avions. Le seul choix pour le gouvernement français, c’est de
savoir si ces avions se posent à Nice ou à Cannes.
Pour Orly, 250 000 créneaux, il n’est pas question
d’y toucher, malgré des sollicitations contraires (notamment parmi
les élus locaux). Pour Roissy : 55 millions de passagers. Quant
à la 5e piste, il n’y a pas de 5e piste à
l’étude, nulle part.
Dernier point concernant les risques. On ne peut pas dire
tout et n’importe quoi. Le système de contrôle aérien
français est prévu pour que l’augmentation du trafic ne se
traduise en rien sur la charge du contrôleur aérien. Une équipe
de contrôle est en mesure de gérer simultanément entre
15 et 20 avions. Pour qu’ils dépassent ce mur de capacité,
il faudrait modifier profondément la technologie ou leur procurer
une assistance par ordinateur qui dépasse largement ce qu’on sait
faire aujourd’hui. Tout le système est organisé, quel que
soit le trafic, pour que la charge de chaque contrôleur aérien
qui gère un volume d’espace reste celle-là. L’ensemble des
plans de vol au niveau européen est compilé à Bruxelles,
ces plans de vol sont comparés aux capacités disponibles
sur les routes aériennes utilisées. Si les capacités
de charge que chaque contrôleur peut supporter sur son secteur sont
compatibles avec la somme des plans de vols, l’avion peut partir. Sinon,
l’avion reste au sol, ce sont les fameux retards. Effectivement, le trafic
s’accroît, la capacité du trafic aérien s’accroît
dans une certaine mesure, en général moins vite, et l’ajustement,
pour ne pas compromettre la sécurité, se fait sur la régulation
en temps réel par cet ordinateur situé à Bruxelles
(qui s’appelle la CFMU), et consiste à réguler au sol les
avions, d’où un quota considérable de retards, qui s’accroît.
Quand Mme de Palacio dit vouloir faire le " single sky ", je suis d’accord
avec la priorité indiquée par M. Salvarani, c’est une façon
de rendre le système plus fluide, cela augmente les capacités,
mais ne diminue pas la pollution.
Yves COCHET – Les questions posées n’ont
malheureusement pas toutes obtenu de réponse. Je mesure les frustrations,
mais nous sommes tenus par des contraintes d’horaires.
Animée par Marie-Hélène Aubert
Députée d’Eure-et-Loir
Quel aménagement durable du territoire face aux enjeux de la mondialisation et à la croissance des flux de transports ?
Marie-Hélène AUBERT-
La seconde table ronde sera plus spécifiquement consacrée
à l’aménagement du territoire, face aux enjeux de la mondialisation,
ou plutôt de la libéralisation, et donc à la croissance
induite du transport aérien. Pour ma part, je note que beaucoup
de solutions peuvent être trouvées au niveau européen,
mais pas seulement, et que nous avons donc besoin, de façon urgente,
d’une réforme des institutions européennes, et de plus d’Europe.
Certes, ceci est un autre débat, mais c’est une partie du problème
et de la solution. Je note aussi une contradiction majeure entre une Commission
européenne qui a poussé à la libéralisation
accrue des échanges, et en même temps qui se fait le héraut
(et nous nous en réjouissons) de la lutte pour freiner le réchauffement
climatique.
Le mot régulation est revenu plusieurs fois, c’est
un mot-clé : régulation en fonction de critères économiques,
sociaux et environnementaux, et critères d’aménagement du
territoire.
Paul LANNOYE, Président du
groupe Vert au Parlement européen.
La Belgique a une particularité, la densité
de sa population, et le grand nombre de ses aéroports. La problématique
des nuisances dues à l’aviation civile est, en conséquence,
très aiguë chez nous. Une part importante de la population
belge est concernée dans sa vie quotidienne, en particulier par
le bruit, ce qui a provoqué un débat très animé
sur l’aéroport international de Bruxelles, de plus en plus congestionné.
Ce débat a amené le gouvernement à prendre une position
intéressante, à propos des vols de nuit (la plus grande des
nuisances en termes de bruit) : " Il est préférable de résoudre
le problème des vols de nuit sur le plan européen. " Pour
un petit pays, c’est assez compréhensible, cela permet de dégager
en touche et de ne pas prendre de décision au niveau national. Le
gouvernement ajoute : " D’une part, les sociétés établies
dans un pays qui prend l’initiative de renforcer les mesures ne peuvent
plus être chassées par des sociétés concurrentes
d’un autre pays moins regardant. D’autre part, le danger de délocalisation
est évité. C’est pourquoi la Belgique devrait lancer, sur
le plan gouvernemental, une offensive européenne solidaire auprès
de la Commission et arriver à terme à une interdiction complète
des vols de nuit. " C’est une prise de position qui est intéressante
pour les années qui viennent.
Je vais surtout vous parler de politique européenne et, notamment, des relations entre les différentes institutions. La révision du traité européen n’est pas totalement un autre débat : on a vu tout à l’heure à quel point le fonctionnement des institutions européennes pouvait être un obstacle à une prise de décision, notamment en matière fiscale où des mesures s’imposent de manière urgente pour le transport aérien.
Le thème de la seconde table ronde concerne le
développement durable, l’aménagement du territoire et le
transport aérien. Je ne connais pas suffisamment la situation de
l’aménagement du territoire en France, mais je peux vous parler
de développement durable, et des mesures nécessaires pour
réguler le transport aérien. On ne peut pas accepter une
dérégulation telle que celle menée actuellement. On
va dans le mur, il faut donc re-réguler.
Le concept de développement durable est de plus
en plus nébuleux, tout le monde en parle en lui donnant le sens
qui lui convient. Le béton est un matériau durable. Je ne
suis pas sûr qu’on pense au béton quand on pense à
" durable ". Des économistes, dominants dans les prises de décision
politique, ont donné des critères. L’un de ces critères
est que l’émission de polluants soit absorbable par l’environnement.
On est loin du compte pour le transport aérien, plus encore si on
regarde l’évolution prévue. Selon toutes les prévisions,
le transport aérien devrait entraîner trois fois plus de rejets
de NOX en 2010 qu’en 1990. Même chose pour le CO2. Où
est la compatibilité entre ce développement du transport
aérien et les objectifs de Kyoto, qui visent à réduire
de 8 % les rejets de CO2 en 2010 par rapport à 1990 ?
Bien sûr, le transport aérien n’est pas le seul paramètre,
mais c’est un paramètre important.
En ce qui concerne les nuisances en matière de
pollution atmosphérique et de bruit, on est donc dans une tendance
incompatible avec d’une part, les engagements internationaux et, d’autre
part, l’objectif de développement durable. Une étude publiée
il y a trois mois comparait les coûts moyens pour le transport de
personnes selon les différents modes de transport. L’avion pour
les transports à moyenne et longue distance, c’est 2,4 fois plus
de coûts indirects que le train pour les personnes, et 10 fois pour
les marchandises. Le transport aérien apparaît donc, aussi
bien pour les personnes que pour les marchandises, le mode le plus polluant,
et le plus générateur de coûts indirects. Coûts
indirects qui sont payés de toute manière, soit en termes
de santé publique, soit en termes de finances publiques, soit en
termes de destruction de l’environnement.
Tout cela plaide pour une révision de l’absence
de politique actuelle. Il faut commencer à se doter d’outils de
maîtrise de ce développement. Il faut avoir le courage de
dire qu’on ne pourra pas continuer une croissance infinie. Il y aura des
progrès technologiques, mais il y a une limite physique. Il faut
aussi se placer dans cette perspective lorsqu’on envisage l’aménagement
du territoire. Ce n’est pas la peine de concevoir des aéroports
qui vont soi-disant accueillir des activités croissantes dans les
20 ou 30 ans à venir si, au niveau global, on se rend compte qu’on
est déjà un peu trop optimistes. C’est important aussi, indirectement,
en matière d’aménagement du territoire.
Comment maîtriser ce développement ?
1. Transférer vers le train, c’est clair. C’est
plus rapide pour venir de Bruxelles, par exemple. Pour les moyennes et
les courtes distances, il est absurde de prendre l’avion.
2. Développer le caractère multimodal des
transports.
3. Agir sur le volume des transports. Certains transports
sont inutiles, il n’y a pas une fatalité du développement
du volume des transports. Il faut s’interroger sur la pertinence du " just
in time ", du flux tendu. Il existe une dictature du marché qui
passe par des choix absurdes, dus au faible coût global des transports.
Les stocks se font sur les camions et dans les avions. C’est absurde. Il
faut trouver des outils économiques et réglementaires qui
découragent ce genre d’attitude.
Une taxe est un bon outil dans une économie de
marché. La taxe sur le kérosène s’impose, mais on
va se trouver confrontés à la pression de l’OACI, et cela
peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement de l’aviation
civile, et risque donc d’être mis en difficulté par des accords
internationaux. Je crois qu’il faut adopter cette mesure, même de
manière unilatérale, quitte à avoir des difficultés
au niveau international. Si l’Union européenne ne prend pas d’initiatives,
si on attend toujours que le plus lent s’accorde avec tous les autres,
on ne bougera pas. On le voit dans le domaine des " hushkits " (système
d’insonorisation des vieux avions). L’Europe a décidé d’éliminer
les avions du chapitre 2, même moins bruyants et moins polluants.
Une technologie américaine a permis de les réhabiliter plus
ou moins, de les rendre moins bruyants et moins polluants, tout en étant
quand même plus bruyants et plus polluants que les nouveaux. Le conflit
est donc ouvert entre Union européenne et Etats-Unis, qui menacent
de nous attaquer devant l’OACI, voire devant l’OMC pour perturbation du
marché, car ce sont eux qui fabriquent le hushkit, et ils veulent
" revalider " environ 2 000 avions périmés, qu’on pourrait
retaper pour la revente. L’Union européenne, jusqu’à ce jour,
a hésité entre la position dure et molle, et a finalement
opté, pour l’instant, pour la position dure. Le débat devrait
avoir lieu en septembre 2001 devant l’OACI.
Améliorations technologiques : elles sont très
lentes, car le parc d’avions est déjà important et ne se
renouvelle pas très vite. L’industrie freine pour ne pas renouveler
trop vite son parc. Il faut des pressions économiques et politiques
: taxe sur le kérosène, mais aussi taxes aéroportuaires,
à différencier selon le bruit des avions. En matière
de réglementation, on a là aussi besoin de décisions
au niveau européen, d’une législation européenne sur
le bruit. Si on se contente d’adopter des législations nationales,
la peur de la concurrence des voisins fait qu’on ne bouge pas. L’initiative
de Dominique Voynet d’essayer de débloquer le dossier du bruit au
niveau européen est très bonne, elle doit s’accompagner de
mesures au plan fiscal, au plan européen, qui touchent notamment
le transport aérien.
Marie-Hélène AUBERT - Transition
avec la problématiques des nouvelles infrastructures. Sont-elles
nécessaires ? Si oui, dans quel cadre ? Où faut-il les mettre
? Sous quelles conditions ces infrastructures sont-elles acceptables aux
trois points de vue : économiques, sociaux, écologiques,
aménagement du territoire. C’est ce travail qu’a mené le
CESR de la région Centre, concernant l’implantation d’un aéroport
à Beauvilliers, en Eure-et-Loir.
Pierre TROUSSET, Président
du Conseil économique et social régional de la région
Centre.
Travail fait dans la mouvance de la sortie du rapport
Douffiagues, et de la décision du doublement des pistes de Roissy.
Bien qu’ayant pris parti dans ce débat, le président de notre
région n’avait pas souhaité organiser un débat au
Conseil régional avec vote. Nous avons donc pris l’initiative de
nous saisir de ce dossier et d’organiser un débat public au CESR
en 1996, après de larges auditions (pouvoirs publics nationaux,
régionaux, locaux, le maire de Lyon, Air France, ADP, IATA, associations,
acteurs économiques…). Ce rapport posait toute une série
de questions, que je résume :
1. La concentration sur Paris de la quasi-totalité
du trafic international hors Europe est-elle une fatalité ? Aurons-nous
une seule porte d’accès au monde, contrairement à ce qui
se passe dans d’autres pays européens (4 en Allemagne, 2 en Espagne,
en Italie ou au Royaume-Uni). Allons-nous pénaliser une partie importante
du territoire et une majorité de la population ? Y aura-t-il enfin
une volonté politique permettant d’assurer une véritable
desserte équilibrée du territoire français ?
2. Nous demandions (lettre de mission de Bernard Bosson
à Jacques Douffiagues) la mise à l’étude d’un processus
de redéploiement sur les aéroports de province et qu’on lance
de toute urgence, non seulement une réflexion, mais aussi les moyens
permettant d’assurer le développement d’une ou deux plates-formes
de province. C’était en 1996, on avait déjà pris beaucoup
de retard.
3. La complémentarité des modes de transport.
Faire en sorte qu’au lieu de concurrence entre modes, il y ait une véritable
complémentarité, intermodalité fer-air, mer-air.
4. Quelle est la réelle capacité de développement,
de croissance, des deux plates-formes parisiennes (et nous souhaitons qu’on
nous dise la vérité) ? Plus personne ne croit aux 55 millions
de passagers, et d’ailleurs cela ne veut rien dire : c’est le nombre de
mouvement d’avions qui est important et le problème du niveau global
de bruit et du niveau d’acceptabilité. Enfin, le doublement des
pistes, des infrastructures, les investissements importants faits à
Roissy, les prolongements des terminaux, l’évocation d’un troisième
terminal conduit conjointement par ADP et Air France, la liaison ferroviaire
nouvelle qui n’a fait aucune difficulté entre le centre de Paris
et Roissy : qui pourrait croire aujourd’hui que ces investissements sont
faits pour limiter Roissy à 55 millions de passagers, alors qu’on
y est déjà pratiquement arrivés ? On sera à
48 millions en 2000, je n’ose pas dire quand on franchira le cap des 55
millions. Cette question n’est pas neutre.
5. La position des compagnies aériennes. On a cru
comprendre qu’elles n’étaient pas favorables à un troisième
site à proximité de l’Ile-de-France, qu’elles avaient déjà
beaucoup de problèmes avec deux plates-formes, qu’elles demandaient
essentiellement à ADP d’améliorer l’accessibilité
de ces deux plates-formes, et qu’il y avait beaucoup de choses à
faire dans le domaine de la gestion, avant de les amener à envisager
une gestion sur trois plates-formes. Certains nous ayant fait un chantage
: si on les empoisonnait, ils iraient ailleurs. Mais la situation sur les
autres plates-formes européennes n’est pas plus simple.
6. Eventualité de la réservation du site
(c’était dans la lettre de mission). Qu’il y ait une véritable
transparence, une véritable concertation de l’ensemble des acteurs,
et des populations concernées. Nous manquons de transparence dans
ce pays. Mesdames et Messieurs les représentants du peuple, il faut
associer votre représentativité, tirée du suffrage
universel, par une véritable organisation du débat et de
la transparence sur le plan local lorsqu’il s’agit d’opérations
de cette importance. Que les problèmes d’acceptabilité, qui
sont parfois de nature impondérable, puissent être évoqués
à l’occasion de ces concertations, en dehors bien sûr des
problèmes de maîtrise de l’urbanisme, et que soient mis en
place enfin les instruments permettant d’éviter les errements connus
sur des sites précédents. De nouveaux outils, telles les
directives territoriales d’aménagement (DTA) peuvent se prêter
à cette maîtrise de l’urbanisme à long terme.
7. Enfin, cette mise en opération, au-delà
de la réservation d’un site, s’accompagnerait-elle de la fermeture
d’un site existant ? C’est une question posée.
Ces questions sont posées depuis quatre ans. Depuis
quatre ans, Roissy explose, rien n’a été fait sur la province,
vers l’extra-européen, hormis une ligne Lyon – New York. Est-ce
à la hauteur de l’enjeu et de l’ambition ? Les études de
faisabilité du troisième site existent peut-être, mais
elles sont dans les bunkers des services techniques. C’est inquiétant,
au moment où notre pays s’apprête à engager une large
concertation sur les schémas de services collectifs. Y aura-t-il
une réflexion suffisante ? Les études évoquées
ont-elles été menées de façon suffisamment
fine pour que les schémas de services collectifs, qui seront des
dispositions réglementaires permettant de mettre en place le développement
des infrastructures aéronautiques dans notre pays, soient faits
avec sérénité ?
Emmanuelle ROGGERI, Les Amis de la Terre.
Nous relayons depuis deux ans la campagne européenne
pour le " vrai prix du transport aérien ", lancée il y a
quatre ans par les Amis de la Terre Europe. Nous sommes la seule ONG à
s’inquiéter du problème de la croissance des émissions
de gaz à effet de serre liées au transport aérien.
Nous travaillons à la sensibilisation des associations locales à
ce problème.
La question que je me pose est la suivante : qui aujourd’hui
façonne le paysage du transport aérien ? Qui est à
l’origine de l’aménagement du territoire en matière du transport
aérien ? Depuis la déréglementation, ce sont les compagnies
et les gestionnaires des aéroports. Compte tenu de tout ce qui a
été dit auparavant, doit-on laisser faire les acteurs économiques
du transport aérien, au nom d’une sacro-sainte économie de
marché et d’une demande croissante de loisirs ? Ou doit-on mettre
en place une politique de régulation qui conduise à une maîtrise
du trafic aérien ? C’est le champ de la réflexion du débat
qui nous réunit aujourd’hui.
Laisser faire les acteurs économiques du transport
aérien, c’est ignorer les engagements souscrits par la France dans
la convention sur les changements climatiques : stabilisation au niveau
de 1990 dans la période 2008-2012. Rappelons que la convention sur
les changements climatiques n’a pas pris en compte les émissions
internationales dans le calcul des droits à émissions. C’est
un gros problème, qu’on n’a toujours pas réussi à
résoudre lors des derniers COP. Le transport aérien émet
autant que la Grande-Bretagne en CO2, dont la moitié
pour le trafic international, donc il faudra bien l’inclure dans la convention.
Je rappelle une étude faite par le GIECC (Groupement
international des experts sur le changement climatique), qui énonce
que le niveau des émissions du transport aérien correspond
actuellement à 13,7 % des émissions anthropiques, et risque
de passer à 15 % en 2050, selon le scénario optimal.
Lionel Jospin avait annoncé 96 mesures pour lutter
contre l’effet de serre, mais rien sur le transport aérien, sauf
pour dire que l’édiction d’une taxation devra se faire au niveau
de l’OACI, et il faut attendre 2001 pour que l’OACI intervienne. Le problème
existe réellement. Le transport aérien est le grand oublié
des politiques de lutte contre les émissions de gaz à effet
de serre.
Laisser faire les acteurs du transport aérien,
c’est ignorer la mise en place, en France, d’une démocratie participative
grandissante. L’utilité publique n’est plus décrétée,
elle émerge d’un débat public, d’une concertation, d’une
enquête publique. Or en matière de transport aérien,
il y a enquêtes publiques et concertations lorsqu’il y a projet d’infrastructure.
Mais en définitive, les avant-projets de plan masse pour définir
l’emprise future des pistes, ne font toujours pas l’objet d’une concertation
préalable. On se rend compte que des modifications d’activités
au niveau des aéroports (installation des hubs, activités
de fret) ne font toujours pas l’objet de concertation. Ceci est lié
aux législations applicables aux enquêtes publiques : seule
l’infrastructure fait l’objet d’un débat public. Dès qu’il
y a modification des activités au sein d’un aéroport, on
doit pouvoir en débattre avec le public, il faut réformer
la législation sur l’utilité publique et la concertation
en ce sens.
On ne peut plus laisser faire les acteurs du transport
aérien. Il faut définir une politique de régulation
du transport aérien qui conduise à la maîtrise du transport
aérien.
Un premier tournant aurait pu être l’élaboration
des schémas de services collectifs. L’élaboration de ces
schémas, prévus par la loi d’orientation pour l’aménagement
et le développement durable du territoire, doit privilégier
l’approche par les besoins globaux, tous modes confondus, plutôt
que l’approche par offre modale. Cette élaboration doit se faire
en concertation avec les acteurs économiques, les élus et
les associations représentatives. En réalité, sur
les courtes et moyennes distances, il ne peut y avoir de réflexion
sur les besoins globaux, dans la mesure où le transport aérien
est organisé en hub. Le trafic des villes de province est orienté
vers une ou plusieurs plates-formes de correspondance, qui accueille des
vols vers l’international. Le paysage du transport aérien est façonné
par les compagnies et par la logique économique des compagnies et
leurs économies d’échelle.
1. Néanmoins, cette éventuelle 3e
plate-forme devra être l’occasion d’un débat public, à
l’échelle nationale et pas seulement locale. Cette discussion devra
porter sur les alternatives possibles à l’augmentation du trafic,
sur les possibilités d’une intermodalité rail-air, sur les
moyens de plafonner la croissance du trafic pour éviter la saturation
des plates-formes.
2. Il faut que l’Etat mette fin aux subventions directes
et indirectes : taxation sur le kérosène, subventions aux
aéroports. Nous soutenons l’introduction d’une redevance européenne
sur le kérosène. Il faut également que les subventions
octroyées aux aéroports soient supprimées. Exemples
: le Conseil régional Rhône-Alpes octroie une subvention de
20 millions de francs à l’aéroport de Satolas, alors qu’il
n’est pas déficitaire ; 15 millions de travaux sont prévus
sur l’aéroport d’Avignon, dont 12 pris en charge par l’Etat, or
il n’y a aucune raison pour que cet aéroport se développe,
à proximité de Montpellier, Nîmes, Marseille… Les gestionnaires
d’aéroports ont une logique qui consiste souvent à mettre
la charrue avant les bœufs : suffit-il d’avoir les pistes pour avoir les
compagnies ? Quand bien même une compagnie ou une entreprise de fret
s’engagerait à s’installer sur un aéroport, ne pourrait-on
mener auparavant un bilan coût-avantages pour la collectivité
et l’environnement, en termes fiscaux, mais aussi de santé publique
et de détérioration du cadre de vie.
Je reviens sur les points de la campagne des Amis de la
Terre. Le grand titre de notre intervention, c’est : " moins d’avions,
plus de régulation publique du transport aérien ". Moins
d’avions, plus de matière grise au niveau des politiques pour limiter
le transport aérien. Nous sommes, comme vous, contre les vols de
nuit, pour la fin des subventions aux aéroports, lamise en place
rapide d’une taxation européenne et, bien sûr, par l’OACI,
le transfert vers le rail sur les courtes et moyennes distances et, à
terme, la définition au niveau national d’un nombre limité
de créneaux horaires attribués sur l’ensemble du territoire.
Parce que nous pensons que seule la contrainte peut apporter un véritable
engagement et, à terme, des solutions. Et comme le rappelait M.
Lannoye, la maîtrise de la mobilité.
Marie-Hélène AUBERT - Il ne faut
pas laisser les acteurs économiques gérer le transport aérien,
dites-vous. La transition est toute trouvée.
Yves COUSQUER, Président d’Aéroports
de Paris (ADP)
Je ne sais pas si ADP est un acteur prédominant
ou non du transport aérien, peut-être moins que les compagnies
aériennes. Mais c’est vrai que les deux ont partie liée,
je n’échapperai donc pas à cette responsabilité collective
des acteurs du transport aérien.
Le transport aérien croît plus vite que l’économie,
4 à 5 % par an sur 30 ans, c’est à peu près le double
de la croissance économique. Combien de temps cela peut-il durer
? Dans les années 60, on doublait la consommation énergétique
tous les 10 ans. Ceci est révolu. Jusqu’à quand peut-on extrapoler
la croissance du transport aérien ? Je n’ai pas de réponse.
Il y a des horizons éloignés pour lesquels l’extrapolation
ne fonctionne pas. C’est une question que je me pose en tant que responsable
d’aéroport, comme chacun dans cette salle. Pas simplement pour éviter
les nuisances, mais parce que j’ai une responsabilité à la
fois économique et sociale.
Je partage ce qui a été dit par maintes
personnes : nous avons collectivement besoin de renouveler notre pensée
sur la manière d’équilibrer des soucis qui sont d’ordre différent,
qui sont ceux de l’aménagement du territoire, d’un développement
respectueux de son environnement (ce qui est la manière de durer),
qui sont les préoccupations du marché, car nous sommes dans
une économie dominée par des mécanismes, tout en recherchant
de nouvelles formes de régulation.
Dans ces domaines, les aéroports ont un rôle
à jouer dans un système dont ils sont partie prenante. Que
nous apprend notre histoire ? Les choix aéroportuaires sont des
choix de long terme. Les premières idées de Roissy (Paris
Nord), sont nées à la fin des années 50, début
60, pour diverses raisons : la croissance des terrains pour l’urbanisation
de la région parisienne conduisait un certain nombre à rechercher
les terrains du Bourget. Dans le même temps, Orly Sud n’était
pas encore mis en service mais les responsables d’ADP anticipaient la saturation
d’Orly à 9 millions de passagers (il en est passé 30 millions,
il en passe aujourd’hui 25 millions), ainsi que la croissance du transport
aérien. Derrière le Concorde, qui était sur la planche
à dessin, ils anticipaient une deuxième génération
de supersoniques. Il est éclairant de lire le discours du directeur
général d’ADP en 1963, dans lequel il décrit ce que
sera Roissy. Où est l’erreur entre les 9 millions pour la saturation
d’Orly et les 25 millions qui passent aujourd’hui ? Essentiellement sur
l’emport moyen puisqu’on raisonnait sur un nombre de 50 passagers par avion.
Sur la capacité à terme de Roissy et d’Orly, la question
principale est toujours l’emport moyen sur lequel on raisonne. Quelle est
la demande de transport, et comment le système complexe des aéroports
et des compagnies aériennes répond à cette demande
?
1. On constate une grande inertie, des décisions
prises sur des prémisses qui peuvent être fausses sont très
structurantes. C’est dès cette époque qu’on a réservé
les terrains de Roissy. Après son ouverture en 1974, il a vécu
sa vie, avec des évolutions d’usage importantes. Vous avez souhaité,
Madame, que, au-delà des enquêtes publiques sur les infrastructures,
il y ait débat sur les évolutions d’usage. Il y a eu beaucoup
d’évolutions d’usage. Quand on a conçu Charles-de-Gaulle
2, c’était dans le contexte de deux chocs pétroliers successifs.
On pensait que la croissance du trafic aérien était durablement
cassée. C’était l’époque où, les uns et les
autres, nous intériorisions le fait qu’avec un baril plus cher,
on ne connaîtrait pas la même croissance du trafic aérien.
Il y a effectivement eu une phase de quelques années au cours de
laquelle il y a eu un ralentissement de la croissance du transport aérien,
mais celle-ci est ensuite repartie. Jusqu’à quand ? Je ne le sais
pas.
2. C’est devenu une activité de marché,
alors qu’elle était étroitement régulée, dans
le cadre d’économies nationales. On a vu se multiplier les fréquences
et diminuer l’emport moyen. On a donc vu s’accroître le nombre de
mouvements à trafic donné. C’est un élément
qui pèse dans la relation du transport aérien à son
environnement.
3. Troisième élément que je retire
de cette expérience : la force nouvelle des préoccupations
d’environnement, qui s’expriment dans des conditions largement illustrées
aujourd’hui. Cela a été souligné par M. Vallet, sur
le ressenti de la gêne par une nuisance objectivement mesurée,
on a une ouverture du spectre du supportable ou du moins supportable. Le
corps social accepte beaucoup plus difficilement un niveau de nuisance
sonore, même si objectivement il y a une diminution tendancielle
du bruit des avions, lente à faire ses effets, à cause de
la durée de vie des flottes d’avions. On n’a pas le renouvellement
des flottes automobiles, les flottes d’avions ont 25 ou 30 ans.
4. Les limitations réglementaires et politiques,
au développement du trafic sont hétérogènes.
On a un couvre-feu à Orly, une limitation du nombre de créneaux
alloués à Orly, une limitation du bruit à Roissy,
une limitation en nombre de passagers, et le représentant de la
Commission européenne évoquait tout à l’heure l’idée
de Mme de Palacio d’arriver à des indicateurs homogènes au
niveau européen sur le bruit perçu. Ceci serait un progrès
conceptuel important.
Voilà les enseignements de mon expérience
passée, face à une situation caractérisée par
une recherche permanente de l’acceptabilité environnementale, face
à une sensibilité accrue, une sensibilité inflexible
de l’opinion publique. Comment ceci se marque-t-il ?
1. Dans le mode de fonctionnement du transport aérien,
par les procédures d’approche et par le dialogue entre les professionnels
du transport aérien et l’environnement. Il y a des dispositifs concentrés
sur les Maisons de l’environnement, qui mettent à disposition de
tout un chacun les trajectoires des avions. Améliorer ceci implique
de déporter l’information correspondante dans des sites plus accessibles
pour un plus grand nombre. C’est le support nécessaire d’un dialogue
à approfondir.
2. Pousser collectivement à un renouvellement plus
rapide des flottes, c’est une action au minimum européenne, qui
repose sur une homogénéité des mesures de contrôle.
C’est la condition pour que les opinions publiques puissent peser ensemble
plus qu’aujourd’hui.
3. On soulignait les nuisances des accès des aéroports
: nous avons souhaité, tardivement, avec la SNCF et RFF, réaliser
une liaison en site propre entre le centre de Paris et Roissy.
Il faut aller plus loin dans deux domaines : le développement
des aéroports de province et l’intermodalité. M. Trousset
l’a évoqué : le rapport Douffiagues souhaitait le décollage
de quelques aéroports de province. ADP a engagé des études
de cas avec Lille et Lyon, pour essayer de comprendre dans quelle mesure
ces aéroports pouvaient prendre une partie du trafic aujourd’hui
concentré à Paris. Ces études ne sont pas achevées.
Les aéroports butent toujours sur la difficulté suivante
: ce ne sont pas les aéroports qui suscitent le trafic, ce sont
les compagnies aériennes. Ce n’est pas parce qu’on construit une
piste que les avions viennent. La ligne Lyon-New York n’a pas spontanément
le même taux d’occupation que les trois services ouverts en même
temps vers les Etats-Unis au départ de Roissy. La difficulté
de fond dans le transport aérien, c’est qu’on peut avoir des politiques
volontaristes pour développer tel ou tel site de province, mais
ce n’est pas le volontarisme qui remplit les avions. Comment peut-on agir,
entre le volontarisme et le souci d’équilibrage ? Essentiellement
par des régulations, en plafonnant réglementairement la croissance
de tel ou tel aéroport, mais aussi par une politique tarifaire incitative.
Les choix qui sont devant nous sont politiques. Quelle
place donne-t-on au transport aérien dans une politique de développement
durable ? Ce sont des choix stratégiques sur les politiques d’alliance
entre aéroports ou entre compagnies aériennes. On a connu
les alliances entre compagnies. Je crois qu’il ne peut y avoir de rééquilibrage
à l’échelle du territoire sans implication capitalistique
entre des systèmes d’aéroports et sans des subventions croisées
entre aéroports, pour taxer les plates-formes les plus congestionnées
et favoriser un report sur d’autres aéroports.
Ce sont des choix difficiles, qui appellent un débat,
et le troisième aéroport, lui-aussi, appelle un débat.
Il pose des questions de structure, d’architecture du transport aérien,
et des questions plus fondamentales encore d’aménagement du territoire,
à cause de l’effet inducteur d’une plate-forme internationale. ADP
est candidat à la réalisation et à l’exploitation
d’un tel aéroport dans le bassin parisien, mais en premier lieu
est candidat à une étude des sites. ADP n’est pas mu par
une volonté de faire du béton ou de l’ingénierie.
Mais je souhaiterais pouvoir apporter la contribution d’ADP au débat
sur la localisation, la vocation, le dynamisme respectif entre un troisième
aéroport et le développement des aéroports de province.
Les choix ne sont pas seulement nationaux, le débat
sur un troisième aéroport est sous contrainte européenne.
Beaucoup de ce qu’il y a à faire sur l’inscription du transport
aérien dans une perspective de développement durable et d’aménagement
du territoire est d’essence européenne. Je ne peux que souscrire
à ce qui a été dit sur la nécessité
de régulation européenne dans ce domaine.
Marie-Hélène AUBERT - On a beaucoup
parlé d’intermodalité. Pour conclure cette table ronde, je
passe la parole à Guillaume PEPY, pour la SNCF.
Guillaume PEPY, directeur général
délégué clientèle de la SNCF.
Juste un petit témoignage nécessaire au
dialogue. En premier lieu, ce serait inutile et ridicule de plaider la
cause du ferroviaire ici, le public est averti et acquis. Je voudrais témoigner
du niveau d’ambition qu’on s’est fixé : constituer une alternative
au développement de modes de transport que nous jugeons plus polluants.
1. Un développement du trafic voyageurs de 12 à
15 % dans les trois années qui viennent, après avoir atteint
20 % au cours de ces trois dernières années. Le déclin
du ferroviaire est donc terminé, on est reparti à la conquête,
avec l’aide des collectivités locales, des pouvoirs publics, en
remobilisant une entreprise qui s’était un peu assoupie. L’arme
essentielle qu’on manie est l’arme des prix : on veut prouver qu’on est
capables aujourd’hui de faire un transport ferroviaire plus simple et moins
cher. Au risque de choquer quelques personnes, notre principal concurrent
à plus de 100 km, reste la voiture, et notre cible principale est
la voiture, qui représente 77 % de la part de marché à
plus de 100 km, contre 4 % pour l’avion et 13,5 % pour le ferroviaire.
2. Deuxième témoignage, les deux mondes
aérien et ferroviaire, qui se sont ignorés pendant des décennies,
sont en train de se rapprocher pour réaliser une véritable
complémentarité. On ne peut pas mettre les modes de transport
en guerre pour leur demander de travailler ensemble. Il faut au contraire
apprendre à travailler davantage ensemble pour proposer aux clients
des solutions intelligentes et conçues ensemble. L’intermodalité
était la tarte à la crème de tous ceux qui se préoccupaient
de transport, il faut aujourd’hui passer à l’acte. Avec ADP, on
est passé à l’acte en bénéficiant d’un formidable
équipement : le seul aéroport d’Europe relié au réseau
à grande vitesse, et réciproquement ; la seule gare TGV d’Europe
reliée à un aéroport de l’importance de Roissy. On
avait assez peu utilisé jusqu’à présent cette gare,
on parie dessus de manière assez déterminée. Environ
950 000 personnes arrivent à Roissy en TGV. On envisage de doubler
ce nombre dans les cinq ans, par un volontarisme commercial fort. Entre
Bruxelles et Roissy-Charles-de-Gaulle, on vient d’ouvrir un service de
train qui représente une alternative à l’avion, il s’agit
de transférer 400 000 clients de l’avion vers le Thalys, cela représenterait,
si on y parvient avec l’aide d’ADP et en convainquant les compagnies aériennes,
7 000 mouvements d’avion en moins à Roissy. Si cela est possible
sur Bruxelles, on peut peut-être un jour y arriver sur Francfort
ou Londres. C’est une politique très déterminée que
de proposer au client une offre de substitution.
Dernier message : tout n’est pas rose, il nous reste beaucoup
de choses à faire. Je cite quelques chantiers : 1. La liaison ferroviaire
entre Paris et Charles-de-Gaulle, c’est un chantier énorme de 5
milliards de francs, on travaille avec RFF et ADP. 2. Même chose
sur Satolas, on est en situation d’échec pour l’instant. 3. Utiliser
l’intermodalité sur Lille ou sur Nice, questions qui n’ont pas encore
été traitées. Ce serait une réelle ouverture
que de pouvoir développer là aussi l’intermodalité.
Citons aussi quelques points négatifs vis-à-vis des clients
et, tant qu’ils ne seront pas supprimés, rien ne sert d’appeler
à une forte intermodalité. Nous ne sommes pas performants,
aujourd’hui, sur le transfert des bagages entre train et avion, il existe
des solutions dans le monde, il faut copier ce qui se fait ailleurs. Nous
n’excellons pas non plus sur le pré-enregistrement, qui garantit
aux passagers aériens l’acheminement en continu. Tous ces chantiers
sont devant nous, afin de faire du TGV une sorte d’Airbus sur rail. Aujourd’hui,
le TGV représente une alternative au développement des liaisons
aériennes court-courrier.
Pour conclure, je dirais qu’il y a un fort volontarisme
de la SNCF dans ce domaine, qui est décidée à tout
faire pour y arriver. Je pense que les premiers résultats sont probants
et nous sommes le seul pays européen qui se soit, aujourd’hui, concrètement
engagé sur cette question-là. On espère que les Allemands
vont suivre dans les mois et les années à venir.
Anne GELLÉ, Maire-adjointe d’Argenteuil, responsable
de la commission nationale Transports des Verts
Je regrette l’absence à ce colloque des compagnies
aériennes, puisque ce sont elles qui sont responsables du phénomène
de hub. En Île-de-France, on ne souhaite pas " botter en touche
", mais quand on se pose la question du rééquilibrage, on
se demande si les plafonnements actuels, qui vont être dépassés,
sont suffisants pour lutter contre le phénomène de hub et
rééquilibrer vers les aéroports de province ? En ce
qui concerne la présidence française et la possibilité
de mettre une pollutaxe sur le kérosène , est-ce possible
de faire cela en six mois ? Est-il possible d’appliquer une TVA sur l’ensemble
des activités du transport aérien ? C’est le cas pour les
autres activités de transport.
Jean GILBERT, Fédération nationale
des associations d’usagers des transports (FNAUT) Ile-de-France
Je citerai un souvenir de 1991. Lors d’une conférence, M. Debries évoquait le projet des constructeurs aéronautiques de gros porteurs de les porter de 500 à 1000 places face à la saturation du triangle Londres-Paris-Francfort. Si on parlait déjà, en 1991, d’une saturation de ce triangle, cela disqualifie tout projet se trouvant dans ce triangle, comme Beauvilliers. Si on ne peut limiter le trafic, on peut demander que l’aéroport de rechange soit Satolas, puisqu’il est desservi par TGV. Il y a apparemment une croissance irréversible du commerce électronique, quel impact cela peut-il avoir sur le fret aérien ?
Une intervenante : on a beaucoup parlé des
nuisances atmosphériques et du bruit. Je voudrais parler du sous-sol.
Quand on agrandit un aéroport, se pose-t-on la question de l’eau
? Quelle influence sur la nappe phréatique ?
M. CARPENTIER, association de défense du Val-d’Oise
contre les nuisances aériennes de Roissy
Pour aider les intervenants à réaliser leurs
beaux projets, pour réduire les nuisances, samedi prochain, journée
internationale, manifestation à Roissy, rendez-vous à 9 h,
aérogare 2, parking fret 2.
Jean-Pierre GIRAULT, conseiller municipal à
Boissy-St-Léger
Certaines villes, aujourd’hui, ne veulent plus de camions.
Il a fallu vingt ans pour construire Roissy, il faudra aussi vingt ans
pour un 3e aéroport. Il faudrait que ce soit un aéroport
commun à Francfort, Londres, Paris et à la Belgique, ce serait
un aéroport international. Attention à certaines propositions
: si les vols de nuit sont supprimés en Europe, c’est le tiers-monde
qui en pâtira, à cause des décalages horaires. Il faut
réfléchir à un aéroport international européen,
avec le problème de la desserte des TGV. Nous sommes de nombreux
écologistes présents dans cette salle, malheureusement ce
sont aussi souvent les écolos qui sont contre le TGV, je pense à
Nice ou des villes à moyenne distance.
Paul LANNOYE - Il n’y a aucun argument contre la
TVA sur les tickets d’avion. La taxe sur le kérosène n’aurait
de sens qu’au niveau européen. M. Salvarani a déclaré
qu’on était bloqué par l’exigence de l’unanimité au
Conseil, on a donc besoin de changer les règles de décision,
il faut casser la règle de l’unanimité au Conseil pour débloquer
notamment cet important problème des taxes environnementales. D’ici
le sommet de Nice, les débats auront lieu entre Etats membres :
multipliez les pressions sur vos gouvernements.
Quand on dit : " il faut interdire les vols de nuit ",
le mot est peut-être absolu, mais ce qui est anormal, ce sont des
activités basées sur la nuit. Le vol de nuit devrait être
l’exception, non la règle. On choisit la nuit pour le courrier ou
pour certains vols de passagers, et cela perturbe totalement le bien-être
de dizaines de milliers de riverains.
Yves COUSQUER - Satolas, c’est le 3e
ou le 4e aéroport français, à égalité
avec Marseille (6 millions de passagers). Toute la région Rhône-Alpes
est desservie par Satolas, plus une partie de la Bourgogne, Genève
pourrait l’être aussi en partie mais Genève a lui-même
un aéroport, qui traite 7 millions de passagers. Je voudrais comparer
cet ensemble économique (Rhône-Alpes et Genève) avec
la Belgique. C’est à peu près comparable au plan économique
et démographique. La somme des deux aéroports, c’est 13 millions
de passagers. À Zaventem, c’est 20 millions. Une décision
récente de Swissair permet de concentrer ses longs-courriers à
Zurich, en déshabillant Genève. Une des conditions du développement
de Satolas, c’est que sa masse critique soit substantiellement au-dessus
de 6 millions de passagers. Genève est très contraint (sa
piste restera unique), Satolas a un plan-masse qui prévoit à
terme 4 pistes, dans un territoire plus exigu que Roissy. Air France a
choisi son hub principal à Roissy, et son hub secondaire à
Lyon-Satolas, pour des liaisons province-province ou province-Europe, avec
de plus petits avions qu’à Roissy. La montée en régime
est lente, et Satolas croît moins vite que la moyenne nationale,
alors que Roissy croît plus vite. Le phénomène de concentration
se poursuit. Economiquement, ce n’est pas facile de renverser cette tendance.
Cela passera par une coopération économique accrue entre
Genève et Satolas afin que le potentiel des deux s’exprime sur une
plate-forme. Cela passe, Guillaume Pépy l’a précisé,
par un renforcement de l’intermodalité à Satolas. On utilise
très peu la gare TGV de Satolas pour l’instant, à la différence
de Roissy. Il y a donc une question d’organisation et de branchement. Il
faut que l’offre des compagnies aériennes à Satolas soit
plus riche qu’elle n’est aujourd’hui. Et il est difficile d’offrir une
offre concurrentielle avec un aéroport qui traite 6 millions de
passagers, quand Zurich est à 20 millions, Francfort à 40
millions, et Roissy à 2 heures de TGV. Ce sont les éléments
de l’équation du développement de Satolas.
En ce qui concerne l’eau, quand on établit un aéroport,
on change les conditions, les études d’impact sont faites, en France
comme à l’étranger.
La question de l’aéroport européen se pose
pour la troisième plate-forme éventuelle dans le bassin parisien,
c’est ce qui, à mes yeux, distingue une localisation beauceronne
ou une localisation picarde. Une localisation du côté de Chartres
a une logique très franco-française. Elle a l’avantage d’être
à l’extérieur du triangle saturé (Londres-Amsterdam-Francfort-Paris),
donc, de ce point de vue, Chartres est plus facile à gérer
en termes d’espace aérien qu’un aéroport picard. Mais un
aéroport picard, à condition qu’il soit à proximité
de la ligne TGV, a une vocation européenne plus prononcée.
Le débat sur la localisation du site est un débat sur la
vocation principalement européenne, ou un aéroport bis, qui
peut à terme se substituer à Orly. Que devient Orly à
l’horizon 2050 avec une localisation à Beauvilliers ? C’est une
des raisons pour lesquelles j’ai voulu susciter une étude prospective
avec un horizon délibérément éloigné.
Marie-Hélène AUBERT - Sur l’eau bien
sûr, il faut une étude d’impact, mais à condition qu’elle
ne se fasse pas une fois les décisions prises, mais qu’elle participe
réellement au processus de décision, ce qui n’est pas du
tout le cas aujourd’hui.
Arnaud CARON, Conseiller régional de Picardie
Ma question s’adresse à M. Cousquer, qui a à
cœur de développer son activité, c’est de bonne guerre. En
tant que politiques, notre problématique n’est pas d’envoyer des
avions à Satolas ou de développer le transport aérien
à l’échelle de l’Europe, c’est de diminuer les émissions
de gaz à effet de serre, et de diminuer les nuisances que subissent
déjà les riverains. En Picardie, se trouve déjà
un aéroport international à Beauvais, avec des projets d’extension.
La Picardie est une petite région, l’une des plus pauvres. Je voudrais
faire la comparaison entre les aéroports et les déchets.
C’est un peu comme les incinérateurs, dans la pensée dominante,
on nous dit que c’est ce qu’il y a de plus pratique, mais personne n’en
veut chez soi. Faire un grand aéroport en Picardie, c’est comme
si Bruxelles, Paris et Londres construisaient un incinérateur géant
au milieu de la Picardie, parce que c’est une localisation pratique. Nous
supportons déjà l’A1, l’A1 bis, nous regardons les camions
passer, mais n’en profitons absolument pas du point de vue économique.
Tout cela est très joli sur le papier, mais au niveau de l’aménagement
du territoire, ne résoud aucun des problèmes posés
à la Picardie. Au contraire, cela va en ajouter tellement que ça
deviendra invivable. Un troisième aéroport dans le bassin
parisien, c’est inenvisageable dans l’état actuel des choses. Il
faut donc stabiliser, voire faire diminuer le transport aérien.
Cela suppose de payer la TVA, de mettre des pollutaxes sur le kérosène,
sur le bruit… On n’a aucune autre solution actuellement.
Ismaël NEYME, assistant parlementaire de Jean-Pierre
Blazy, député du Val d’Oise
Jean-Pierre Blazy ne peut être présent aujourd’hui
car il se trouve à Bruxelles pour représenter l’association
Ville-aéroport qui vient de se constituer. Il est dommage qu’on
n’ait pas entendu aujourd’hui les acteurs du transport aérien sur
la question du 3e aéroport. Tout le monde est d’accord
sur cette question, que ce soit l’exécutif, M. Gayssot s’est engagé
à plusieurs reprises à tenir la limite infranchissable des
55 millions de passagers, que ce soient les parlementaires de gauche ou
de droite, qui se sont notamment exprimés dans l’association Ville-aéroport
sur la nécessité d’un 3e aéroport, que
ce soit M. Cousquer, qui s’est exprimé très fortement pour
la réalisation de ce 3e aéroport. 55 millions,
c’est en 2003 ou 2004. Le troisième aéroport, ce sera à
moins d’une heure de Paris, et il ne faudra pas le faire ex nihilo,
il faudra partir d’une structure existante, sinon 10 ou 15 ans seront nécessaires
pour construire, et Roissy sera à 80 ou 90 millions de passagers.
Et ce devra être un modèle d’intermodalité. M. Blazy
s’est forgé la certitude, depuis trois ans qu’il consulte sur cette
question, qu’aucune étude sérieuse n’a été
faite depuis qu’on a fait le leurre de Beauvilliers en 1997, pour faire
avaler la pilule de l’extension de Roissy. Pourquoi aucune étude
sérieuse n’a-t-elle été faite ? Dans quelle perspective
peut-on analyser un autre site que celui de Beauvilliers ?
Hubert ROUAULT, Fédération générale des transports et de l’équipement CFDT
Je voudrais évoquer le problème de l’emploi.
On a parlé de chantage à l’emploi à Orly. La vérité
n’est, ni du côté de ceux disant que cette question est à
rejeter, ni de ceux qui sacraliseraient ce problème en disant que
l’aéroport crée des emplois, donc le justifient. On s’est
livré à un petit examen de ce qui se passe à Roissy.
On ne peut pas dire que l’emploi non créé à Roissy
serait créé ailleurs si on n’agrandissait pas Roissy. Car
Roissy, en tant que grand aéroport, crée des activités
pointues, sophistiquées, qui ne se retrouveront que sur un grand
aéroport.
Néanmoins, quand on regarde la qualité et
la quantité des emplois à Roissy, on est assez surpris. On
nous a souvent dit qu’un million de passagers, c’était 1 000 emplois.
Un " Entre Voisins " distribué en 1998 prenait ça comme une
vérité acquise. Au même moment, les aéroports
européens annonçaient le double, certains même disaient
4 000 emplois. En fait, la corrélation n’est pas établie,
certaines années le trafic a même diminué et l’on a
créé des emplois. Il faut donc être prudent sur ces
corrélations. En ce qui concerne la qualité, en revanche,
on peut se faire une opinion : la qualité n’est pas très
bonne. Chiffres d’ADP : en 1999, il y aurait eu 30 % de saisonniers, 40
% de remplacements, et seulement 30 % de créations d’emplois. Et
on ne nous livre pas les chiffres de CDI et de CDD, parce qu’ils ne sont
sans doute pas très favorables. Ce sont souvent des emplois précaires.
(Air Liberté Orly : 40 % de personnel précaire). Ce sont
souvent des métiers mal payés, l’inspection-filtrage, la
restauration, l’hôtellerie… Tout cela a un fort turn-over. Comme
l’emploi est un argument pour le voisinage, on aboutit à un fort
turn-over, et on n’arrive plus à trouver les candidats nécessaires
à Roissy. On reproche aux candidats de ne pas avoir le comportement
adéquat, de ne pas maîtriser assez les langues étrangères.
Toujours est-il qu’on ne peut pas parler emploi sans faire de grands progrès
en la matière, sans doute en liaison avec l’Education nationale.
Il y a 275 entreprises françaises et étrangères
de transport aérien installées en France, dont 47 % en Ile-de-France.
Face à ce grand déséquilibre, quelle est la position
de la fédération des transports CFDT ? Nous l’avions dit,
et nous pensions que le problème était résolu : en
1995, on pensait que la décision était prise qu’il n’y aurait
pas de 3e aéroport en Ile-de-France, et que le trafic
serait redistribué sur les aéroports français. C’est
la position de la CFDT. Il y a un an, M. Gayssot a fait marche arrière,
en cédant à l’appel de hauts fonctionnaires un peu trop complaisants
vis-à-vis de la politique de hub d’Air France, il transférait
du trafic d’Orly vers Roissy. Première erreur. On la constate, mais
le trafic va-t-il revenir sur Orly ? Nous préconisons une redistribution
vers les aéroports de province, un rééquilibrage sur
Orly, mais à condition de changer la structure de la flotte, pour
avoir moins de mouvements, avec des avions plus gros, y compris des longs-courriers.
3. Quel avenir pour les statuts du personnel des entreprises
de transport aérien ? Si l’on veut vraiment avoir avec les entreprises
de transport aérien un outil de régulation publique, il ne
faut pas en même temps lorgner sur leur transformation en entreprises
privées. Un vent souffle en ce moment sur toute l’Europe pour dire
que les aéroports peuvent devenir des entreprises privées.
Le prédécesseur de M. Cousquer déclarait à
qui voulait l’entendre et à l’envi : " Je gère une entreprise
commerciale comme une autre. " Pour nous, ce ne sont pas des entreprises
comme les autres. Si l’Etat veut résoudre les problèmes auxquels
vous vous attaquez (développement durable), il doit conserver une
régulation publique, donc conserver le pouvoir sur les principales
entreprises de transport aérien.
Mme Evelyne LAVEZZARI, Présidente de l’Association
contre l’extension et les nuisances de l’Aéroport de Lyon-Satolas
(ACENAS)
L’ACENAS compte 4 000 adhérents. C’est vous dire
à quel point la population est très sensible à Satolas.
Nous avons été confrontés à un problème
d’extension d’aéroport. Mme Voynet a bien voulu nous recevoir, et
nous a suggéré la mise en place d’un débat public,
pour observer tous les impacts économiques, sociaux et environnementaux.
On a demandé le débat, soutenus par les élus, mais
on ne l’a pas obtenu, car il y a un problème de date au niveau du
décret : il aurait fallu demander le débat public deux ans
auparavant. Alors aujourd’hui, comment voulez-vous qu’on accepte un développement
durable à Satolas, lorsqu’on n’a pas considéré tous
les impacts sur la population : une commune se retrouve à 2 km dans
l’axe des pistes, pire que Goussainville. C’est le premier point, le point
humain.
On mentionnait les solutions aux problèmes parisiens,
Lyon pour désengorger Paris. Je comprends que sur Paris la situation
soit catastrophique, je sais ce que c’est, j’ai habité en région
parisienne. Faut-il pour autant transformer Lyon en Paris bis ? On ne pense
pas que ce soit le progrès. Deuxième élément
: Satolas a-t-il vraiment les moyens de se transformer en 3e
aéroport parisien. C’est la politique de la CCI. Pour exemple :
la liaison Lyon-New York est subventionnée à 50 millions
de francs (en1998) par la Communauté urbaine de Lyon et le Conseil
général. Malgré cette subvention, la liaison ne s’est
pas faite. Elle ne se fait que maintenant, après l’accord commercial
entre Delta Airlines et Air France, sinon elle n’était pas viable.
Pour vous dire ma compassion, nous serons présents à Roissy
samedi, nous sommes solidaires contre les vols de nuit, contre les nuisances,
mais ce n’est pas en reportant les nuisances qu’on réglera le problème.
On les déplacera simplement.
Marie-Hélène AUBERT - Si nous avons
organisé cette journée en présence des associations
de tous les sites concernés, c’est aussi pour élaborer ensemble
une politique cohérente, et pour souligner la nécessité
d’un débat public. Tout cela nous rassemble. Aujourd’hui, les décisions
ne sont pas mûres, ne sont pas réfléchies. Nous sommes
là pour éclairer le débat sur tous les enjeux, tous
les problèmes qui se posent à la gestion du trafic aérien.
J’ai le plaisir d’accueillir Mme Dominique Voynet, ministre
de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Je lui laisse
la parole pour clôturer cet après-midi. Nous aurons en tout
cas l’occasion d’en débattre encore très largement, bien
avant que des décisions soient prises. La conclusion de ce colloque
est la nécessité de transparence, d’information et de débat
sur ces enjeux.
Ministre de l’Aménagement du Territoire
et de l’Environnement
J’ai essayé à la fois de respecter la règle
du jeu qui m’était proposée, c’est-à-dire m’exprimer
en tant que ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement,
dans le strict respect de mes compétences ministérielles,
mais aussi peut-être, de façon plus discrète et plus
nuancée, d’évoquer un thème que la citoyenne politiquement
engagée aurait envie de ne pas maltraiter pour autant : c’est la
question de savoir si nous avons systématiquement à nous
adapter au nouveau contexte économique et à la politique
des transports qui nous est proposée, ou si nous avons, à
certains moment, à poser les choses en termes de choix de société.
Tous les déplacements sont-ils souhaitables ? La question est claire,
la réponse vous appartient. Chacun, en fonction de son expérience,
y répond de façon propre. Pour ma part, je crois indispensable
de réinterroger l’efficacité socio-économique d’un
système de transport dans lequel on n’a pas toujours à répondre
en termes d’adaptation de l’offre à la demande, mais à se
poser aussi la question de la légitimité de cette demande,
et de ses impacts pour la société dans ses différentes
composantes.
En tout cas, nous avons cherché à répondre
à un certain nombre de questions qui nous étaient posées.
Inscrire le territoire français dans l’ensemble
européen (la présence de Paul Lannoye ici n’est sans doute
pas un hasard), faciliter l’ouverture de ce territoire et de l’Europe au
monde sont bien sûr des enjeux majeurs de toute politique des transports.
Les taux constatés pour la croissance des trafics aéroportuaires
sont là pour en témoigner. Ils obligent les pouvoirs publics
à un effort d’anticipation, de planification et d’encadrement des
avenirs possibles, d’autant que le transport aérien exaspère,
sans doute plus que tout autre, les conflits entre nuisances et pollutions
locales ou globales, effets économiques directs ou indirects des
plates-formes aéroportuaires sur le territoire.
J’ai bien parlé des avenirs possibles, on n’est
pas en train d’examiner un seul scénario pour l’avenir, mais on
est en train de prendre en compte des variables qui nous permettront de
choisir, en positif, notre avenir, et non pas de nous adapter simplement,
au fil de l’eau, à ce que choisiraient pour nous les entreprises,
sans aucun débat citoyen.
Il convient tout d’abord de rappeler le contexte dans
lequel s’inscrit l’action de l’Etat en matière de transport aérien.
La libéralisation du transport européen a induit des modifications
sensibles dans le secteur aérien, mais rien n'est définitif.
Au contraire on assiste aujourd’hui à de sensibles évolutions
qui se caractérisent :
- la recherche d’alliances globales, en cours de consolidation
comme en témoignent les annonces de rupture entre KLM et Alitalia,
ou de discussions entre British Airways et Air France pour s’en tenir aux
informations les plus récentes ;
- l’intégration de compagnies régionales
de deuxième rang aux grands groupes aériens, que ce soit
en France avec le rachat de Régional Airlines par Air France, ou
l’entrée d’AOM, et sans doute d’Air Liberté, dans le groupe
Swissair ;
- le développement de compagnies de niches, notamment
pour les vols low-cost (comme on dit dans le jargon).
- l’optimisation et l’élargissement des systèmes
locaux, avec aujourd’hui pas moins de cinq aéroports autour de Londres
;
- le rôle nouveau joué par des aéroports
secondaires qui se spécialisent de facto, pour les vols low
cost comme Beauvais ou, comme Vatry, pour le fret.
Par ailleurs, les activités de fret se développent,
ce qui n'est pas sans incidence pour les riverains, du fait du caractère
souvent nocturne de cette activité.
Au-delà de ces évolutions générales,
la France se caractérise, plus que ses partenaires européens,
par le poids des aéroports de la capitale et la faiblesse corrélative
des aéroports régionaux. Il y a là un défi
à relever car une bonne desserte aérienne devient de plus
en plus déterminante pour le développement de la compétitivité
et le rayonnement en Europe et dans le monde des grandes aires métropolitaines,
dont je souhaite voir le rôle renforcé. C’est l’un des objectifs
des schémas de services collectifs de transport, qui doivent fixer
le cadre d’évolution des transports à l’horizon des vingt
années à venir.
Vous l’aurez compris : on n’est pas en train ici de souhaiter
que les capitales régionales jouent le rôle de la grenouille
voulant se faire aussi grosse que le bœuf parisien, on est en train simplement
de poser le problème en termes d’équilibre du territoire.
Qui dit aéroport allemand est capable de citer non seulement Francfort,
mais aussi Munich, Berlin, Hambourg et quatre ou cinq autres aéroports
de stature internationale. En France, on ne peut citer que Roissy et Orly.
Mais avant d’aborder les orientations qui me semblent
devoir primer pour la politique de transport aérien dans ces schémas
de services, je souhaite vous exposer les actions entreprises par le gouvernement
pour réduire les nuisances du transport aérien, sans lesquelles
un développement ultérieur de ce secteur ne pourrait s’envisager.
Les nuisances liées au développement du
trafic aérien suscitent à juste titre des inquiétudes
de plus en plus vives de la part de nos concitoyens. Celles-ci appellent
de la part des autorités une vigilance particulière, en particulier
à l’égard des nuisances sonores générées
par les aéronefs, sans oublier la pollution atmosphérique
liée à l’activité aéroportuaire prise dans
sa globalité (trafic aérien et trafic terrestre induit, sans
oublier les incidences sur l’imperméabilisation des sols, la gestion
d’effluents polluants…). Je n’évoquerai pour mémoire que
la question des aéroports militaires. La " grande muette " n’a pas
encore changé résolument sa stratégie en la matière.
Mais si l’évolution en ce qui concerne les aéronefs civils
se traduit par une amélioration des moteurs et une diminution du
bruit, il n’en est pas de même pour les avions militaires. Le Rafale,
par exemple, fera beaucoup plus de bruit que ses prédécesseurs,
ce qui impose d’avoir une stratégie de réduction des nuisances
à proximité des aéroports militaires qui soit à
la hauteur.
Concernant le bruit, tout d’abord.
La ministre chargée de l’environnement est aussi
la ministre de "l’environnement du quotidien" et les nuisances sonores,
si elles sont inhérentes à notre société, font
l’objet de nombreuses récriminations du fait de leur caractère
excessif, surtout la nuit, et inégalitaire. Vous l’avez souligné
tout à l’heure, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il
y a un certain lien entre inégalités sociales et inégalités
devant la dégradation de l’environnement. C’est particulièrement
vrai pour ce qui concerne le bruit.
Lorsque, en septembre 1997, mon collègue Jean-Claude
Gayssot a annoncé la construction des deux nouvelles pistes de l’aéroport
de Roissy-Charles-de-Gaulle, il a également présenté
un dispositif de maîtrise des nuisances sonores générées
par l’aéroport. Ce dispositif, issu d’une concertation avec les
populations riveraines, a été soumis à mon initiative
au Conseil national du bruit, dont l’avis a permis de compléter
et, sur certains points, de renforcer, le dispositif initialement envisagé.
J’évoquerai en premier lieu la mise en place récente
de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires
– ACNUSA – instituée par la loi du 12 juillet 1999.
Cette Autorité administrative indépendante,
présidée par M. Roger Leron, ancien député
et ancien président du Conseil national du bruit, doit permettre
d’assurer aux riverains des aéroports une information transparente
et impartiale sur les nuisances sonores, et de limiter l’impact sur l’environnement
du trafic aérien. Ainsi, elle a un rôle d’information du public
et un rôle de recommandation dans ce domaine.
Mais elle est également dotée d’un pouvoir
de sanction à l’égard de toute compagnie aérienne
qui violerait les dispositions réglementaires adoptées pour
lutter contre le bruit des avions.
En outre, ses compétences sont renforcées
autour des grands aérodromes nationaux munis du dispositif d’aide
à l’insonorisation, en ce qui concerne notamment la définition
des indicateurs de bruit et de gêne sonore et les prescriptions techniques
applicables aux réseaux de stations de mesure de bruit.
S’agissant de la gestion de l’urbanisme au voisinage des
aérodromes, je me félicite des améliorations apportées
par la loi portant création de l’ACNUSA au dispositif institué
par la loi du 11 juillet 1985, avec en particulier la création dans
les plans d’exposition au bruit d’une quatrième zone de protection,
la zone D, à l’intérieur de laquelle les habitations devront
faire l’objet d’un isolement renforcé. Un décret à
paraître prochainement fixera la limite extérieure de cette
zone.
Je souhaite également souligner le renforcement
substantiel du rôle des Commissions consultatives de l’environnement,
qui sont désormais consultées sur toute question d’importance
relative à l’aménagement ou à l’exploitation de l’aérodrome
qui pourrait avoir une incidence sur les zones affectées par le
bruit. La composition nouvelle de ces commissions, qui comprennent désormais
trois collèges – représentants des professions aéronautiques,
des collectivités territoriales et des associations de riverains
et de protection de l’environnement – doit concourir à renforcer
le dialogue et la concertation autour des problèmes de nuisances
sonores d’origine aéronautique.
Le gouvernement s’est également engagé dans
une réforme en profondeur du dispositif d’aide à l’insonorisation
des riverains des aérodromes, institué en application de
la loi de 1992 sur le bruit.
Ainsi, un décret de novembre 1998 est venu assouplir
la règle d’antériorité applicable pour déterminer
l’éligibilité à l’aide. Désormais, seule la
date de construction de l’habitation est considérée par rapport
aux dates d’approbation du plan de gêne sonore et du premier plan
d’exposition au bruit concernant l’habitation, sans tenir compte de la
date d’acquisition du logement. Par ce même décret, l’aide
de l’Etat pour l’insonorisation des logements a été portée
de 80 % à 90 % pour les ménages à faibles revenus,
et même à 100 % pour les ménages les plus défavorisés,
les établissements d’enseignement et les locaux à caractère
sanitaire ou social.
À l’égard des plans de gêne sonore,
il est apparu nécessaire d’engager une réforme des modalités
d’établissement de ces plans, afin qu’ils correspondent mieux à
la gêne subie par les riverains. Ainsi, une enquête de gêne
sonore, couplée à une campagne de mesures in situ
des niveaux de bruit, a été réalisée dans les
communes exposées au bruit au voisinage des aérodromes de
Roissy et d’Orly. Les résultats de cette enquête seront transmis
tout prochainement à l’ACNUSA, à laquelle il reviendra de
définir un nouvel indice de gêne sonore, plus représentatif
de la gêne subie par les riverains, et qui servira de base à
l'actualisation des plans de gêne sonore.
Par ailleurs, la taxe d’atténuation des nuisances
sonores a été intégrée au sein de la nouvelle
Taxe générale sur les activités polluantes, afin de
renforcer l’application du principe pollueur-payeur et de favoriser l’adoption
par les compagnies aériennes de comportements plus respectueux de
l’environnement.
Soucieuse de répondre au mieux aux attentes des
populations concernées, j’ai doublé les moyens consacrés
à cette action, et j'ai demandé à l’Agence de l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), gestionnaire du fonds
d’aide, de prendre des dispositions permettant d’améliorer et d’accélérer
le traitement des dossiers de demandes d’aides.
Après le bruit, la qualité de l’air
Les nuisances occasionnées par le transport aérien
ne se limitent pas au bruit. Les pollutions et les émissions de
gaz à effet de serre me préoccupent également.
Ainsi dans l’arrondissement de Montmorency, en 1994, les
émissions des avions à l’atterrissage ou au décollage
représentaient plus d’un tiers des émissions d’oxydes d’azote
issues des transports (CITEPA).
Le transport aérien est également responsable
de l’émission d’autres polluants : monoxyde et dioxyde de carbone,
composés organiques volatils et particules. Même émises
à haute altitude, ces substances peuvent avoir des effets environnementaux
importants, en particulier sur le changement climatique.
La pollution de l’air liée au transport aérien
ne saurait toutefois être limitée à la seule pollution
des avions. Les installations au sol, les engins de manutention provoquent
également des émissions de polluants dans l’air. La demande
de transport créée par l’implantation d’un aéroport
entraîne en outre un trafic terrestre dont les émissions sont
considérées comme équivalentes à celles des
émissions des avions.
La pollution de l’air liée au transport aérien
constitue donc un véritable sujet de préoccupation. Le groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévoit
une croissance du trafic aérien de passagers supérieure à
celle du PIB. Dans le passé, la demande a progressé plus
vite que les réductions d’émissions. Ainsi, les problèmes
posés ne pourront aller qu’en s’amplifiant si une politique au fil
de l’eau était menée. Ce n'est pas acceptable.
Les schémas de service transport, en cours d’élaboration,
doivent notamment permettre de favoriser les approches multimodales et
ainsi réduire les émissions de gaz polluants.
Le fort potentiel de croissance du trafic aérien
international impose des actions internationales coordonnées. Le
renouvellement des flottes, les mesures d’exploitation, le développement
d’un réseau trans-européen de transports sont des enjeux
pour les prochaines années.
La mise en place de prescriptions techniques plus strictes pour les aéronefs dans le domaine de la pollution atmosphérique, ainsi que d'une taxation du kérosène, doivent faire partie des priorités de l'Union Européenne pour la réunion de septembre 2001 de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
La nécessité d’inscrire notre action dans
un cadre international, au minimum communautaire, apparaît souvent
comme un prétexte pour ne rien faire ou presque. En effet, lors
de la réunion de Kyoto, qui a permis d’adopter le protocole dit
de Kyoto sur la maîtrise des émissions de gaz à effet
de serre, nous avons beaucoup insisté au niveau de l’Union européenne
sur la nécessité de mettre en place des politiques et mesures
coordonnées au niveau international, à côté
de mécanismes de marché dont les Etats-Unis s’étaient
fait les défenseurs. Si la communauté internationale a accepté
le principe de politiques et mesures, elle coince sur l’adoption de mesures
concrètes. Nous avons donné l’exemple de la taxe sur le kérosène,
et on nous a expliqué que ce n’était pas possible, et que
certains pays refuseraient de mettre en place cette taxe. Au niveau communautaire,
il en est de même. S’il est vrai que la France ne peut agir seule,
en courant le risque de voir l’essentiel de son trafic reporté sur
d’autres Etats européens moins exigeants, elle doit en revanche
travailler dans le cadre de l’Union européenne, parce que les avions
devront bien faire le plein avant de quitter le territoire communautaire.
On peut donc très bien mettre en place une taxation du kérosène
au niveau communautaire, sans attendre de le faire dans le cadre de l’OACI.
C’est un des thèmes sur lesquels je vous invite à faire valoir
un point de vue très fort auprès du ministère des
Transports et auprès du ministère de l’Economie et des Finances,
qui auront à défendre cette taxation du kérosène
pendant la présidence française.
La desserte des aéroports en transports collectifs
Les riverains subissent également les désagréments
liés à la desserte terrestre des aéroports, qui mêlent
encombrements et pollutions. Le recours immodéré à
l’automobile pour desservir nos aéroports tranche sur les pratiques
répandues en Europe du Nord. Seuls les aéroports parisiens
disposent d’une desserte en transports collectifs en site propre, et de
qualité pas toujours suffisante.
Le développement de la desserte des aéroports
en transports collectifs est un véritable enjeu pour les années
à venir.
Nos aéroports doivent être pensés
comme de véritables pôles d’échanges au niveau régional,
et interrégional pour certains d’entre eux, au cœur de réseaux
multimodaux de transport.
AÉROPORTS ET AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE
C’est cette approche globale multimodale qui a été
privilégiée par le gouvernement pour l’élaboration
des schémas de services collectifs des transports. Elle doit permettre
d’inscrire les politiques de transports dans une perspective de développement
durable. Vous ne serez donc pas étonnés si pour moi, ce n’est
pas tant la desserte aérienne du territoire qui compte, mais plutôt
les conditions de développement des liaisons internationales au
départ de notre territoire.
Plusieurs objectifs me paraissent dès lors devoir
être mis en avant :
– le développement des relations aériennes des grandes aires métropolitaines françaises avec les principaux pôles européens et, pour certaines, avec des pôles mondiaux, déjà mentionné ;
– le rôle croissant que doit jouer le mode ferroviaire dans l’organisation du système aérien, notamment grâce à l’intermodalité ;
– les mesures susceptibles de conserver à Paris
son rôle de place majeure dans le transport aérien mondial.
1. Le développement des relations des grandes aires
métropolitaines françaises avec les principaux pôles
européens, et avec des pôles mondiaux tout d’abord.
Le Parlement a souhaité inscrire l’objectif de
favoriser le développement des liaisons aériennes à
partir des aéroports d’importance interrégionale dans l’article
de loi définissant les schémas de service. C’est la seule
mention faite au transports aériens dans ces articles de la loi
d’orientation pour l’aménagement et le développement durable
du territoire.
De quoi s’agit-il ? En premier lieu de favoriser les relations
aériennes de la dizaine d’aires métropolitaines qui justifient
d’un trafic aérien relativement important vers les principaux pôles
européens. D’abord amorcé par le développement de
liaisons de rabattement vers les hubs européens, cet objectif correspond
de plus en plus à un besoin de services aériens directs.
Il s’agit en second lieu de favoriser le développement
des relations internationales long-courrier à partir de quelques
aires métropolitaines ayant vocation à fédérer
les besoins de services aériens internationaux de plusieurs régions
limitrophes. La relation Lyon – New York en est un exemple typique.
Que l’on ne s'y trompe pas : si cet objectif contribue
à la désaturation des aéroports parisiens, c’est d’abord
un objectif en soi qui vise à conférer un des services rares
et stratégiques, qui sont de plus en plus déterminants pour
le développement de la compétitivité et le rayonnement
en Europe et dans le monde à des pôles métropolitains
autour desquels se structurent les six grands ensembles territoriaux révélés
par les évolutions démographiques.
Certes je ne prétends pas que demain l’ensemble
de ces aéroports pourront offrir une desserte internationale aussi
étoffée que celles des aéroports de Paris, mais c’est
en tout cas un objectif d’avoir un meilleur équilibre de l’offre
sur le territoire, et c’est une politique que les pouvoirs publics se doivent
de soutenir.
Pour cela l’Etat doit utiliser les prérogatives
qu’il a conservées après la libéralisation du secteur
aérien. Elles ont de plusieurs ordres.
Cela concerne d’abord les infrastructures. Celles des
aéroports français sont particulièrement bonnes. L’Etat
devra veiller à les adapter en fonction de la croissance attendue,
afin notamment de préserver les possibilités d’accueillir
des vols long-courriers dans la perspective d’un redéploiement du
trafic aérien vers les principaux pôles régionaux,
en tenant compte des nuisances pour les riverains. Je tiens à souligner
à ce propos l’importance que j’attache à la maîtrise
de l’urbanisme autour des sites aéroportuaires, par les plans d’exposition
au bruit, et dans le prolongement, par des mesures spécifiques qui
pourraient être prises, par exemple dans le cadre de directives territoriales
d’aménagement (DTA).
L’adaptation des capacités aéroportuaires
n’est pas le seul instrument encore entre les mains de l’Etat. Ainsi, en
1994, le secrétaire d’Etat aux transports britannique a libéralisé
pour les compagnies américaines l’accès aux aéroports
régionaux, tout en maintenant les contraintes sur Heathrow et Gatwick.
Les conséquences de cette politique ont été très
positives pour les aéroports régionaux, qui offrent aujourd’hui
neuf liaisons quotidiennes vers les Etats-Unis. Cet exemple est à
méditer. La prise en compte de l’intérêt de développer
des liaisons aériennes long-courrier au départ des grandes
aires métropolitaines françaises, à l'occasion de
la négociation des accords aériens bilatéraux relatifs
aux droits de trafic, me semble une piste insuffisamment approfondie aujourd’hui.
2. Le développement des services ferroviaires rapides
Le développement des liaisons internationales ne
saurait toutefois ignorer les services rapides ferroviaires, qui contribuent
à la désaturation du mode aérien de deux façons
:
– par une offre alternative au transport aérien, lorsque l’échelle des temps et la massification des flux le justifient ; on estime que le report vers le mode ferroviaire devient significatif lorsque le temps de trajet ferroviaire passe en dessous de la barre des 3 heures ;
– par le développement de l’intermodalité
sur les places aéroportuaires, permettant des pré- et post-acheminements
par le mode ferroviaire en lieu et place des courts trajets aériens,
notamment dans le cadre d’accords commerciaux entre opérateurs aériens
et ferroviaires, en lieu et place également de l’utilisation de
la voiture.
En particulier, le développement des lignes nouvelles
ferroviaires tel que l’on peut l’imaginer à l’horizon des schémas
de services, devrait permettre de conforter un réseau ferroviaire
européen à grande vitesse permettant des services ferroviaires
rapides entre des pôles économiques européens tels
que : Paris – Francfort ; Paris – Lyon – Turin – Milan ; Francfort – Strasbourg
– Lyon ; Marseille – Barcelone ou Toulouse – Barcelone. Pour un certain
nombre de ces liaisons, le temps de parcours ferroviaire passerait en dessous
du seuil des trois heures, avec un report modal significatif du trafic
aérien vers le train.
Mais surtout, le développement de ce réseau,
comme les améliorations envisagées pour les services ferroviaires
nationaux, devrait permettre d’approfondir les complémentarités
entre avions et trains, par le développement de l’intermodalité.
Le succès des services combinant avions et trains
en correspondance dépend, non seulement de l’existence d’infrastructures
permettant ces correspondances, mais surtout de l’environnement commercial
qui les accompagne, en particulier l’information des voyageurs, la billétique
intégrée, ou la prise en charge des bagages tout au long
du parcours.
La signature d’accords entre la SNCF et des compagnies
aériennes a permis de lancer depuis 1994 cette dynamique sur l’aéroport
de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Mais ce développement de l’intermodalité
ne doit pas être l’apanage des aéroports de Paris. Aujourd’hui,
malgré l’investissement important réalisé dans la
gare TGV de Satolas, les trafics en correspondance entre TGV et avions
sont quasi-nuls sur l’aéroport lyonnais. Cet situation mérite
d’évoluer.
3. Des mesures visant à conserver le rôle
des aéroports d’Ile-de-France
Les efforts faits pour rééquilibrer la desserte
aérienne ne doivent pas occulter l'atout que constituent les plates
formes aériennes de l’Ile-de-France comme porte d’entrée
européenne du transport aérien mondial, garantissant ainsi
à la région capitale et à l’ensemble du pays une desserte
aérienne particulièrement étoffée.
L’objectif poursuivi est donc bien de conserver le rôle
joué par les aéroports de Paris, en renforçant les
moyens de réduire les nuisances. En particulier, l’engagement du
gouvernement de limiter le bruit dans l’environnement immédiat ne
saurait être remis en cause. Il faut au contraire poursuivre et renforcer
cet effort de maîtrise. Pour cela, la définition d’indicateurs
de bruit et de gêne sonore consensuels me paraît indispensable.
Chacun sait que les perspectives d’évolution tendancielle
des trafics attendus en 2020 sur les aéroports de Paris excédent
leur capacité et que des risques de saturation existent dès
le moyen terme.
C’est pourquoi, j’ai demandé au comité chargé d’élaborer les schémas de services de transport d’étudier des mesures à court et moyen terme propres à infléchir la croissance du trafic des aéroports de Paris, en sus du développement des relations aériennes directes à partir des aires métropolitaines aériennes, et de la valorisation de l’intermodalité entre le TGV et l’avion, que je viens d’évoquer. De telles mesures pourraient notamment viser :
- à optimiser l’utilisation des capacités existantes, en favorisant en particulier une augmentation de l’emport moyen des avions ;
- à faciliter la distribution d’une partie du trafic parisien vers d’autres aéroports du bassin parisien, comme cela a été amorcé pour les trafics spécialisés, avec l’accueil à Beauvais de trafic low-cost, ou avec l’ouverture de plates-formes spécialisées fret à Vatry et Châteauroux. Mais il est clair que ce desserrement ne saurait se faire au détriment des riverains de ces plates-formes et devrait s'accompagner d'un renforcement des exigences environnementales et des mécanismes de concertation, à l'instar de ce qui existe pour les grandes plates-formes.
À plus long terme, et dans la mesure où toutes les possibilités offertes par ces mesures auraient été épuisées, l’hypothèse d’un nouveau site pour le bassin parisien ne me semble pouvoir être envisagée qu’après avoir éclairé le débat sur le rôle que pourrait jouer une telle infrastructure par l'analyse des choix possibles en matière de localisation, d’aménagement et d’exploitation, au regard des stratégies des compagnies aériennes, des capacités de développement des aéroports régionaux , des potentialités offertes par l’intermodalité, et des progrès envisageables en matière de contrôle aérien. Ce débat ne concernera pas uniquement le bassin parisien. Il se pose avec la même acuité dans toute l’Europe des capitales, de Londres à Francfort, d’Amsterdam à Paris. Il me semble dès lors qu’il ne peut simplement demeurer un débat franco-français, mais doit être posé à l’échelle européenne.
J’ai eu l’occasion d’en discuter de façon très
directe avec Isabelle Durant, ministre belge des Transports, et vice-premier
ministre. Elle a expérimenté les difficultés liées
aux tentatives de maîtrise des circulations sur l’aéroport
de Bruxelles, notamment les vols de nuit. Elle a été intéressée
par ma suggestion, même si je vais au-delà de mes compétences
ministérielles. En effet, tous les ministres des Transports européens
sont confrontés aux mêmes questions. Il me semble que la première
question qu’on doit se poser, c’est de savoir si on est à la recherche
d’un aéroport de délestage au profit de quelques compagnies
secondaires pour écluser un petit peu du trafic supplémentaire,
ou si on est à la recherche d’un aéroport international de
stature européenne, et à ce moment-là, c’est intéressant
de mettre l’ensemble des ministres des Transports concernés autour
d’une table, et d’arrêter peut-être le lieu d’un aéroport
européen, même s’il est situé sur le territoire allemand,
belge ou français… À nous de chercher ensuite la meilleure
localisation pour cette nouvelle porte d’entrée, en Europe, du trafic
aérien international. C’est en tout cas une réflexion qui
doit être menée avant que des choix soient pris en faveur
de tel ou tel site au niveau national.
Vous aurez compris que pour moi, une décision en
faveur du site de Beauvilliers serait à la fois infondée
– compte tenu des conditions que je viens de rappeler – et contestable,
à la fois en termes d'aménagement du territoire et par ses
conséquences sur l'aggravation de la saturation des réseaux
terrestres.
Telles sont, à mes yeux, quelques-unes des exigences
d'un développement durable du transport aérien. La libéralisation
intervenue dans ce secteur ne doit pas constituer un prétexte au
laisser-faire, même si la nature de ce mode exige souvent une action
concertée au niveau international ou communautaire. Je me réjouis
à cet égard de l'intérêt croissant que porte
l'Union européenne à ce sujet. À la suite de la communication
de la Commission de décembre 1999 sur "transport aérien et
environnement", j'appuie très fortement l'idée d'une modulation
des redevances aéroportuaires en fonction des types d'avions ou
des horaires, qui doit être portée par la présidence
française. Vous savez sans doute, en outre, que le règlement
communautaire concernant les avions "hushkités" est entré
en vigueur depuis le 4 mai dernier ; il convient de rechercher activement
de nouveaux progrès. Je souhaiterais en particulier que la présidence
française soit l'occasion d'avancées concrètes sur
la réduction des vols de nuit – au niveau français dans un
premier temps, s'il n'est pas possible de le faire au niveau communautaire.
Les pouvoirs publics doivent mobiliser leurs moyens d'action
pour réduire les nuisances subies par les riverains, pour maîtriser
l'évolution de la demande en l'orientant vers la grande vitesse
ferroviaire chaque fois que c'est possible ; quant à la problématique
d'une nouvelle plate-forme, il convient d'éviter les présentations
simplistes tendant à opposer les riverains entre eux. J’ai cru comprendre
qu’au cours de cette journée, cette stratégie n’a pas été
complètement couronnée de succès. Encore faut-il que
les gens puissent se parler, et vérifier qu’ils possèdent
en commun de nombreuses raisons d’agir. J’en verrai une, plus particulièrement,
qui ne devrait pas être oubliée : c’est la question de savoir
quel est le choix de société que nous entendons faire, et
quelles sont les décisions politiques lourdes que nous aurons à
adopter en fonction des choix de société que nous retenons.
Pour moi, je le redis, au-delà de mes responsabilités d’aujourd’hui,
je continue à penser que l’augmentation de notre qualité
de vie, de notre confort de vie, l’efficacité socio-économique
du système, ne sont pas directement corrélées à
notre adaptation au nouveau contexte international qui nous est proposé
par de grandes compagnies dont c’est l’intérêt de court terme.
Une parole citoyenne, une parole politique au sens noble du terme, est
absolument indispensable à tous les stades de traitement de ce dossier.
Merci aux organisateurs de ce colloque d'avoir permis
de bien poser les termes du débat. J’ai cru comprendre que vous
alliez avoir d’autres occasions de vous exprimer dans les jours à
venir, avec des banderoles et des pancartes. C’est un mode d’action sur
lequel je ne pourrai malheureusement pas vous accompagner. Merci.
Marie-Hélène AUBERT - Merci d’avoir
participé à cet après-midi, rendez-vous pour les prochaines
manifestations et pour les prochains colloques qui ne manqueront pas d’avoir
lieu.