COLLOQUE

TRANSPORT AÉRIEN

ET

DÉVELOPPEMENT DURABLE
 
 
 
 

ACTES DU COLLOQUE DU 15 MAI 2000

A L’ASSEMBLÉE NATIONALE
 
 
 
 

Conception – organisation :

Yves Cochet, Marie-Hélène Aubert

Anne Boudou, Laura Morosini
 
 

Avec la collaboration de :

Marie-José Etienne, Thomas Lesay




INTERVENANTS

Marie-Hélène AUBERT, Jean-Félix BERNARD, Yves COCHET, Yves COUSQUER, Pierre GRAFF, Paul LANNOYE,

Guillaume PEPY, Emmanuelle ROGGERI,

Roberto SALVARANI, Pierre TROUSSET, Michel VALLET, Dominique VOYNET
 
 

S O M M A I R E
 
 

² ²²




INTRODUCTION Marie-Hélène Aubert, députée d’Eure-et-Loir
 
 

1ère Table ronde – Impacts du trafic aérien sur la santé et l’environnement.

Nuisances sonores et pollution atmosphérique
 
 

M. Yves Cochet, député du Val-d’Oise, vice-président de l’Assemblée nationale
 
 

M. Jean-Félix Bernard, Président du Conseil national de l’air, conseiller régional d’Ile-de-France

M. Pierre Graff, Directeur général de l’aviation civile, ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement

M. Michel Vallet, Chercheur à l’INRETS, chargé de l’enquête de gêne sonore autour de l’aéroport de Roissy

M. Roberto Salvarani, Chef de l’Unité " Environnement ", DG de l’Energie et des Transports, Commission européenne

  Débat avec la salle
 
 
 
 

2ème Table ronde – Quel aménagement durable du territoire face aux enjeux de la

mondialisation et à la croissance des flux de transports ?
 
 

Mme Marie-Hélène Aubert, députée d’Eure-et-Loir
 
 

M. Paul Lannoye, Président du groupe Vert au Parlement européen

M. Pierre Trousset, Président du Conseil économique et social de la région Centre

Mme Emmanuelle Roggeri, les Amis de la Terre

M. Yves Cousquer, Président d’Aéroports de Paris

M. Guillaume Pepy, Directeur général délégué clientèles, SNCF
 
 

Débat avec la salle
 
 

CLÔTURE DU COLLOQUE
Marie-Hélène Aubert, députée d’Eure-et-Loir
 
 

Mme Dominique Voynet,

Ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement
 
 
 
 
 

INTRODUCTION

Marie-Hélène AUBERT

Députée d’Eure-et-Loir








Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, Chers amis,

Personne ne conteste ici les services formidables que peut rendre l’avion, une des plus grandes inventions du siècle qui vient de s’écouler. Mais dans le contexte d’une libéralisation accrue et voulue des échanges commerciaux à l’échelle de la planète, dont nous montrerons d’ailleurs aujourd’hui quelques effets dévastateurs, la demande de transports a littéralement explosé, et notamment celle du transport aérien.
 
 

Malheureusement, ces flux de transport se sont développés sans qu’on s’interroge vraiment sur leur impact en termes d’aménagement du territoire et d’environnement, et sur leurs coûts induits : pollution de l’air, de l’eau, des sols, nuisances sonores, accidents, bitumisation croissante au détriment de terres agricoles, urbanisation mal maîtrisée, etc…
 
 

Par ailleurs, chaque mode de transport s’est développé en concurrence avec les autres, en raison d’administrations très cloisonnées, à la culture bien spécifique, et surtout en l’absence de vision globale, politique, d’une utilisation rationnelle, efficace, correspondant à de réels besoins, de l’ensemble des moyens de transport. Et ce, tant au niveau régional et national qu’européen. Le coût faible de l’énergie pétrolière, et la prise en charge par la collectivité des infrastructures routières et aéroportuaires comme des coûts externes, ont de plus largement favorisé le trafic automobile, et maintenant le trafic aérien. Cette situation aujourd’hui est devenue insupportable écologiquement, et même dangereuse à terme, économiquement.
 
 

En effet, la croissance du trafic aérien est telle, et son impact sur le cadre de vie si important, que depuis quelque temps, tout projet d’extension ou de création d’un nouvel aéroport suscite immédiatement, à juste titre, un véritable tollé des populations concernées, de moins en moins séduites par les taxes professionnelles et les emplois avancés par les promoteurs de ces projets.
 
 

Ainsi de l’extension de Roissy, ainsi de l’éventualité d’un troisième aéroport de Paris à Beauvilliers, sans rappeler l’épisode DHL à Strasbourg. À chaque fois, les riverains peinent à se faire entendre des pouvoirs publics, et ne sont que rarement consultés, ou alors une fois mis devant le fait accompli ! C’est pourquoi il y a urgence, notamment, à réformer les procédures d’enquête publique et à mettre en place des instances crédibles de concertation, bien en amont des projets.
 
 

Même la Commission européenne, pourtant d’inspiration libérale, a reconnu, dans une communication parue en décembre dernier, que l’organisation et la gestion actuelles du trafic aérien, assez anarchiques, comme l’impact de ce trafic sur l’environnement, et notamment sa contribution croissante à l’effet de serre, n’étaient plus acceptables et entravaient même la croissance, qu’elle juge nécessaire, du transport aérien. La Commission préconise ensuite toute une série de perspectives et de mesures pour remédier à ces graves déficiences. Elles seront certainement évoquées par certains orateurs cet après-midi.
 
 

Pour sa part, le gouvernement a, depuis juin 1997, entamé une politique beaucoup plus volontaire en matière de complémentarité des modes de transport, de réduction des nuisances, de revalorisation du rail, d’aménagement équilibré du territoire, que décrira tout à l’heure Dominique Voynet, qui nous fait l’honneur de conclure ces débats. Les parlementaires que nous sommes ont ainsi adopté, à travers la loi sur l’aménagement du territoire votée l’an passé, des principes pourtant clairs : nécessité d’élaborer des schémas de services de transport cohérents, mettre fin à la concentration de la région parisienne (unanimement dénoncée), favoriser l’optimisation des infrastructures existantes avant d’envisager toute construction nouvelle, organiser la concertation avec tous les intéressés, développer des transports plus écologiques et réduire les pollutions.
 
 

Nous y voilà. Ces schémas de services, concernant le transport aérien, correspondront-ils à nos attentes ? Quelles politiques faut-il mettre en place pour atteindre les objectifs fixés ? Que serait l’aéroport idéal, en termes écologiques et économiques, de demain ? Ou bien va-t-on nous expliquer une fois de plus que l’explosion du trafic aérien, comme la concentration parisienne, relèvent de la fatalité ou des particularismes bien français ? Et toujours remettre à plus tard ou à un autre niveau les mesures qui permettraient de réduire efficacement les nuisances importantes et insupportables du transport aérien ?
 
 

Nous nous refusons, pour notre part, à ce défaitisme, et c’est la raison pour laquelle nous organisons cet après-midi de débat, au moment où des décisions extrêmement importantes pour notre avenir commun s’élaborent dans les cabinets ministériels et à la veille de nouvelles manifestations.
 
 

Avenir commun, j’insiste, car nous refusons d’opposer les préoccupations des habitants du Val-d’Oise à celles des habitants de l’Eure-et-Loir, que nous représentons en partie ici, et nous voulons montrer qu’une politique cohérente et réfléchie en matière de transport aérien est possible, en dépit d’un contexte de compétition économique acharnée et de dérégulation, que nous contestons par ailleurs. Un nouvel aéroport dans le bassin parisien ne soulagerait guère les riverains de Roissy, car il provoquerait inévitablement une augmentation globale du trafic, et bouleverserait à coup sûr tout l’ouest du bassin parisien déjà saturé, sans même parler des risques que cette nouvelle plate-forme ferait courir pour l’avenir d’Orly, comme d’Air France d’ailleurs.
 
 

Voilà donc les sujets que nous aborderons cet après-midi.
 
 

Nous tenons à remercier chaleureusement les intervenants d’avoir accepté de participer à ce débat, que nous espérons particulièrement riche et constructif, et l’assistance nombreuse nous montre que les attentes sont grandes en la matière.
 
 

Je laisse à présent la parole à Yves Cochet, qui animera la première table ronde.
 
 



PREMIÈRE TABLE RONDE

Animée par Yves Cochet

Député du Val d’Oise
 
 

Impact du trafic aérien sur la santé et l’environnement








Yves COCHET - Je vais me borner à énoncer quelques chiffres, que certains d’entre vous connaissent, mais qui montrent la croissance du trafic aérien à l’échelon mondial, et notamment à l’échelon européen.
 
 

Première constatation : entre 1990 et 1998, le trafic aérien s’est accru de 6,5 % par an (le nombre de vols), ce qui n’implique pas une augmentation identique de passagers. Prenons l’exemple de Strasbourg : 8,3 % de mouvements supplémentaires enregistrés entre 1996 et 1997, mais seulement + 1,9 % de passagers. Nous avons lu dans " Entre Voisins " (le magazine d’ADP), le dernier chiffre d’évolution du trafic de Roissy. Il est en augmentation de 16,3 % pour les deux premiers mois de l’année 2000, comparé aux deux premiers mois de 1999. Alors que si on compare les deux premiers mois de l’année 1998 et les deux premiers mois de l’année 1999, ce chiffre n’est que de 3,7 %.

Deuxième point : le niveau sonore. Le niveau sonore d’un avion de dernière génération, du type A330 par exemple, est de 80 dB pendant le décollage à 700 mètres de distance, et le rythme de décollages approche maintenant un avion toutes les 2 minutes à Roissy. Plus d’un million d’habitants sont touchés sur la seule région d’Ile-de-France, soit un Francilien sur 10 concerné par les nuisances sonores.
 
 

Troisième série de chiffres : en 1990, 12 % des hydrocarbures utilisés par l’ensemble des moyens de transport au niveau mondial étaient affectés aux avions. Ce chiffre atteindrait 27 % en 2005 (selon des prévisions). À ce sujet, vous savez que la convention de Chicago de 1944 stipule qu’aucune taxe ou charge ne peut être imposée sur le trafic aérien, ce qui interdit de taxer le kérosène. Mais il y a un projet de la Commission européenne, qui envisage de créer une taxe de 245 euros par tonne de kérosène à partir de 2002. Cela pourra-t-il avoir lieu ? Nous le verrons.
 
 

Quatrième série de chiffres : en 1995, le transport aérien mondial émettait déjà 555 millions de tonnes de CO2, soit autant que toute la Grande-Bretagne pour l’ensemble de ses transports. Bien sûr, à performance égale, un réacteur d’avion d’aujourd’hui consomme 70 % d’hydrocarbures en moins que son équivalent en 1960. Evidemment, en quarante ans, la technologie a fait quelques progrès. Et les émissions d’oxyde d’azote ont elles-mêmes diminué d’environ 30 % en trente ans. Mais cela est largement compensé hélas ! par l’explosion du trafic, qui annihile ces améliorations de performance purement technologiques.
 
 

Cinquième série de chiffres : sur les trajets de courte distance, l’avion consomme quatre fois plus d’énergie que le train. Or, près de la moitié des voyages en avion s’effectuent sur des distances inférieures à 800 km. De la même manière, il est plus facile de réduire, ou même de supprimer un bruit ferroviaire qu’un bruit aérien.
 
 

Quelques conclusions, sous forme interrogative (les intervenants et le débat montreront les questions et éventuellement les propositions que nous avons à faire) :
 
 

  1. Il faudrait réduire le nombre d’avions, pour réduire les nuisances sonores. Mais cela est peu probable. Il faudrait donc plutôt tendre vers un rééquilibrage, notamment sur les courtes distances. On verra ce point en termes d’aménagement du territoire, dans la seconde table ronde.

  2.  

     
     
     

  3. L’évolution technologique des avions permettra sans doute de diminuer le niveau de bruit émis et les émissions de polluants. La Commission européenne a mis en place un programme de recherche en 1998, qui vise, en sept ans, à réduire d’au moins 6 dB cette nuisance sonore. Ce programme est financé pour moitié par les industriels.

  4.  

     
     
     

  5. Enfin, il y a les procédures opérationnelles de moindre bruit : pentes d’atterrissage et de décollage, trajectoires, guidage. Actuellement, on a un système de guidage ILS, qui pourrait être remplacé par un guidage DGPS (differential global positioning system), système de guidage par satellite qui permet de guider des avions sur des couloirs incurvés en toute sécurité.

  6.  

     
     
     

J’aurais voulu évoquer d’autres points, que je connais particulièrement et qui me sont très sensibles en tant qu’habitant du Val-d’Oise : la situation spécifique de l’aéroport de Roissy ; le plan Gayssot du 23 septembre 1997 ; la création de l’ACNUSA (autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires) ; le dispositif d’aide financière aux riverains ; et enfin la dimension européenne, dont parleront nos invités, notamment MM.  Salvarani et Paul Lannoye, président du groupe des Verts au Parlement européen. Ni l’un ni l’autre, je pense, ne sont venus en avion de Bruxelles.
 
 

Sans transition, je laisse la parole au premier orateur de cette première table ronde.
 
 
 
 

Jean-Félix BERNARD, Président du Conseil national de l’air et conseiller régional d’Ile-de-France

Quelques chiffres et rappels. La partie nuisances dans l’air en termes de pollution par les avions est plus récente que les autres nuisances. Par exemple, le premier survol de Paris a été effectué par Charles de Lambert sur un biplan Wright en 1909, et il a fallu attendre 1948 pour qu’il y ait interdiction de survol de la capitale, suite à de nombreuses plaintes de riverains. Cela donne une idée du temps nécessaire pour avoir une réaction législative par rapport à des nuisances concrètes. De même, pour la pollution de l’air due aux avions, il a fallu aussi attendre les années 1980 que l’organisation de l’aviation civile réglemente et adopte des normes d’émissions, et que l’on puisse disposer ainsi d’une réglementation en termes d’objectifs. Les objectifs portent notamment sur l’an 2000, donc commencent à s’appliquer pour avoir des diminutions d’émissions unitaires. Tout cela est un débat récent, et peut donner la sensation qu’on prend l’avion en marche.
 
 

Petit rappel (non exhaustif) sur les polluants.
 
 

Les moteurs d’avions, comme tous les moteurs thermiques, émettent principalement les composants polluants suivants :

  1. les oxydes d’azote ;
  2. le monoxyde de carbone ;
  3. les hydrocarbures et COV (composés organiques volatils) ;
  4. les particules solides, et notamment les micro-particules ;
  5. un peu de dioxyde de soufre (de moins en moins) ;
  6. du CO2, peu toxique mais problématique pour l’effet de serre.

  7.  

     
     
     

Les oxydes d’azote et les émissions particulaires prédominent à régime élevé, c’est-à-dire, concrètement, pour les décollages et sur la montée. Au roulage, ce sont plus les COV, pour cause de combustion incomplète des carburants. On les sent d’ailleurs dans les aéroports, ce n’est pas un hasard si une partie de ces composés s’appellent des composés aromatiques. C’est cette odeur typique qu’on trouve à proximité des aérogares, due essentiellement au roulage des avions. Concernant les COV et les oxydes d’azote, l’interaction des deux produit de l’ozone, selon un phénomène assez compliqué.
 
 

En ce qui concerne les incidences sur la santé, l’ozone et les oxydes d’azote sont des irritants et des oxydants puissants et dangereux pour la santé, mais aussi nuisibles pour la végétation. Ils ont aussi la particularité de manifester une dégradation générale de la qualité de l’air. On sait qu’avec ce type d’émissions, on a aussi autre chose dans l’air.
 
 

Les hydrocarbures et les COV présentent, pour certains, des risques cancérigènes. Le monoxyde de carbone est très toxique, mais heureusement il est aussi très instable et semble rester dans des limites acceptables au niveau des aéroports (sous réserve d’études complémentaires).
 
 

Enfin les particules très fines, ou les microparticules, qui peuvent être entraînées très loin et rester en suspension longtemps, du fait de leur finesse, sont devenues un problème de santé publique par leur pénétration profonde dans les voies pulmonaires. On connaît la situation pour le diesel, notamment en termes pathologiques et de nombre de décès prématurés. Accessoirement, ces microparticules sont mises en cause par certains climatologues et météorologues sur la formation de brouillard et la diminution de la pluviométrie, parce que ces petits noyaux carbonés ont tendance à agréger les molécules d’eau, ce qui fait qu’elles restent en suspension. Cela aboutit souvent à des brouillards. Récemment, sur les deux brouillards successifs très importants qui ont eu lieu sur l’aéroport de Nice, certains météorologues mettent en cause la pollution microparticulaire comme facteur aggravant.
 
 

À partir de l’effet de ces émissions sur la santé, quelques évidences semblent simples à comprendre et expliquent pourquoi la pollution de l’air due aux avions est un problème assez sérieux.
 
 

Citons en premier lieu les avions commerciaux. D’après les données des fabricants, ils consomment en moyenne 5,2 litres de carburant par place de passager occupée aux 100 km et ne peuvent avoir de système de filtre comme les pots catalytiques ou les filtres à particules. En conséquence, même si leur combustion est meilleure que celle des véhicules routiers, les émissions de polluants restent dans les mêmes ordres de grandeur que ceux des véhicules routiers. La comparaison est assez simple : imaginez la qualité de l’air si les automobiles actuelles consommaient environ 25 litres aux 100 kms sans aucun équipement de filtrage des polluants. Il est assez facile de comprendre que la contribution à la pollution de l’air, par passager transporté, est forte. Les chiffres donnés par le président Cochet montrent assez bien qu’il s’agit d’un problème quantitatif assez sérieux.
 
 

Dois-je rappeler aussi le coût externe de cette pollution ? Ce n’est pas uniquement des gênes respiratoires, de petites pathologies, voire parfois plus sérieuses pour des personnes fragiles. C’est aussi un coût financier pour la collectivité. Il faut bien que quelqu’un paye l’excès de pathologies dues à la pollution. En 1996, la municipalité de Zurich, avant de mettre en place une réglementation plus sévère sur l’aéroport de Zurich en termes de pollution de l’air, avait chiffré entre 20 et 80 FS (soit entre 80 et 320 FF) le coût par kg d’oxyde d’azote émis (or les quantités se comptent en milliers de tonnes sur des aéroports importants). Et de 10 à 25 FS le coût par kg de COV émis. Chiffres qui tenaient compte naturellement des maladies respiratoires et des pathologies, mais aussi des pertes agricoles, relativement significatives pour les pointes d’ozone, et aussi du coût supplémentaire pour l’entretien des bâtiments salis par la pollution particulaire. Le rapport coûts/profits montre assez nettement que la plupart des mesures de lutte contre les nuisances de pollution de l’air par les infrastructures aéroportuaires sont positives pour la collectivité. La question étant toujours de savoir qui paye.
 
 

Ces pollutions sont souvent considérées sous l’angle de la pollution de proximité, du moins de celle émise à moins de 1.000 mètres. Il ne faut bien entendu pas oublier (cela a été rappelé) la pollution diffuse à haute altitude, qui contribue négativement à l’effet de serre, à la destruction de la couche d’ozone, et de manière générale à la pollution globale de notre planète. J’interviendrai plus sur la partie locale, mais il ne faut pas oublier la pollution globale. Les polluants émis dans la haute atmosphère représentent environ 75 % des émissions des avions. Il n’en reste pas moins que 25 % de ces polluants sont plutôt émis en basse atmosphère, au décollage et au roulage, et cela concerne de manière concrète les habitants et riverains des aéroports.
 
 

Prenons l’exemple de l’Ile-de-France. La moitié des carburants vendus en Ile-de-France sont utilisés par l’aviation. Cela vous donne une idée de la masse de carburants. Sachant que 75 % de cette moitié seront utilisés hors Ile-de-France. Cette comparaison entre le trafic routier, qui consomme la plus grosse partie du reste du carburant, est intéressante car si le trafic routier en Ile-de-France reste dominant en termes de pollutions locales, ses marges de diminution sont beaucoup plus importantes, et beaucoup plus rapides que celles des avions. Les voitures ont des pots catalytiques, alors qu’il est impossible, pour l’instant, de mettre un pot catalytique ou un filtre à particules à la sortie des réacteurs. On peut constater une baisse forte, unitaire, par véhicule neuf, les avions n’en sont pas là en termes de baisse. Accessoirement, le trafic croît plus vite pour les avions que le trafic automobile, qui progresse environ de 2 % par an, au lieu de 10 % pour le trafic aérien.
 
 

Les conditions sont donc réunies, si un effort important n’est pas fait , pour faire apparaître le trafic aérien comme étant le mauvais élève du développement durable, que ce soit sur un plan global ou local. Pour reprendre l’exemple de l’Ile-de-France, voici quelques chiffres communiqués par le Plan régional pour la qualité de l’air (PRQA), qui est en finalité d’élaboration, mais sur lequel les chiffres sont stabilisés : en 1994, les émissions d’oxyde d’azote par le transport aérien à 1 000 m représentaient 4 900 tonnes, essentiellement pour Roissy et Orly. Malgré toutes les améliorations apportées aux réacteurs, la prévision pour 2005 est d’environ 5 500 tonnes, soit une augmentation d’environ 12 %. Parallèlement, pour l’automobile, les émissions d’oxyde d’azote sont plutôt à la baisse sur cette période. Cette montée montre que, malgré les efforts, on assiste à une augmentation forte sur la partie aéroportuaire et sur les consommations des avions. Les constructeurs affirment que cela baissera après 2005. Nous verrons, mais pour l’instant cela reste quand même en augmentation. Naturellement, si l’on veut avoir une approche globale, il faut ajouter aux émissions générées par les avions les émissions générées par l’ensemble des activités aéroportuaires qui sont, à l’heure actuelle, aussi importantes que celles des avions : circulation pour amener les voyageurs, véhicules d’aéroport… Cette partie représente la moitié des émissions et nécessite donc une approche globale en termes de pôle d’émission.
 
 

Toujours sur la pollution de proximité, citons les chiffres d’Aéroports de Paris (ADP) sur les oxydes d’azote, qui est un bon révélateur de pollution. Les mesures effectuées à proximité de Roissy montrent assez clairement qu’il n’y a pas de tendance à la baisse ces dernières années. Et il n’est pas impossible que les objectifs de qualité définis par la Commission européenne soient dépassés au niveau de la pollution annuelle.
 
 

Je passe sur l’exemple zurichois, et la façon dont l’aéroport de Zurich a mis en place une taxe sur la pollution des avions. C’est un exemple novateur et intéressant, qui fonctionne depuis 1996 et n’a pas empêché le dynamisme. Je vous en reparlerai lors du débat. Je passe aussi sur les recommandations du CNA, qui a naturellement demandé dans ses avis d’intégrer les aéroports dans les sources d’émissions, tant pour les PRQA que pour les problèmes de pollution due à l’ozone.
 
 

Conclusions :

  1. La contribution du pôle aéroportuaire à la pollution de l’air est démontrée, mais pas encore suffisamment surveillée et mesurée.
  2. Ce n’est pas seulement une pollution diffuse et planétaire, il y a aussi des pointes de pollution locale, avec les atteintes sur la santé qui vont avec.
  3. Les activités aéroportuaires sont étroitement liées à la montée des émissions, et donc doivent être intégrées totalement dans la réflexion.
  4. Il y a une inégalité forte devant la taxe sur les carburants et les contraintes de réduction des émissions entre les différents modes de transport et les avions.
  5. Enfin, les préoccupations liées à la qualité de l’air appellent le plus souvent les mêmes solutions que celles nécessitées pour la lutte contre l’effet de serre ou contre le bruit. Quand on améliore l’air, on réduit aussi d’autres nuisances.

  6.  

     
     
     

Le progrès se mesure à l’aune des avantages qu’il apporte et aux inconvénients qu’il génère. Dans le domaine de la pollution de l’air due au transport aérien, je pense qu’il y a encore de gros progrès à faire.
 
 

Pierre GRAFF, Directeur général de l’aviation civile (DGAC) au ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement
 
 

Première remarque sur les éléments du contexte. Vous l’avez vous-même souligné, M. le Président : le trafic aérien explose, c’est un fait, et sur une longue période. Sur la période 1975-2000, la croissance moyenne était de 5,9 % par an en passagers. Il y a peu d’exemples d’activités humaines qui se développent à ce rythme-là. Si on regarde ce qui se passe sous nos yeux en ce moment, on était à des pourcentages de 9 % l’an dernier, et sur les quatre premiers mois de cette année 2000, nous sommes actuellement à une tendance à peine plus faible. Je n’insiste pas sur ces statistiques, qui nous interpellent, en tant qu’organisation de la société.
 
 

Une information mal connue : il faut toujours regarder la croissance du nombre de passagers, mais aussi la croissance du nombre des mouvements d’avion, celle-ci étant davantage corrélée à la gêne que le nombre de passagers. Ces dernières années, suite aux charmantes initiatives de nos amis de Bruxelles, la dérégulation a fait que les compagnies aériennes recherchaient à tout prix des fréquences, multipliaient les fréquences (pour satisfaire leur clientèle, disaient-ils), et on assistait à une augmentation du nombre de mouvements d’avions beaucoup plus rapide que celle du nombre de passagers. Ce n’est plus exact, depuis deux ans la tendance s’est inversée, de nouveau le rythme des mouvements d’avions croît moins vite que celui du nombre de passagers, parce que la course à la fréquence se stabilise, parce que la rareté (les ressources rares) fait que les compagnies aériennes sont forcées de revoir les tailles d’avions, et parce que la rentabilité oblige à remplir les avions. Cette inversion de tendance n’a pas encore été repérée par les médias, mais bien par les statisticiens. Ce n’est pas sans importance pour la suite.
 
 

Deuxième considération, c’est une banalité, mais il faut l’avoir en tête, parce que c’est un phénomène très européen et très français : nos aéroports sont très insérés dans le tissu urbain. Nous n’avons pas beaucoup d’aéroports à la campagne. Cela complique singulièrement les choses pour les pollutions de proximité. Ce qui est inquiétant dans le fonctionnement global de notre société, c’est que même si l’on prend la précaution de construire les aéroports relativement loin des sites urbains, on constate avec le temps un grignotage progressif de l’urbanisation qui se rapproche, et ce malgré les nuisances. Les exemples sont nombreux, vous en connaissez tous ici.
 
 

En tant qu’acteur non politique, j’observe les choses avec recul et je suis parfois dérouté. Vous n’imaginez pas le mal que l’on peut avoir à convaincre (et là j’interpelle les élus) qu’il faut savoir se montrer restrictif et protecteur lorsqu’il existe une infrastructure qui émet des pollutions, et qu’il faut à tout prix éviter d’exposer inutilement les populations au bruit et aux pollutions. Cette évidence n’en est pas une dans la vie quotidienne, et les permis de construire se multiplient, et les extensions de plans d’exposition au bruit sont difficiles à faire dans notre pays, et suscitent des débats difficiles qui placent les élus locaux dans des positions souvent délicates. Il est difficile d’étendre un plan d’exposition au bruit. Evidemment, derrière cela, c’est la possibilité de construire et c’est la valeur des sols et des biens. Dans un débat de société, il faudra bien qu’un choix clair soit fait, et qu’on choisisse entre la valeur des biens et d’éventuelles atteintes à la santé publique, puisque tel est le thème de cette première table ronde.
 
 

Troisième remarque : dans ce paysage complètement noir, de fin du monde, il faut aussi souligner que les avions sont de moins en moins bruyants et de moins en moins polluants. Il faut 125 Airbus A320 pour émettre l’énergie sonore d’une Caravelle. J’ajoute que les mesures prises au niveau international par l’OACI sont d’une certaine efficacité. Cela a pris du temps, car il y a 185 Etats, mais la décision qui consiste à évacuer les avions dits du chapitre 2 (les plus polluants sur le plan sonore) à partir du 1er avril 2002 est une très bonne décision, dont on mesure concrètement les fruits. Un règlement européen concernant les atténuateurs de bruit vient d’entrer en vigueur le 4 mai, non sans beaucoup de difficultés, et j’espère que ce règlement européen sera l’occasion pour les techniciens de l’aéronautique de continuer à discuter au sein de l’OACI pour aller bien au-delà de cette simple règle de non-addition des avions munis d’atténuateurs de bruit, pour aller vers l’énoncé d’un chapitre qu’on pourrait appeler " 4 ", qui serait beaucoup plus ambitieux au plan international que le chapitre 3 actuel. Les avions sont aussi moins polluants, ainsi pour les oxydes d’azote (la pollution la plus dangereuse), la réduction sur les trois dernières années est de 60 % grâce à la modernisation de la flotte. Ce n’est pas pour m’extasier sur les progrès technologiques, mais c’est certainement, sauf à arrêter l’aviation, une des sources les plus fécondes et les plus riches. Il y a encore du grain à moudre de ce côté-là.
 
 

Ma quatrième remarque concerne les évolutions récentes en matière de gêne sonore. Ce sont des disciplines et des préoccupations un peu plus neuves que pour d’autres modes de transport. La " boîte à outils " des actions à mettre en œuvre est encore relativement restreinte, jeune et parfois balbutiante. Cela étant dit, j’adhère aux propos du président Cochet qui a bien cité les outils dont on dispose aujourd’hui, féconds aussi à terme, pour essayer de contenir autant que faire se peut les effets pervers ou négatifs du développement de l’aviation. 1. Les améliorations technologiques (chapitre 2…). 2. Les sanctions. Jusqu’à présent, il n’était pas envisageable de sanctionner une compagnie aérienne ou une équipe de pilotage pour son comportement, c’est devenu possible aujourd’hui et constitue une petite révolution culturelle. Ce système fonctionne notamment à Roissy. Les sanctions montrent leur efficacité. La persuasion est une chose, la pédagogie aussi, mais il faut également manier ce genre de sanctions. C’est un dispositif de pénalités administratives, donc beaucoup plus rapide que le système judiciaire. Les pollueurs ressentent immédiatement l’effet de leurs actes et non pas trois ou quatre ans après. J’observe que les infractions, en un an et demi, ont diminué à peu près de moitié, ce dispositif de sanctions est donc efficace. Je rappelle qu’il a été majoré par le Parlement au mois de juillet 1999, et qu’il est maintenant non plus entre les mains du gouvernement, mais entre celles de l’ACNUSA, l’autorité indépendante.
 
 

Pour autant, les résultats sont mitigés. À Roissy, il est exact que l’énergie sonore globale a plutôt diminué depuis 1997. Mais la " sensibilité " aux nuisances n’a jamais été aussi forte. Ce qui nous ramène à une question compliquée qui interpelle les pouvoirs publics et les pouvoirs politiques : comment faire pour caractériser correctement la gêne sonore ? L’énergie globale émise, manifestement, ne suffit pas. Là aussi, nous sommes dans un domaine adolescent, balbutiant. Sur les sites de Roissy et d’Orly, une étude assez complète a été lancée, sous forme d’interviews des populations gênées (1 500 personnes). Il reste à corréler les mesures in situ et la gêne sonore, cette corrélation sera terminée d’ici l’été, et l’ACNUSA jugera alors ce qu’elle doit faire de ces résultats.
 
 

Conclusion : l’environnement devrait être au cœur de la politique aéroportuaire. Jusqu’à présent, les axes politiques utilisés étaient relativement frustes et se limitaient à la " réparation ", aides aux riverains pour s’insonoriser, il s’agissait là de la maîtrise de l’urbanisation (mais je vous ai dit en préambule le succès qu’il fallait accorder à cette politique), et aux progrès technologiques. Il faut aujourd’hui compléter par d’autres atouts : 1. Il faut absolument agir sur l’exploitation des aérodromes, je pense aux procédures d’approche, mais aussi aux accès (la moitié de la pollution atmosphérique est due à l’accès aux aérodromes, comme l’a dit Jean-Félix Bernard). 2. Deuxième axe : l’intermodalité avec le rail. Cela pose le problème du développement du rail en Europe. Sur les courtes et moyennes distances, il est clair que le train à grande vitesse est préférable à l’avion. Et c’est le directeur de l’Aviation civile qui le dit. 3. Troisième axe : il faut favoriser un débat transparent, impartial et objectif, c’est pourquoi je suis venu à cette table ronde ; c’est pourquoi le Parlement a voté l’ACNUSA. Il faut continuer à développer des outils techniques qui permettent de corréler en permanence la gêne ressentie avec les trajectoires réellement suivies, afin que les riverains sachent exactement ce qui se passe au-dessus de leurs têtes.
 
 
 
 

Yves COCHET - Puisque vous êtes, M. Vallet, chargé de l’enquête de gêne sonore autour de l’aéroport de Roissy, quelles sont vos conclusions (provisoires) sur ce point ?
 
 
 
 

Michel VALLET, Chercheur à l’INRETS, chargé de l’enquête de gêne sonore autour de Roissy
 
 

Ce que nous essayons de faire est assez simple : 1. Décrire cette gêne que ressentent les riverains. 2. Examiner si elle peut avoir des incidences sur la santé.
 
 

Décrire la gêne ressentie n’est pas le seul but. Il est utile de disposer d’un outil technique utilisable pour définir ce qu’on peut faire dans les zones autour des aéroports. Cet outil doit d’abord représenter la gêne ressentie par les riverains. Il peut avoir d’autres qualités (facile à prévoir, à calculer). M. Graff a déclaré qu’il y avait une certaine adolescence en ce domaine. Entre le milieu des années 1960 et le début des années 1990, le même bruit engendrait une gêne relativement stable. Les courbes de gêne en fonction du bruit étaient stables, quelle que soit la façon dont le bruit était mesuré. Et l’on trouvait dans ces courbes, des points d’inflexion qui permettaient de dire, visuellement et mathématiquement, là où la population commençait à être plus gênée. Depuis le début des années 1990, les liaisons entre le bruit émis et la gêne deviennent plus dispersées. L’enquête confiée par les ministères a eu une visée géographiquement très large. Nous sommes allés jusque dans la boucle de la Seine, la vallée de Montmorency… où a priori on estimait qu’il n’y avait pas de bruit. Les mesures ont montré qu’il y avait un certain niveau de bruit. Il faut savoir jusqu’où il faut réfléchir à l’urbanisation, à la conception des logements et à la réparation des logements existants. Mais cela est déjà bien en route, même si, comme j’ai pu le constater à cette dernière commission de Roissy, les attributions des aides apportées aux riverains ne vont pas très vite.

On s’est aperçu qu’il y avait une plus grande sensibilité de la population au bruit des avions. Cette sensibilité n’est pas homogène, elle est le fait des classes moyennes et des classes aisées. Au cours des années 1990, les classes modestes avaient d’autres préoccupations : l’emploi, l’éducation des enfants…
 
 

Plus objectif : chacun d’entre nous subit une multi-exposition au bruit. Quand on passe l’aspirateur, on subit un certain niveau de bruit, très proche de soi… Il y a quelque chose de difficile à mesurer, qui est bien du domaine de la psychosociologie. Quand on m’a demandé d’évaluer l’étude faite par ADP il y a quatre ans pour prévoir les nouvelles pistes à Roissy, l’objectif en termes de trafic était de 495 000 mouvements à l’horizon 2010. Or il y a une croissance du trafic forte, puisque dès 1999, on est déjà à 460 000 mouvements. On comprend donc que les riverains soient inquiets, et se demandent où ça va s’arrêter.
 
 

Je citerai un exemple allemand : à Düsseldorf, le bruit est contrôlé depuis 1987, et une baisse régulière est constatée, certes au compte-goutte (0,5 dB par an), mais perceptible sur 12 ans. Cela se ressent dans les appareils de mesure, mais pas dans l’opinion publique. On a montré que pour le bruit routier, il fallait une décroissance nette, du jour au lendemain (mur anti-bruit…), pour que la perception de la diminution se fasse, mais aussi pour que la gêne décroisse. Pour l’avion, c’est très progressif, et cela rend la gestion de la gêne sonore très difficile.
 
 

Concernant la perception de la population, une opinion est relativement répandue : environ 15 % de la population interrogée estiment que les autorités ne font pas assez pour prendre en compte le bruit. Ces personnes expriment une gêne supérieure, à niveau de bruit égal. Dans la nature de la gêne, il y a donc des dimensions psycho-sociologiques, d’information, de management des problèmes aéronautiques, qui font que la gêne peut varier, non avec le bruit, mais avec ces opinions.
 
 
 
 

Roberto SALVARANI, Chef de l’Unité Environnement à la Direction générale de l’Energie et des Transports, Commission européenne

Mon rôle dans la nouvelle unité créée cette année à la Commission consiste à intégrer la dimension environnementale dans les politiques de transport et d’énergie. Nous devons abandonner ce qui a été une approche de politique de développement écologiquement durable à une politique dans laquelle on parle exclusivement de développement durable. Il faut intégrer non seulement l’angle environnemental, mais aussi les aspects économiques et sociaux. C’est la recherche, difficile, du bon équilibre entre ces trois facteurs qui doit déterminer une bonne politique, une bonne stratégie, à l’échelle européenne, mais aussi à l’échelle nationale, régionale et locale. Si un de ces facteurs n’est pas correctement pris en compte, les autres aspects en paient le prix. Le juste équilibre est le but, non seulement de la DG TREN, mais également l’un des objectifs prioritaires de la politique de la nouvelle Commission.
 
 

Vous m’excuserez si je ne tente pas d’apporter des solutions car cette unité n’existe que depuis quelques mois. Mon activité consiste à être à l’écoute des citoyens d’abord, mais aussi de l’industrie, des ONG, et des autorités nationales et locales.
 
 

La Commission européenne ne tentera de résoudre les problèmes locaux, elle cherchera plutôt des approches qui apportent de la valeur ajoutée au niveau d’intervention, de mesure ou d’action, à l’échelle communautaire, en laissant les autorités locales jouer leur jeu là où se trouve leur domaine de compétence.
 
 

Ce qui a manqué dans certaines des interventions que j’ai entendues, ce n’est pas seulement la croissance du transport aérien, mais la mention du retard des vols. En tant que citoyen qui utilise l’avion, l’Europe voyage avec 7 000 vols par jour en Europe, 32 % de vols enregistrent un retard de plus d’une demi-heure. La congestion de l’espace aérien est donc parmi les facteurs d’inefficacité du système, qui contribue directement à créer un développement non durable.
 
 

C’est la toile de fond sur laquelle les initiatives seront prises. La première : la recherche pour arriver à déterminer ce que Mme de Palacio, ma vice-présidente appelle un " ciel uni ", un espace aérien commun, qui ne soit plus une simple coordination des actions menées à l’échelle nationale. Si ce système était bon dans le passé, la pression par l’augmentation des vols est telle que ce système n’est plus suffisant. Il faut arriver à une approche commune, avec une recherche d’efficacité à la base.
 
 

En ce qui concerne l’environnement, l’impact est local (bruit, pollution), mais aussi global (effet de serre). L’aviation est d’abord une activité industrielle à l’échelle mondiale, des organismes mondiaux existent, au sein desquels opèrent les Etats membres, ce qui rend plus difficile la recherche de solution, car des solutions mal choisies auraient un impact négatif sur la compétitivité de notre industrie. Encore une fois, il nous amènerait à une situation qui n’est pas positive pour le développement durable des trois facteurs. Donc un poids supplémentaire dans la recherche de solutions.
 
 

Venons-en aux changements climatiques. Combien d’entre vous ont saisi la difficulté de ces problèmes ? Il y a une augmentation de la concentration de CO2 à une vitesse telle qu’elle n’est plus soutenable par la nature. Depuis le début de l’ère industrielle, le taux de croissance de cette concentration fait qu’en 2030, elle aura doublé. Si on arrive à doubler cette concentration, l’impact sur les climats ne sera pas soutenable par la nature. La nature aujourd’hui peut vivre et donc suivre les changements que l’homme lui apporte s’il y a une augmentation d’un degré tous les 100 ans. Aujourd’hui on marche, selon les scientifiques, à 1 degré tous les 10 ou 30 ans, loin de ce que la nature peut soutenir. De là les conséquences négatives sur la sécheresse, les cyclones (la France en a été victime récemment), etc. Il existe une forte menace dans 20 ans, peut-être 30 ans. Il faut que les générations d’aujourd’hui (citoyens, autorités, industriels) participent au règlement de la note, investissent aujourd’hui pour éviter le cataclysme dans 30 ou 40 ans. Un choix politique très difficile (applaudissements).
 
 

Dans ce domaine, l’Europe s’est engagée à Kyoto à moins 8 % d’émissions en 2010, soit environ 250 millions de tonnes de CO2 en moins. C’est un fort engagement, mais loin d’être suffisant. L’effort que nous devons demander aux industriels est très grand pour faire un petit pas. Si on passe 2010 et qu’on s’arrête, on rate tout. Difficile de trouver la solution, d’autant que les tendances indiquent clairement que si on ne prend pas des mesures, au lieu de – 8 %, on sera à + 7 % en 2010, soit environ + 500 millions de tonnes de CO2.
 
 

Le transport est le secteur qui contribuera pour 40 % à l’augmentation sur cette décennie. Dans le secteur de l’énergie, on a une stabilité, mais le transport suit de très près la croissance économique. Cette augmentation de la demande de transport se retrouve dans la route, de façon très forte, mais aussi dans l’aviation. L’aviation représente environ 12 % des émissions de CO2 du transport, et 15 % en 2010, d’un montant accru. On passe donc de 90 millions de tonnes aujourd’hui à 150 millions de tonnes en 2010. Nous devons réduire de 250 millions de tonnes, et on a une augmentation de 60 millions de tonnes rien que pour l’aviation. L’impact de l’aviation dans la contribution négative aux changements climatiques est donc assez fort.
 
 

Autre élément de pression : le bruit. Les avions d’aujourd’hui ont 20 dB de bruit en moins que les avions des années 1970. L’effort technologique est là, aussi parce que la compétitivité et la consommation de carburant poussent les industriels vers cette direction. C’est quand même une chose positive. Ils continueront à rechercher une diminution des émissions sonores et une meilleure efficacité énergétique.
 
 

Troisième niveau : l’impact sur le territoire, les aéroports affectent beaucoup de citoyens.
 
 

Parmi les solutions recherchées, il y en a plusieurs à l’intérieur du système. Nous devons travailler plutôt avec une vision horizontale. C’est par exemple le transfert modal de l’aviation vers le train sur les courtes et moyennes distances. Aujourd’hui, je suis venu par le train alors que par le passé je venais en voiture. Le rapport des émissions et des nuisances est favorable au train. Une voie est ouverte, mais ça passe par la modernisation du rail. Si la France a fait des grands pas à l’échelle nationale, de gros obstacles restent dans les franchissements des frontières. Des mesures ont été adoptées en décembre dernier en matière de normalisation, je crois qu’il faut être optimiste. Le lien rail-aéroport a été mentionné. Sur le bruit, il y a aussi quelque chose d’intéressant : j’espère que la Commission va bientôt adopter une proposition de loi pour harmoniser les méthodes de lecture du bruit perçu par le citoyen, et non émis, pour apporter au citoyen une carte européenne de bruit, par exemple une carte du bruit autour de tous les aéroports. L’objectif est aussi d’éliminer la subjectivité des interprétations de l’impact sonore.

En matière d’émissions, mais aussi de bruit, la mesure de loin la plus importante et efficace, ce sont les mesures fiscales. Ça ne doit pas être seulement vu de façon négative. En Suède et dans quelques autres pays, on a déjà adopté des mesures d’incitation vis-à-vis des avions, mais aussi du transport maritime, qui sont plus " environmentally friend ". Une gradation de la fiscalité ou des charges qui soient proportionnelles aux nuisances apportées par les moyens de transport.
 
 

Yves COCHET - Sur ce point, confirmez-vous qu’il existe un projet de taxe sur le kérosène ?
 
 

Roberto SALVARANI - La proposition de directive existe depuis 1996, et se trouve bloquée par un sérieux obstacle  : la fiscalité aujourd’hui en Europe est encore votée à l’unanimité. C’est ce qui bloque depuis quatre ans la taxe sur le kérosène. Sur ce sujet la faiblesse de l’Europe toute entière tient à ça, pour résoudre les problèmes environnementaux des transports, et du transport aérien en particulier. La France qui aura la présidence pendant la période de révision du traité européen, dans les six prochains mois, peut jouer la plus grande carte en guidant l’Europe vers une solution à la majorité qualifiée pour la fiscalité environnementale. Sinon on peut avoir des dizaines de réunions comme celle-ci, on ne résoudra rien ou presque, dans les délais qui nous sont imposés par les engagements internationaux que nous avons pris. Vis-à-vis des engagements qu’on a pris pour 2002, 2005, 2010, on n’y arrivera pas sans la fiscalité. (applaudissements nourris)
 
 
 
 
 
 

D É B A T
 
 
 
 

Jacques LEDUC, Président de l’association de défense contre les nuisances aériennes (Mandelieu-la-Napoule, près de Cannes).
 
 

Sur ce site aéroportuaire, créé il y a une trentaine d’années, se trouvait un aéroport d’aviation générale, le deuxième de France après Le Bourget. Cet aéroport était essentiellement consacré à des avions d’aéro-clubs, ou aux avions qui faisaient des tours de piste afin de montrer la baie de Cannes. Progressivement, cet aéroport spécialisé dans l’aviation d’affaires a vu son trafic augmenter dans l’aviation dite de voyage. Mais seuls les petits avions (moins de 13 tonnes de poids spécifique) étaient autorisés. Progressivement, la CCI et la DGAC ont souhaité diriger vers cet aéroport le trafic d’aviation d’affaires auparavant dirigé vers Nice. Des dispositions ont donc été prises vers les années 1980-95 pour que l’aéroport de Cannes-Mandelieu puisse recevoir des avions supérieurs à 13 tonnes : allongement de la piste, déviation de la RN7, développement des infrastructures, rehaussement de 1,40 mètres du terrain de l’aéroport (situé dans le lit majeur de la Siagne). Cet aéroport est situé en plein site urbanisé, la fin de la piste est à 200 mètres de la mer. L’aéroport est ancien, on pourrait dire qu’il fallait maîtriser le développement urbanistique, mais à cette époque-là, on savait que l’aviation d’affaires était limitée à 13 tonnes.
 
 

J’avais questionné la DGAC en 1989-90 pour savoir si ces rumeurs étaient fondées, on m’avait répondu : " bien sûr que non ". Lorsque vers 1992-93 une commission consultative de l’environnement a été constituée, certaines associations y ont participé. Toute une série d’administrations y sont représentées (DGAC, CCI, météorologie…), les municipalités concernées, et on écoute peu les associations, toujours minoritaires. Aujourd’hui, on est à 80 000 mouvements, il est question de porter à 160 000 mouvements en hypothèse moyenne, et à 210 000 mouvements en hypothèse haute. Et cet aéroport est situé en plein dans la baie de Cannes ! Admettre un trafic de jets et d’hélicoptères constitue un handicap que les élus locaux et les associations n’acceptent pas. Quand on parle de politique d’environnement, il est invraisemblable qu’on accepte d’envisager un trafic de cette importance sur un terrain situé en pleine baie de Cannes. Actuellement, une fronde se manifeste, j’ai été reçu par M. Marest, conseiller spécial du ministre des Transports. Admettre en pleine baie de Cannes le développement d’un aéroport de cette importance, c’est une hérésie fondamentale.
 
 
 
 

Roger VAYRAC, Président de l’UFCNA (Union française contre les nuisances des aéronefs), également membre du Conseil national du bruit, de la Commission nationale de prévention des nuisances, et des commissions consultatives et d’aide aux riverains d’Orly.
 
 

Ma question s’adresse aux parlementaires. C’est une question en forme de constat. À Orly, en 1994, le ministre de l’Equipement de l’époque a pris un arrêté limitant à 200 000 le nombre de mouvements sur cette plate-forme. L’arrêté précisait qu’on pouvait avoir 250 000 créneaux, 20 % n’étant pas exécutés. Aujourd’hui, cet objectif n’est pas tenu - on avoisine les 250 000 mouvements - et le nombre de créneaux est quasiment égal au nombre de mouvements. À Roissy, il y a moins de trois ans, comme l’a souligné M. Vallet, lors de l’enquête publique, on a fixé l’objectif pour 2010 à 495 000 mouvements, et à 55 millions de passagers. Le premier objectif est déjà atteint ou presque, et en nombre de passagers, il sera atteint en 2002-2003, et non pas en 2010.
 
 

Ce n’est pas en trois ans qu’on va construire une nouvelle plate-forme. Je ne demande pas qu’elle soit construite à Beauvilliers, ce n’est pas le rôle des associations de choisir le lieu. Mais nous estimons pour notre part que c’est trop près de Paris. Que se passera-t-il en 2003 en Ile-de-France ? La plupart des associations qui suivent le problème de près, dont un certain nombre sont présentes aujourd’hui, en sont convaincues : soit les paroles de M. Gayssot ne seront pas tenues ; soit on continuera, c’est-à-dire qu’on montera à 800 000 mouvements d’avions et à pratiquement 80 millions de passagers, soit on déplafonne Orly, ce que les riverains craignent actuellement (à travers la rédaction ambiguë de la charte), soit on jouera sur les deux tableaux. Les riverains se sentiront une nouvelle fois bernés par les élus. On souhaiterait avoir des élus responsables qui nous disent la vérité. Un Etat qui ne tient pas les engagements de ses ministres successifs, n’est pas un Etat démocratique. On se dit une démocratie avancée.
 
 

La mise en garde que je formule (sans qu’elle soit coercitive) est la suivante : vous avez aujourd’hui dans les associations des gens citoyens, démocrates, qui respectent la chose publique et ce qui est décidé par les gouvernements, mais demain, si rien ne change, tous les problèmes se régleront dans la rue, et ceci n’est pas admissible dans une démocratie. Il faut agir de manière responsable, dire la vérité aux Français, ils sont capables de l’entendre. Demain en Ile-de-France, le trafic va exploser, rien n’est prévu pour y faire face, et les riverains paieront une fois de plus les pots cassés.
 
 
 
 

Gérard BRULÉ, Président de l’association Airpur (aéroport interdit par résidents paisibles unis pour un référendum).
 
 

Je suis à la fois Parisien et habitant d’Eure-et-Loir. Je réside à Nanterre, et aussi pas très loin de Beauvilliers, et je ne veux pas d’un aéroport là-bas. On a beaucoup parlé de l’environnement, des nuisances sonores et des rejets dans l’atmosphère. J’ai développé cette idée dès que j’ai entendu parler de Beauvilliers : on ne peut plus installer les plates-formes au milieu des terres, le problème reviendra à la campagne, ça s’urbanisera autour. Au niveau nuisances, il faut une plate-forme off-shore, que je situerais au large de Nantes. C’est aussi une question d’aménagement du territoire. Des études sérieuses ont-elles été menées sur un tel projet ?
 
 
 
 

Etienne TÊTE, Conseiller régional

Sur la fiscalité de la TVA et de la TIPP, le régime dérogatoire n’est pas le seul problème qui se pose. À Satolas, il n’y avait aucune subvention. Aujourd’hui il y a de plus en plus d’avions et de subventions pour que l’aéroport marche. Sur le prochain plan de mandat de 3,8 milliards, il y a 26 % de subventions publiques. J’ajoute que les taxes sont très insuffisantes : 3 Frs par passager ; taxes pour atterrissage : 208 Frs pour un 22 tonnes ; redevance pour le stationnement : 1,48 Fr la tonne. Ma question s’adresse à M. Salvarani : 1. Est-il logique de subventionner des aéroports qui sont des services industriels et commerciaux ? 2. Quelles marges de manœuvre sur la TVA et la TIPP pour augmenter la taxe passager : de 3 Frs à 30 Frs ou 300 Frs, ou les redevances de stationnement, qui sont dix fois inférieures à celles des automobiles, ramenées à la tonne ?
 
 
 
 

Jacques PICARD, Conseiller municipal de Corbeil-Essonnes et porte-parole des Verts de l’Essonne.
 
 

Le champ politique, c’est de poser des questions et les restituer à la société pour en débattre. Les conflits sur les trajectoires d’avion se font de plus en plus importants dans mon département. Par ailleurs, nous venons de vivre un chantage à l’emploi à Orly, provenant des plus hautes sphères de l’Etat. Sur la demande, si j’ai bien compris M. Salvarani, nous sommes sur un bateau fou, nous assistons à une croissance incontrôlée qui serait celle du marché, et nous conduit à ne pouvoir respecter nos engagements sur l’effet de serre.
 
 

Cette interrogation est de plusieurs ordres. 1. La question du besoin de temps. Existe-t-il une étude de philosophie du temps, ou sur la contraction du temps, qui pose des limites à la demande de gain de temps dans les transports ? 2. Sur le pouvoir du politique d’intervenir sur la demande et non pour réparer le marché. Vous avez indiqué que logiquement, nous ne devrions plus avoir des transports aériens pour des distances inférieures à 600, 700 ou 800 km. De quels outils se dotent les pouvoirs publics aujourd’hui pour y parvenir plus rapidement ? 3. Toujours sur la demande, je ne trouve nulle part des textes qui prouvent qu’il est logique de répondre à une demande de transport par air de machines à laver, ni de textes qui me disent qu’il est logique de transporter des machines à laver ou des radios à 300 km/h dans des TGV. Comment peut-on intervenir sur les flux tendus ? Il n’y a pas un ordre de nature qui ferait que les marchandises devraient, de plus en plus, être transportées en temps réel, sauf une logique folle du marché. Certaines personnes pensent aujourd’hui une philosophie des taxations sur les transactions de capitaux ; toute comparaison relativisée, ne faut-il pas s’interroger sur l’intervention du politique en amont sur la notion de flux tendus, qu’imposent les lois du marché, avec des contraintes écologiques et environnementales de plus en plus insupportables, et qui amèneront les pouvoirs publics à agir un jour ou l’autre, sous une pression plus forte probablement.
 
 
 
 

Maurice LE CALVEZ, Elu municipal (Vert) à Tremblay-en-France.

Je précise que Tremblay-en-France est la commune la plus détentrice de l’aéroport de Roissy. Ma première question porte sur la modification du plan d’exposition au bruit (PEB) et du plan de gêne sonore (PGS). On constate des balbutiements, et déjà des élus de la petite ceinture réclament des dérogations. On parlait de démocratie, comment le citoyen, le riverain de Roissy saura si réellement ce PEB et ce PGS sont véridiques ? N’y aura-t-il pas eu des magouilles pour qu’on puisse toujours construire autour des pistes ? Des projets d’urbanisme ont été faits, et on veut les pousser jusqu’au bout malgré les contraintes qui nous ont été présentées comme des mesures compensatoires lors du doublement des pistes.
 
 

Deuxième remarque : vous parliez de sanctions. Tremblay a aussi l’inconvénient d’avoir les gênes sonores de l’aéroport du Bourget, et ce sont des petits appareils, qui sont encore au chapitre 2, voire 1. Selon l’excellent journal d’ADP (Entre Voisins), qui est très intéressant, on comptabilise environ une dizaine de sanctions, concernant les petites dérives, par mois au maximum. Je peux témoigner, en tant que représentant d’une association qui veille à ce problème, que les petites entorses sont fréquentes. On nous a dit que c’était un problème de parallaxe : qu’on voyait l’avion au-dessus de nous alors qu’il était très loin, alors que c’est faux. Ne pourrait-il y avoir un contrôle du citoyen à ce sujet ?
 
 

Enfin, nous avons eu le doublement des pistes, et l’on n’entend plus parler de la piste 5. On nous dit que la piste du Bourget était la 5e piste. Et puis certaines personnes, bien placées à Roissy, nous affirment que le dossier de la 5e piste n’est pas enterré, qu’il est " sous le coude ". Cela fait l’objet de ma troisième question.
 
 
 
 

Louisette MAYEREAU, Les Verts de Pyrénées-Atlantiques.
 
 

Je suis, en ce qui me concerne, plus préoccupée par les transports routiers et ferroviaires qu’aériens. J’ai entendu dans les propos d’Yves Cochet deux mots majeurs : dérégulation (donc désordres) et augmentation des vols, et moindre augmentation des passagers. On promène des camions à moitié vides, et aussi des avions à moitié vides ? Devons-nous absolument être à deux ou trois endroits dans la journée ? Est-il indispensable à la vie française de se déplacer dans tous les coins de la planète et de l’hexagone ? Il faut également réguler le transport de marchandises, qui devient de plus en plus important. Prenons en exemple l’initiative de Dominique Voynet : quand ça va trop mal, on fait une ville avec moins de voitures, et le lendemain, on s’aperçoit que tout va beaucoup mieux. J’aimerais qu’on fasse la même chose avec le transport aérien, qu’on s’aperçoive qu’il y a moins de bruit, moins de pollution, et qu’on peut mener son travail tout aussi bien partout.
 
 
 
 

Daniel LACAMBRE, responsable de communication de l’UFCNA.
 
 

Première remarque : " Entre Voisins " est un journal de propagande pure et simple. Ma deuxième remarque s’adresse à M. Graff : êtes-vous d’accord avec nos chiffres : 5 000 avions journaliers atterrissent et décollent en Ile-de-France, sur 50 km de rayon ? Si vous acceptez les chiffres, à quel niveau pensez-vous que l’Ile-de-France sera saturée ? 10 000, 15 000, 25 000 avions/jour ? Sachant que l’augmentation des mouvements aériens augmente les risques d’accident aérien, en tant que responsable de l’aviation civile, assumez-vous la responsabilité du crash d’un avion sur les riverains ? Quelle sera votre responsabilité à ce moment-là ?
 
 
 
 

Mme LERICHE, Présidente de l’Association " Ezanville, mon village " (Val d’Oise).

Premier constat : toujours aucune solution aux problèmes d’environnement, de bruit, de gêne. Deuxième constat : vous parlez d’urbanisation. En plaine de France, il y a 11 sites, des entrepôts, mais aussi des maisons, 1 000 habitants sont attendus à Ezanville, enquête publique en septembre, la zone à urbaniser est en plein sous les lignes, les avions arrivent les uns derrière les autres. Ce n’est pas décent de proposer ce type de logement. On propose de l’argent aux habitants pour s’insonoriser, mais des jours comme aujourd’hui, je ne vois pas les gens enfermés chez eux. La vie, c’est aussi dehors. L’argent n’achète pas tout, l’argent n’achète pas une qualité de vie…
 
 
 
 

M. Pierre GRAFF - Certaines questions m’étonnent par leur naïveté. Une question m’a cependant beaucoup intéressé, celle posée par un habitant de Corbeil. Nous sommes dans un système de totale liberté, nous sommes dans la règle du marché, ne demandez pas ensuite à ceux qui appliquent de changer de politique. Effectivement, on a dérégulé. Le citoyen que je suis est convaincu qu’on re-régulera, en commençant par des incitations économiques. Pourquoi ? Peut-être parce que c’est efficace, mais surtout parce que c’est plus " dans le vent ", dans l’atmosphère libérale, et on reviendra aussi à des régulations réglementaires. Quand ? Je n’en sais rien. Mais le problème politique que vous soulevez, il est là. On a voulu la liberté dans l’aviation, on l’a. Monsieur Leduc (de Cannes) disait qu’il est scandaleux de voir arriver des avions de plus en plus gros. Mais au nom de quoi interdirait-on ces avions ? Aucun texte en France n’interdit ces avions et rien aujourd’hui ne permet d’interdire les avions ou les jets… C’est un débat politique de fond : veut-on revenir à quelque chose de régulé ? Si la réponse est oui, il faut en débattre, il faut aussi convaincre les Etats-membres de l’Union. On n’a pas les moyens d’arrêter ces avions. Le seul choix pour le gouvernement français, c’est de savoir si ces avions se posent à Nice ou à Cannes.
 
 

Pour Orly, 250 000 créneaux, il n’est pas question d’y toucher, malgré des sollicitations contraires (notamment parmi les élus locaux). Pour Roissy : 55 millions de passagers. Quant à la 5e piste, il n’y a pas de 5e piste à l’étude, nulle part.
 
 

Dernier point concernant les risques. On ne peut pas dire tout et n’importe quoi. Le système de contrôle aérien français est prévu pour que l’augmentation du trafic ne se traduise en rien sur la charge du contrôleur aérien. Une équipe de contrôle est en mesure de gérer simultanément entre 15 et 20 avions. Pour qu’ils dépassent ce mur de capacité, il faudrait modifier profondément la technologie ou leur procurer une assistance par ordinateur qui dépasse largement ce qu’on sait faire aujourd’hui. Tout le système est organisé, quel que soit le trafic, pour que la charge de chaque contrôleur aérien qui gère un volume d’espace reste celle-là. L’ensemble des plans de vol au niveau européen est compilé à Bruxelles, ces plans de vol sont comparés aux capacités disponibles sur les routes aériennes utilisées. Si les capacités de charge que chaque contrôleur peut supporter sur son secteur sont compatibles avec la somme des plans de vols, l’avion peut partir. Sinon, l’avion reste au sol, ce sont les fameux retards. Effectivement, le trafic s’accroît, la capacité du trafic aérien s’accroît dans une certaine mesure, en général moins vite, et l’ajustement, pour ne pas compromettre la sécurité, se fait sur la régulation en temps réel par cet ordinateur situé à Bruxelles (qui s’appelle la CFMU), et consiste à réguler au sol les avions, d’où un quota considérable de retards, qui s’accroît. Quand Mme de Palacio dit vouloir faire le " single sky ", je suis d’accord avec la priorité indiquée par M. Salvarani, c’est une façon de rendre le système plus fluide, cela augmente les capacités, mais ne diminue pas la pollution.
 
 
 
 

Yves COCHET – Les questions posées n’ont malheureusement pas toutes obtenu de réponse. Je mesure les frustrations, mais nous sommes tenus par des contraintes d’horaires.
 
 
 
 

DEUXIÈME TABLE RONDE
 
 

Animée par Marie-Hélène Aubert

Députée d’Eure-et-Loir
 
 

Quel aménagement durable du territoire face aux enjeux de la mondialisation et à la croissance des flux de transports ?








Marie-Hélène AUBERT- La seconde table ronde sera plus spécifiquement consacrée à l’aménagement du territoire, face aux enjeux de la mondialisation, ou plutôt de la libéralisation, et donc à la croissance induite du transport aérien. Pour ma part, je note que beaucoup de solutions peuvent être trouvées au niveau européen, mais pas seulement, et que nous avons donc besoin, de façon urgente, d’une réforme des institutions européennes, et de plus d’Europe. Certes, ceci est un autre débat, mais c’est une partie du problème et de la solution. Je note aussi une contradiction majeure entre une Commission européenne qui a poussé à la libéralisation accrue des échanges, et en même temps qui se fait le héraut (et nous nous en réjouissons) de la lutte pour freiner le réchauffement climatique.
 
 

Le mot régulation est revenu plusieurs fois, c’est un mot-clé : régulation en fonction de critères économiques, sociaux et environnementaux, et critères d’aménagement du territoire.
 
 
 
 

Paul LANNOYE, Président du groupe Vert au Parlement européen.
 
 

La Belgique a une particularité, la densité de sa population, et le grand nombre de ses aéroports. La problématique des nuisances dues à l’aviation civile est, en conséquence, très aiguë chez nous. Une part importante de la population belge est concernée dans sa vie quotidienne, en particulier par le bruit, ce qui a provoqué un débat très animé sur l’aéroport international de Bruxelles, de plus en plus congestionné. Ce débat a amené le gouvernement à prendre une position intéressante, à propos des vols de nuit (la plus grande des nuisances en termes de bruit) : " Il est préférable de résoudre le problème des vols de nuit sur le plan européen. " Pour un petit pays, c’est assez compréhensible, cela permet de dégager en touche et de ne pas prendre de décision au niveau national. Le gouvernement ajoute : " D’une part, les sociétés établies dans un pays qui prend l’initiative de renforcer les mesures ne peuvent plus être chassées par des sociétés concurrentes d’un autre pays moins regardant. D’autre part, le danger de délocalisation est évité. C’est pourquoi la Belgique devrait lancer, sur le plan gouvernemental, une offensive européenne solidaire auprès de la Commission et arriver à terme à une interdiction complète des vols de nuit. " C’est une prise de position qui est intéressante pour les années qui viennent.
 
 

Je vais surtout vous parler de politique européenne et, notamment, des relations entre les différentes institutions. La révision du traité européen n’est pas totalement un autre débat : on a vu tout à l’heure à quel point le fonctionnement des institutions européennes pouvait être un obstacle à une prise de décision, notamment en matière fiscale où des mesures s’imposent de manière urgente pour le transport aérien.

Le thème de la seconde table ronde concerne le développement durable, l’aménagement du territoire et le transport aérien. Je ne connais pas suffisamment la situation de l’aménagement du territoire en France, mais je peux vous parler de développement durable, et des mesures nécessaires pour réguler le transport aérien. On ne peut pas accepter une dérégulation telle que celle menée actuellement. On va dans le mur, il faut donc re-réguler.
 
 

Le concept de développement durable est de plus en plus nébuleux, tout le monde en parle en lui donnant le sens qui lui convient. Le béton est un matériau durable. Je ne suis pas sûr qu’on pense au béton quand on pense à " durable ". Des économistes, dominants dans les prises de décision politique, ont donné des critères. L’un de ces critères est que l’émission de polluants soit absorbable par l’environnement. On est loin du compte pour le transport aérien, plus encore si on regarde l’évolution prévue. Selon toutes les prévisions, le transport aérien devrait entraîner trois fois plus de rejets de NOX en 2010 qu’en 1990. Même chose pour le CO2. Où est la compatibilité entre ce développement du transport aérien et les objectifs de Kyoto, qui visent à réduire de 8 % les rejets de CO2 en 2010 par rapport à 1990 ? Bien sûr, le transport aérien n’est pas le seul paramètre, mais c’est un paramètre important.
 
 

En ce qui concerne les nuisances en matière de pollution atmosphérique et de bruit, on est donc dans une tendance incompatible avec d’une part, les engagements internationaux et, d’autre part, l’objectif de développement durable. Une étude publiée il y a trois mois comparait les coûts moyens pour le transport de personnes selon les différents modes de transport. L’avion pour les transports à moyenne et longue distance, c’est 2,4 fois plus de coûts indirects que le train pour les personnes, et 10 fois pour les marchandises. Le transport aérien apparaît donc, aussi bien pour les personnes que pour les marchandises, le mode le plus polluant, et le plus générateur de coûts indirects. Coûts indirects qui sont payés de toute manière, soit en termes de santé publique, soit en termes de finances publiques, soit en termes de destruction de l’environnement.
 
 

Tout cela plaide pour une révision de l’absence de politique actuelle. Il faut commencer à se doter d’outils de maîtrise de ce développement. Il faut avoir le courage de dire qu’on ne pourra pas continuer une croissance infinie. Il y aura des progrès technologiques, mais il y a une limite physique. Il faut aussi se placer dans cette perspective lorsqu’on envisage l’aménagement du territoire. Ce n’est pas la peine de concevoir des aéroports qui vont soi-disant accueillir des activités croissantes dans les 20 ou 30 ans à venir si, au niveau global, on se rend compte qu’on est déjà un peu trop optimistes. C’est important aussi, indirectement, en matière d’aménagement du territoire.
 
 

Comment maîtriser ce développement ?
 
 

1. Transférer vers le train, c’est clair. C’est plus rapide pour venir de Bruxelles, par exemple. Pour les moyennes et les courtes distances, il est absurde de prendre l’avion.
 
 

2. Développer le caractère multimodal des transports.
 
 

3. Agir sur le volume des transports. Certains transports sont inutiles, il n’y a pas une fatalité du développement du volume des transports. Il faut s’interroger sur la pertinence du " just in time ", du flux tendu. Il existe une dictature du marché qui passe par des choix absurdes, dus au faible coût global des transports. Les stocks se font sur les camions et dans les avions. C’est absurde. Il faut trouver des outils économiques et réglementaires qui découragent ce genre d’attitude.
 
 

Une taxe est un bon outil dans une économie de marché. La taxe sur le kérosène s’impose, mais on va se trouver confrontés à la pression de l’OACI, et cela peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement de l’aviation civile, et risque donc d’être mis en difficulté par des accords internationaux. Je crois qu’il faut adopter cette mesure, même de manière unilatérale, quitte à avoir des difficultés au niveau international. Si l’Union européenne ne prend pas d’initiatives, si on attend toujours que le plus lent s’accorde avec tous les autres, on ne bougera pas. On le voit dans le domaine des " hushkits " (système d’insonorisation des vieux avions). L’Europe a décidé d’éliminer les avions du chapitre 2, même moins bruyants et moins polluants. Une technologie américaine a permis de les réhabiliter plus ou moins, de les rendre moins bruyants et moins polluants, tout en étant quand même plus bruyants et plus polluants que les nouveaux. Le conflit est donc ouvert entre Union européenne et Etats-Unis, qui menacent de nous attaquer devant l’OACI, voire devant l’OMC pour perturbation du marché, car ce sont eux qui fabriquent le hushkit, et ils veulent " revalider " environ 2 000 avions périmés, qu’on pourrait retaper pour la revente. L’Union européenne, jusqu’à ce jour, a hésité entre la position dure et molle, et a finalement opté, pour l’instant, pour la position dure. Le débat devrait avoir lieu en septembre 2001 devant l’OACI.
 
 

Améliorations technologiques : elles sont très lentes, car le parc d’avions est déjà important et ne se renouvelle pas très vite. L’industrie freine pour ne pas renouveler trop vite son parc. Il faut des pressions économiques et politiques : taxe sur le kérosène, mais aussi taxes aéroportuaires, à différencier selon le bruit des avions. En matière de réglementation, on a là aussi besoin de décisions au niveau européen, d’une législation européenne sur le bruit. Si on se contente d’adopter des législations nationales, la peur de la concurrence des voisins fait qu’on ne bouge pas. L’initiative de Dominique Voynet d’essayer de débloquer le dossier du bruit au niveau européen est très bonne, elle doit s’accompagner de mesures au plan fiscal, au plan européen, qui touchent notamment le transport aérien.
 
 
 
 

Marie-Hélène AUBERT - Transition avec la problématiques des nouvelles infrastructures. Sont-elles nécessaires ? Si oui, dans quel cadre ? Où faut-il les mettre ? Sous quelles conditions ces infrastructures sont-elles acceptables aux trois points de vue : économiques, sociaux, écologiques, aménagement du territoire. C’est ce travail qu’a mené le CESR de la région Centre, concernant l’implantation d’un aéroport à Beauvilliers, en Eure-et-Loir.
 
 
 
 

Pierre TROUSSET, Président du Conseil économique et social régional de la région Centre.
 
 

Travail fait dans la mouvance de la sortie du rapport Douffiagues, et de la décision du doublement des pistes de Roissy. Bien qu’ayant pris parti dans ce débat, le président de notre région n’avait pas souhaité organiser un débat au Conseil régional avec vote. Nous avons donc pris l’initiative de nous saisir de ce dossier et d’organiser un débat public au CESR en 1996, après de larges auditions (pouvoirs publics nationaux, régionaux, locaux, le maire de Lyon, Air France, ADP, IATA, associations, acteurs économiques…). Ce rapport posait toute une série de questions, que je résume :
 
 

1. La concentration sur Paris de la quasi-totalité du trafic international hors Europe est-elle une fatalité ? Aurons-nous une seule porte d’accès au monde, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens (4 en Allemagne, 2 en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni). Allons-nous pénaliser une partie importante du territoire et une majorité de la population ? Y aura-t-il enfin une volonté politique permettant d’assurer une véritable desserte équilibrée du territoire français ?
 
 

2. Nous demandions (lettre de mission de Bernard Bosson à Jacques Douffiagues) la mise à l’étude d’un processus de redéploiement sur les aéroports de province et qu’on lance de toute urgence, non seulement une réflexion, mais aussi les moyens permettant d’assurer le développement d’une ou deux plates-formes de province. C’était en 1996, on avait déjà pris beaucoup de retard.
 
 

3. La complémentarité des modes de transport. Faire en sorte qu’au lieu de concurrence entre modes, il y ait une véritable complémentarité, intermodalité fer-air, mer-air.
 
 

4. Quelle est la réelle capacité de développement, de croissance, des deux plates-formes parisiennes (et nous souhaitons qu’on nous dise la vérité) ? Plus personne ne croit aux 55 millions de passagers, et d’ailleurs cela ne veut rien dire : c’est le nombre de mouvement d’avions qui est important et le problème du niveau global de bruit et du niveau d’acceptabilité. Enfin, le doublement des pistes, des infrastructures, les investissements importants faits à Roissy, les prolongements des terminaux, l’évocation d’un troisième terminal conduit conjointement par ADP et Air France, la liaison ferroviaire nouvelle qui n’a fait aucune difficulté entre le centre de Paris et Roissy : qui pourrait croire aujourd’hui que ces investissements sont faits pour limiter Roissy à 55 millions de passagers, alors qu’on y est déjà pratiquement arrivés ? On sera à 48 millions en 2000, je n’ose pas dire quand on franchira le cap des 55 millions. Cette question n’est pas neutre.
 
 

5. La position des compagnies aériennes. On a cru comprendre qu’elles n’étaient pas favorables à un troisième site à proximité de l’Ile-de-France, qu’elles avaient déjà beaucoup de problèmes avec deux plates-formes, qu’elles demandaient essentiellement à ADP d’améliorer l’accessibilité de ces deux plates-formes, et qu’il y avait beaucoup de choses à faire dans le domaine de la gestion, avant de les amener à envisager une gestion sur trois plates-formes. Certains nous ayant fait un chantage : si on les empoisonnait, ils iraient ailleurs. Mais la situation sur les autres plates-formes européennes n’est pas plus simple.
 
 

6. Eventualité de la réservation du site (c’était dans la lettre de mission). Qu’il y ait une véritable transparence, une véritable concertation de l’ensemble des acteurs, et des populations concernées. Nous manquons de transparence dans ce pays. Mesdames et Messieurs les représentants du peuple, il faut associer votre représentativité, tirée du suffrage universel, par une véritable organisation du débat et de la transparence sur le plan local lorsqu’il s’agit d’opérations de cette importance. Que les problèmes d’acceptabilité, qui sont parfois de nature impondérable, puissent être évoqués à l’occasion de ces concertations, en dehors bien sûr des problèmes de maîtrise de l’urbanisme, et que soient mis en place enfin les instruments permettant d’éviter les errements connus sur des sites précédents. De nouveaux outils, telles les directives territoriales d’aménagement (DTA) peuvent se prêter à cette maîtrise de l’urbanisme à long terme.
 
 

7. Enfin, cette mise en opération, au-delà de la réservation d’un site, s’accompagnerait-elle de la fermeture d’un site existant ? C’est une question posée.
 
 

Ces questions sont posées depuis quatre ans. Depuis quatre ans, Roissy explose, rien n’a été fait sur la province, vers l’extra-européen, hormis une ligne Lyon – New York. Est-ce à la hauteur de l’enjeu et de l’ambition ? Les études de faisabilité du troisième site existent peut-être, mais elles sont dans les bunkers des services techniques. C’est inquiétant, au moment où notre pays s’apprête à engager une large concertation sur les schémas de services collectifs. Y aura-t-il une réflexion suffisante ? Les études évoquées ont-elles été menées de façon suffisamment fine pour que les schémas de services collectifs, qui seront des dispositions réglementaires permettant de mettre en place le développement des infrastructures aéronautiques dans notre pays, soient faits avec sérénité ?
 
 
 
 

Emmanuelle ROGGERI, Les Amis de la Terre.

Nous relayons depuis deux ans la campagne européenne pour le " vrai prix du transport aérien ", lancée il y a quatre ans par les Amis de la Terre Europe. Nous sommes la seule ONG à s’inquiéter du problème de la croissance des émissions de gaz à effet de serre liées au transport aérien. Nous travaillons à la sensibilisation des associations locales à ce problème.
 
 

La question que je me pose est la suivante : qui aujourd’hui façonne le paysage du transport aérien ? Qui est à l’origine de l’aménagement du territoire en matière du transport aérien ? Depuis la déréglementation, ce sont les compagnies et les gestionnaires des aéroports. Compte tenu de tout ce qui a été dit auparavant, doit-on laisser faire les acteurs économiques du transport aérien, au nom d’une sacro-sainte économie de marché et d’une demande croissante de loisirs ? Ou doit-on mettre en place une politique de régulation qui conduise à une maîtrise du trafic aérien ? C’est le champ de la réflexion du débat qui nous réunit aujourd’hui.
 
 

Laisser faire les acteurs économiques du transport aérien, c’est ignorer les engagements souscrits par la France dans la convention sur les changements climatiques : stabilisation au niveau de 1990 dans la période 2008-2012. Rappelons que la convention sur les changements climatiques n’a pas pris en compte les émissions internationales dans le calcul des droits à émissions. C’est un gros problème, qu’on n’a toujours pas réussi à résoudre lors des derniers COP. Le transport aérien émet autant que la Grande-Bretagne en CO2, dont la moitié pour le trafic international, donc il faudra bien l’inclure dans la convention.
 
 

Je rappelle une étude faite par le GIECC (Groupement international des experts sur le changement climatique), qui énonce que le niveau des émissions du transport aérien correspond actuellement à 13,7 % des émissions anthropiques, et risque de passer à 15 % en 2050, selon le scénario optimal.
 
 

Lionel Jospin avait annoncé 96 mesures pour lutter contre l’effet de serre, mais rien sur le transport aérien, sauf pour dire que l’édiction d’une taxation devra se faire au niveau de l’OACI, et il faut attendre 2001 pour que l’OACI intervienne. Le problème existe réellement. Le transport aérien est le grand oublié des politiques de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
 
 

Laisser faire les acteurs du transport aérien, c’est ignorer la mise en place, en France, d’une démocratie participative grandissante. L’utilité publique n’est plus décrétée, elle émerge d’un débat public, d’une concertation, d’une enquête publique. Or en matière de transport aérien, il y a enquêtes publiques et concertations lorsqu’il y a projet d’infrastructure. Mais en définitive, les avant-projets de plan masse pour définir l’emprise future des pistes, ne font toujours pas l’objet d’une concertation préalable. On se rend compte que des modifications d’activités au niveau des aéroports (installation des hubs, activités de fret) ne font toujours pas l’objet de concertation. Ceci est lié aux législations applicables aux enquêtes publiques : seule l’infrastructure fait l’objet d’un débat public. Dès qu’il y a modification des activités au sein d’un aéroport, on doit pouvoir en débattre avec le public, il faut réformer la législation sur l’utilité publique et la concertation en ce sens.
 
 

On ne peut plus laisser faire les acteurs du transport aérien. Il faut définir une politique de régulation du transport aérien qui conduise à la maîtrise du transport aérien.
 
 

Un premier tournant aurait pu être l’élaboration des schémas de services collectifs. L’élaboration de ces schémas, prévus par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire, doit privilégier l’approche par les besoins globaux, tous modes confondus, plutôt que l’approche par offre modale. Cette élaboration doit se faire en concertation avec les acteurs économiques, les élus et les associations représentatives. En réalité, sur les courtes et moyennes distances, il ne peut y avoir de réflexion sur les besoins globaux, dans la mesure où le transport aérien est organisé en hub. Le trafic des villes de province est orienté vers une ou plusieurs plates-formes de correspondance, qui accueille des vols vers l’international. Le paysage du transport aérien est façonné par les compagnies et par la logique économique des compagnies et leurs économies d’échelle.
 
 

1. Néanmoins, cette éventuelle 3e plate-forme devra être l’occasion d’un débat public, à l’échelle nationale et pas seulement locale. Cette discussion devra porter sur les alternatives possibles à l’augmentation du trafic, sur les possibilités d’une intermodalité rail-air, sur les moyens de plafonner la croissance du trafic pour éviter la saturation des plates-formes.
 
 

2. Il faut que l’Etat mette fin aux subventions directes et indirectes : taxation sur le kérosène, subventions aux aéroports. Nous soutenons l’introduction d’une redevance européenne sur le kérosène. Il faut également que les subventions octroyées aux aéroports soient supprimées. Exemples : le Conseil régional Rhône-Alpes octroie une subvention de 20 millions de francs à l’aéroport de Satolas, alors qu’il n’est pas déficitaire ; 15 millions de travaux sont prévus sur l’aéroport d’Avignon, dont 12 pris en charge par l’Etat, or il n’y a aucune raison pour que cet aéroport se développe, à proximité de Montpellier, Nîmes, Marseille… Les gestionnaires d’aéroports ont une logique qui consiste souvent à mettre la charrue avant les bœufs : suffit-il d’avoir les pistes pour avoir les compagnies ? Quand bien même une compagnie ou une entreprise de fret s’engagerait à s’installer sur un aéroport, ne pourrait-on mener auparavant un bilan coût-avantages pour la collectivité et l’environnement, en termes fiscaux, mais aussi de santé publique et de détérioration du cadre de vie.
 
 

Je reviens sur les points de la campagne des Amis de la Terre. Le grand titre de notre intervention, c’est : " moins d’avions, plus de régulation publique du transport aérien ". Moins d’avions, plus de matière grise au niveau des politiques pour limiter le transport aérien. Nous sommes, comme vous, contre les vols de nuit, pour la fin des subventions aux aéroports, lamise en place rapide d’une taxation européenne et, bien sûr, par l’OACI, le transfert vers le rail sur les courtes et moyennes distances et, à terme, la définition au niveau national d’un nombre limité de créneaux horaires attribués sur l’ensemble du territoire. Parce que nous pensons que seule la contrainte peut apporter un véritable engagement et, à terme, des solutions. Et comme le rappelait M. Lannoye, la maîtrise de la mobilité.
 
 
 
 

Marie-Hélène AUBERT - Il ne faut pas laisser les acteurs économiques gérer le transport aérien, dites-vous. La transition est toute trouvée.
 
 
 
 

Yves COUSQUER, Président d’Aéroports de Paris (ADP)
 
 

Je ne sais pas si ADP est un acteur prédominant ou non du transport aérien, peut-être moins que les compagnies aériennes. Mais c’est vrai que les deux ont partie liée, je n’échapperai donc pas à cette responsabilité collective des acteurs du transport aérien.
 
 

Le transport aérien croît plus vite que l’économie, 4 à 5 % par an sur 30 ans, c’est à peu près le double de la croissance économique. Combien de temps cela peut-il durer ? Dans les années 60, on doublait la consommation énergétique tous les 10 ans. Ceci est révolu. Jusqu’à quand peut-on extrapoler la croissance du transport aérien ? Je n’ai pas de réponse. Il y a des horizons éloignés pour lesquels l’extrapolation ne fonctionne pas. C’est une question que je me pose en tant que responsable d’aéroport, comme chacun dans cette salle. Pas simplement pour éviter les nuisances, mais parce que j’ai une responsabilité à la fois économique et sociale.
 
 

Je partage ce qui a été dit par maintes personnes : nous avons collectivement besoin de renouveler notre pensée sur la manière d’équilibrer des soucis qui sont d’ordre différent, qui sont ceux de l’aménagement du territoire, d’un développement respectueux de son environnement (ce qui est la manière de durer), qui sont les préoccupations du marché, car nous sommes dans une économie dominée par des mécanismes, tout en recherchant de nouvelles formes de régulation.
 
 

Dans ces domaines, les aéroports ont un rôle à jouer dans un système dont ils sont partie prenante. Que nous apprend notre histoire ? Les choix aéroportuaires sont des choix de long terme. Les premières idées de Roissy (Paris Nord), sont nées à la fin des années 50, début 60, pour diverses raisons : la croissance des terrains pour l’urbanisation de la région parisienne conduisait un certain nombre à rechercher les terrains du Bourget. Dans le même temps, Orly Sud n’était pas encore mis en service mais les responsables d’ADP anticipaient la saturation d’Orly à 9 millions de passagers (il en est passé 30 millions, il en passe aujourd’hui 25 millions), ainsi que la croissance du transport aérien. Derrière le Concorde, qui était sur la planche à dessin, ils anticipaient une deuxième génération de supersoniques. Il est éclairant de lire le discours du directeur général d’ADP en 1963, dans lequel il décrit ce que sera Roissy. Où est l’erreur entre les 9 millions pour la saturation d’Orly et les 25 millions qui passent aujourd’hui ? Essentiellement sur l’emport moyen puisqu’on raisonnait sur un nombre de 50 passagers par avion. Sur la capacité à terme de Roissy et d’Orly, la question principale est toujours l’emport moyen sur lequel on raisonne. Quelle est la demande de transport, et comment le système complexe des aéroports et des compagnies aériennes répond à cette demande ?
 
 

1. On constate une grande inertie, des décisions prises sur des prémisses qui peuvent être fausses sont très structurantes. C’est dès cette époque qu’on a réservé les terrains de Roissy. Après son ouverture en 1974, il a vécu sa vie, avec des évolutions d’usage importantes. Vous avez souhaité, Madame, que, au-delà des enquêtes publiques sur les infrastructures, il y ait débat sur les évolutions d’usage. Il y a eu beaucoup d’évolutions d’usage. Quand on a conçu Charles-de-Gaulle 2, c’était dans le contexte de deux chocs pétroliers successifs. On pensait que la croissance du trafic aérien était durablement cassée. C’était l’époque où, les uns et les autres, nous intériorisions le fait qu’avec un baril plus cher, on ne connaîtrait pas la même croissance du trafic aérien. Il y a effectivement eu une phase de quelques années au cours de laquelle il y a eu un ralentissement de la croissance du transport aérien, mais celle-ci est ensuite repartie. Jusqu’à quand ? Je ne le sais pas.
 
 

2. C’est devenu une activité de marché, alors qu’elle était étroitement régulée, dans le cadre d’économies nationales. On a vu se multiplier les fréquences et diminuer l’emport moyen. On a donc vu s’accroître le nombre de mouvements à trafic donné. C’est un élément qui pèse dans la relation du transport aérien à son environnement.
 
 

3. Troisième élément que je retire de cette expérience : la force nouvelle des préoccupations d’environnement, qui s’expriment dans des conditions largement illustrées aujourd’hui. Cela a été souligné par M. Vallet, sur le ressenti de la gêne par une nuisance objectivement mesurée, on a une ouverture du spectre du supportable ou du moins supportable. Le corps social accepte beaucoup plus difficilement un niveau de nuisance sonore, même si objectivement il y a une diminution tendancielle du bruit des avions, lente à faire ses effets, à cause de la durée de vie des flottes d’avions. On n’a pas le renouvellement des flottes automobiles, les flottes d’avions ont 25 ou 30 ans.
 
 

4. Les limitations réglementaires et politiques, au développement du trafic sont hétérogènes. On a un couvre-feu à Orly, une limitation du nombre de créneaux alloués à Orly, une limitation du bruit à Roissy, une limitation en nombre de passagers, et le représentant de la Commission européenne évoquait tout à l’heure l’idée de Mme de Palacio d’arriver à des indicateurs homogènes au niveau européen sur le bruit perçu. Ceci serait un progrès conceptuel important.
 
 

Voilà les enseignements de mon expérience passée, face à une situation caractérisée par une recherche permanente de l’acceptabilité environnementale, face à une sensibilité accrue, une sensibilité inflexible de l’opinion publique. Comment ceci se marque-t-il ?
 
 

1. Dans le mode de fonctionnement du transport aérien, par les procédures d’approche et par le dialogue entre les professionnels du transport aérien et l’environnement. Il y a des dispositifs concentrés sur les Maisons de l’environnement, qui mettent à disposition de tout un chacun les trajectoires des avions. Améliorer ceci implique de déporter l’information correspondante dans des sites plus accessibles pour un plus grand nombre. C’est le support nécessaire d’un dialogue à approfondir.
 
 

2. Pousser collectivement à un renouvellement plus rapide des flottes, c’est une action au minimum européenne, qui repose sur une homogénéité des mesures de contrôle. C’est la condition pour que les opinions publiques puissent peser ensemble plus qu’aujourd’hui.
 
 

3. On soulignait les nuisances des accès des aéroports : nous avons souhaité, tardivement, avec la SNCF et RFF, réaliser une liaison en site propre entre le centre de Paris et Roissy.
 
 

Il faut aller plus loin dans deux domaines : le développement des aéroports de province et l’intermodalité. M. Trousset l’a évoqué : le rapport Douffiagues souhaitait le décollage de quelques aéroports de province. ADP a engagé des études de cas avec Lille et Lyon, pour essayer de comprendre dans quelle mesure ces aéroports pouvaient prendre une partie du trafic aujourd’hui concentré à Paris. Ces études ne sont pas achevées. Les aéroports butent toujours sur la difficulté suivante : ce ne sont pas les aéroports qui suscitent le trafic, ce sont les compagnies aériennes. Ce n’est pas parce qu’on construit une piste que les avions viennent. La ligne Lyon-New York n’a pas spontanément le même taux d’occupation que les trois services ouverts en même temps vers les Etats-Unis au départ de Roissy. La difficulté de fond dans le transport aérien, c’est qu’on peut avoir des politiques volontaristes pour développer tel ou tel site de province, mais ce n’est pas le volontarisme qui remplit les avions. Comment peut-on agir, entre le volontarisme et le souci d’équilibrage ? Essentiellement par des régulations, en plafonnant réglementairement la croissance de tel ou tel aéroport, mais aussi par une politique tarifaire incitative.
 
 

Les choix qui sont devant nous sont politiques. Quelle place donne-t-on au transport aérien dans une politique de développement durable ? Ce sont des choix stratégiques sur les politiques d’alliance entre aéroports ou entre compagnies aériennes. On a connu les alliances entre compagnies. Je crois qu’il ne peut y avoir de rééquilibrage à l’échelle du territoire sans implication capitalistique entre des systèmes d’aéroports et sans des subventions croisées entre aéroports, pour taxer les plates-formes les plus congestionnées et favoriser un report sur d’autres aéroports.
 
 

Ce sont des choix difficiles, qui appellent un débat, et le troisième aéroport, lui-aussi, appelle un débat. Il pose des questions de structure, d’architecture du transport aérien, et des questions plus fondamentales encore d’aménagement du territoire, à cause de l’effet inducteur d’une plate-forme internationale. ADP est candidat à la réalisation et à l’exploitation d’un tel aéroport dans le bassin parisien, mais en premier lieu est candidat à une étude des sites. ADP n’est pas mu par une volonté de faire du béton ou de l’ingénierie. Mais je souhaiterais pouvoir apporter la contribution d’ADP au débat sur la localisation, la vocation, le dynamisme respectif entre un troisième aéroport et le développement des aéroports de province.
 
 

Les choix ne sont pas seulement nationaux, le débat sur un troisième aéroport est sous contrainte européenne. Beaucoup de ce qu’il y a à faire sur l’inscription du transport aérien dans une perspective de développement durable et d’aménagement du territoire est d’essence européenne. Je ne peux que souscrire à ce qui a été dit sur la nécessité de régulation européenne dans ce domaine.
 
 
 
 

Marie-Hélène AUBERT - On a beaucoup parlé d’intermodalité. Pour conclure cette table ronde, je passe la parole à Guillaume PEPY, pour la SNCF.
 
 
 
 

Guillaume PEPY, directeur général délégué clientèle de la SNCF.
 
 

Juste un petit témoignage nécessaire au dialogue. En premier lieu, ce serait inutile et ridicule de plaider la cause du ferroviaire ici, le public est averti et acquis. Je voudrais témoigner du niveau d’ambition qu’on s’est fixé : constituer une alternative au développement de modes de transport que nous jugeons plus polluants.
 
 

1. Un développement du trafic voyageurs de 12 à 15 % dans les trois années qui viennent, après avoir atteint 20 % au cours de ces trois dernières années. Le déclin du ferroviaire est donc terminé, on est reparti à la conquête, avec l’aide des collectivités locales, des pouvoirs publics, en remobilisant une entreprise qui s’était un peu assoupie. L’arme essentielle qu’on manie est l’arme des prix : on veut prouver qu’on est capables aujourd’hui de faire un transport ferroviaire plus simple et moins cher. Au risque de choquer quelques personnes, notre principal concurrent à plus de 100 km, reste la voiture, et notre cible principale est la voiture, qui représente 77 % de la part de marché à plus de 100 km, contre 4 % pour l’avion et 13,5 % pour le ferroviaire.
 
 

2. Deuxième témoignage, les deux mondes aérien et ferroviaire, qui se sont ignorés pendant des décennies, sont en train de se rapprocher pour réaliser une véritable complémentarité. On ne peut pas mettre les modes de transport en guerre pour leur demander de travailler ensemble. Il faut au contraire apprendre à travailler davantage ensemble pour proposer aux clients des solutions intelligentes et conçues ensemble. L’intermodalité était la tarte à la crème de tous ceux qui se préoccupaient de transport, il faut aujourd’hui passer à l’acte. Avec ADP, on est passé à l’acte en bénéficiant d’un formidable équipement : le seul aéroport d’Europe relié au réseau à grande vitesse, et réciproquement ; la seule gare TGV d’Europe reliée à un aéroport de l’importance de Roissy. On avait assez peu utilisé jusqu’à présent cette gare, on parie dessus de manière assez déterminée. Environ 950 000 personnes arrivent à Roissy en TGV. On envisage de doubler ce nombre dans les cinq ans, par un volontarisme commercial fort. Entre Bruxelles et Roissy-Charles-de-Gaulle, on vient d’ouvrir un service de train qui représente une alternative à l’avion, il s’agit de transférer 400 000 clients de l’avion vers le Thalys, cela représenterait, si on y parvient avec l’aide d’ADP et en convainquant les compagnies aériennes, 7 000 mouvements d’avion en moins à Roissy. Si cela est possible sur Bruxelles, on peut peut-être un jour y arriver sur Francfort ou Londres. C’est une politique très déterminée que de proposer au client une offre de substitution.
 
 

Dernier message : tout n’est pas rose, il nous reste beaucoup de choses à faire. Je cite quelques chantiers : 1. La liaison ferroviaire entre Paris et Charles-de-Gaulle, c’est un chantier énorme de 5 milliards de francs, on travaille avec RFF et ADP. 2. Même chose sur Satolas, on est en situation d’échec pour l’instant. 3. Utiliser l’intermodalité sur Lille ou sur Nice, questions qui n’ont pas encore été traitées. Ce serait une réelle ouverture que de pouvoir développer là aussi l’intermodalité. Citons aussi quelques points négatifs vis-à-vis des clients et, tant qu’ils ne seront pas supprimés, rien ne sert d’appeler à une forte intermodalité. Nous ne sommes pas performants, aujourd’hui, sur le transfert des bagages entre train et avion, il existe des solutions dans le monde, il faut copier ce qui se fait ailleurs. Nous n’excellons pas non plus sur le pré-enregistrement, qui garantit aux passagers aériens l’acheminement en continu. Tous ces chantiers sont devant nous, afin de faire du TGV une sorte d’Airbus sur rail. Aujourd’hui, le TGV représente une alternative au développement des liaisons aériennes court-courrier.
 
 

Pour conclure, je dirais qu’il y a un fort volontarisme de la SNCF dans ce domaine, qui est décidée à tout faire pour y arriver. Je pense que les premiers résultats sont probants et nous sommes le seul pays européen qui se soit, aujourd’hui, concrètement engagé sur cette question-là. On espère que les Allemands vont suivre dans les mois et les années à venir.
 
 
 
 

D É B A T
 
 
 
 

Anne GELLÉ, Maire-adjointe d’Argenteuil, responsable de la commission nationale Transports des Verts
 
 

Je regrette l’absence à ce colloque des compagnies aériennes, puisque ce sont elles qui sont responsables du phénomène de hub.  En Île-de-France, on ne souhaite pas " botter en touche ", mais quand on se pose la question du rééquilibrage, on se demande si les plafonnements actuels, qui vont être dépassés, sont suffisants pour lutter contre le phénomène de hub et rééquilibrer vers les aéroports de province ? En ce qui concerne la présidence française et la possibilité de mettre une pollutaxe sur le kérosène , est-ce possible de faire cela en six mois ? Est-il possible d’appliquer une TVA sur l’ensemble des activités du transport aérien ? C’est le cas pour les autres activités de transport.
 
 
 
 

Jean GILBERT, Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) Ile-de-France
 
 

Je citerai un souvenir de 1991. Lors d’une conférence, M. Debries évoquait le projet des constructeurs aéronautiques de gros porteurs de les porter de 500 à 1000 places face à la saturation du triangle Londres-Paris-Francfort. Si on parlait déjà, en 1991, d’une saturation de ce triangle, cela disqualifie tout projet se trouvant dans ce triangle, comme Beauvilliers. Si on ne peut limiter le trafic, on peut demander que l’aéroport de rechange soit Satolas, puisqu’il est desservi par TGV. Il y a apparemment une croissance irréversible du commerce électronique, quel impact cela peut-il avoir sur le fret aérien ?

Une intervenante : on a beaucoup parlé des nuisances atmosphériques et du bruit. Je voudrais parler du sous-sol. Quand on agrandit un aéroport, se pose-t-on la question de l’eau ? Quelle influence sur la nappe phréatique ?
 
 
 
 

M. CARPENTIER, association de défense du Val-d’Oise contre les nuisances aériennes de Roissy
 
 

Pour aider les intervenants à réaliser leurs beaux projets, pour réduire les nuisances, samedi prochain, journée internationale, manifestation à Roissy, rendez-vous à 9 h, aérogare 2, parking fret 2.
 
 
 
 

Jean-Pierre GIRAULT, conseiller municipal à Boissy-St-Léger
 
 

Certaines villes, aujourd’hui, ne veulent plus de camions. Il a fallu vingt ans pour construire Roissy, il faudra aussi vingt ans pour un 3e aéroport. Il faudrait que ce soit un aéroport commun à Francfort, Londres, Paris et à la Belgique, ce serait un aéroport international. Attention à certaines propositions : si les vols de nuit sont supprimés en Europe, c’est le tiers-monde qui en pâtira, à cause des décalages horaires. Il faut réfléchir à un aéroport international européen, avec le problème de la desserte des TGV. Nous sommes de nombreux écologistes présents dans cette salle, malheureusement ce sont aussi souvent les écolos qui sont contre le TGV, je pense à Nice ou des villes à moyenne distance.
 
 
 
 

Paul LANNOYE - Il n’y a aucun argument contre la TVA sur les tickets d’avion. La taxe sur le kérosène n’aurait de sens qu’au niveau européen. M. Salvarani a déclaré qu’on était bloqué par l’exigence de l’unanimité au Conseil, on a donc besoin de changer les règles de décision, il faut casser la règle de l’unanimité au Conseil pour débloquer notamment cet important problème des taxes environnementales. D’ici le sommet de Nice, les débats auront lieu entre Etats membres : multipliez les pressions sur vos gouvernements.
 
 

Quand on dit : " il faut interdire les vols de nuit ", le mot est peut-être absolu, mais ce qui est anormal, ce sont des activités basées sur la nuit. Le vol de nuit devrait être l’exception, non la règle. On choisit la nuit pour le courrier ou pour certains vols de passagers, et cela perturbe totalement le bien-être de dizaines de milliers de riverains.
 
 
 
 

Yves COUSQUER - Satolas, c’est le 3e ou le 4e aéroport français, à égalité avec Marseille (6 millions de passagers). Toute la région Rhône-Alpes est desservie par Satolas, plus une partie de la Bourgogne, Genève pourrait l’être aussi en partie mais Genève a lui-même un aéroport, qui traite 7 millions de passagers. Je voudrais comparer cet ensemble économique (Rhône-Alpes et Genève) avec la Belgique. C’est à peu près comparable au plan économique et démographique. La somme des deux aéroports, c’est 13 millions de passagers. À Zaventem, c’est 20 millions. Une décision récente de Swissair permet de concentrer ses longs-courriers à Zurich, en déshabillant Genève. Une des conditions du développement de Satolas, c’est que sa masse critique soit substantiellement au-dessus de 6 millions de passagers. Genève est très contraint (sa piste restera unique), Satolas a un plan-masse qui prévoit à terme 4 pistes, dans un territoire plus exigu que Roissy. Air France a choisi son hub principal à Roissy, et son hub secondaire à Lyon-Satolas, pour des liaisons province-province ou province-Europe, avec de plus petits avions qu’à Roissy. La montée en régime est lente, et Satolas croît moins vite que la moyenne nationale, alors que Roissy croît plus vite. Le phénomène de concentration se poursuit. Economiquement, ce n’est pas facile de renverser cette tendance. Cela passera par une coopération économique accrue entre Genève et Satolas afin que le potentiel des deux s’exprime sur une plate-forme. Cela passe, Guillaume Pépy l’a précisé, par un renforcement de l’intermodalité à Satolas. On utilise très peu la gare TGV de Satolas pour l’instant, à la différence de Roissy. Il y a donc une question d’organisation et de branchement. Il faut que l’offre des compagnies aériennes à Satolas soit plus riche qu’elle n’est aujourd’hui. Et il est difficile d’offrir une offre concurrentielle avec un aéroport qui traite 6 millions de passagers, quand Zurich est à 20 millions, Francfort à 40 millions, et Roissy à 2 heures de TGV. Ce sont les éléments de l’équation du développement de Satolas.
 
 

En ce qui concerne l’eau, quand on établit un aéroport, on change les conditions, les études d’impact sont faites, en France comme à l’étranger.
 
 

La question de l’aéroport européen se pose pour la troisième plate-forme éventuelle dans le bassin parisien, c’est ce qui, à mes yeux, distingue une localisation beauceronne ou une localisation picarde. Une localisation du côté de Chartres a une logique très franco-française. Elle a l’avantage d’être à l’extérieur du triangle saturé (Londres-Amsterdam-Francfort-Paris), donc, de ce point de vue, Chartres est plus facile à gérer en termes d’espace aérien qu’un aéroport picard. Mais un aéroport picard, à condition qu’il soit à proximité de la ligne TGV, a une vocation européenne plus prononcée. Le débat sur la localisation du site est un débat sur la vocation principalement européenne, ou un aéroport bis, qui peut à terme se substituer à Orly. Que devient Orly à l’horizon 2050 avec une localisation à Beauvilliers ? C’est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu susciter une étude prospective avec un horizon délibérément éloigné.
 
 
 
 

Marie-Hélène AUBERT - Sur l’eau bien sûr, il faut une étude d’impact, mais à condition qu’elle ne se fasse pas une fois les décisions prises, mais qu’elle participe réellement au processus de décision, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui.
 
 
 
 

Arnaud CARON, Conseiller régional de Picardie

Ma question s’adresse à M. Cousquer, qui a à cœur de développer son activité, c’est de bonne guerre. En tant que politiques, notre problématique n’est pas d’envoyer des avions à Satolas ou de développer le transport aérien à l’échelle de l’Europe, c’est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, et de diminuer les nuisances que subissent déjà les riverains. En Picardie, se trouve déjà un aéroport international à Beauvais, avec des projets d’extension. La Picardie est une petite région, l’une des plus pauvres. Je voudrais faire la comparaison entre les aéroports et les déchets. C’est un peu comme les incinérateurs, dans la pensée dominante, on nous dit que c’est ce qu’il y a de plus pratique, mais personne n’en veut chez soi. Faire un grand aéroport en Picardie, c’est comme si Bruxelles, Paris et Londres construisaient un incinérateur géant au milieu de la Picardie, parce que c’est une localisation pratique. Nous supportons déjà l’A1, l’A1 bis, nous regardons les camions passer, mais n’en profitons absolument pas du point de vue économique. Tout cela est très joli sur le papier, mais au niveau de l’aménagement du territoire, ne résoud aucun des problèmes posés à la Picardie. Au contraire, cela va en ajouter tellement que ça deviendra invivable. Un troisième aéroport dans le bassin parisien, c’est inenvisageable dans l’état actuel des choses. Il faut donc stabiliser, voire faire diminuer le transport aérien. Cela suppose de payer la TVA, de mettre des pollutaxes sur le kérosène, sur le bruit… On n’a aucune autre solution actuellement.
 
 
 
 

Ismaël NEYME, assistant parlementaire de Jean-Pierre Blazy, député du Val d’Oise
 
 

Jean-Pierre Blazy ne peut être présent aujourd’hui car il se trouve à Bruxelles pour représenter l’association Ville-aéroport qui vient de se constituer. Il est dommage qu’on n’ait pas entendu aujourd’hui les acteurs du transport aérien sur la question du 3e aéroport. Tout le monde est d’accord sur cette question, que ce soit l’exécutif, M. Gayssot s’est engagé à plusieurs reprises à tenir la limite infranchissable des 55 millions de passagers, que ce soient les parlementaires de gauche ou de droite, qui se sont notamment exprimés dans l’association Ville-aéroport sur la nécessité d’un 3e aéroport, que ce soit M. Cousquer, qui s’est exprimé très fortement pour la réalisation de ce 3e aéroport. 55 millions, c’est en 2003 ou 2004. Le troisième aéroport, ce sera à moins d’une heure de Paris, et il ne faudra pas le faire ex nihilo, il faudra partir d’une structure existante, sinon 10 ou 15 ans seront nécessaires pour construire, et Roissy sera à 80 ou 90 millions de passagers. Et ce devra être un modèle d’intermodalité. M. Blazy s’est forgé la certitude, depuis trois ans qu’il consulte sur cette question, qu’aucune étude sérieuse n’a été faite depuis qu’on a fait le leurre de Beauvilliers en 1997, pour faire avaler la pilule de l’extension de Roissy. Pourquoi aucune étude sérieuse n’a-t-elle été faite ? Dans quelle perspective peut-on analyser un autre site que celui de Beauvilliers ?
 
 

Hubert ROUAULT, Fédération générale des transports et de l’équipement CFDT

Je voudrais évoquer le problème de l’emploi. On a parlé de chantage à l’emploi à Orly. La vérité n’est, ni du côté de ceux disant que cette question est à rejeter, ni de ceux qui sacraliseraient ce problème en disant que l’aéroport crée des emplois, donc le justifient. On s’est livré à un petit examen de ce qui se passe à Roissy. On ne peut pas dire que l’emploi non créé à Roissy serait créé ailleurs si on n’agrandissait pas Roissy. Car Roissy, en tant que grand aéroport, crée des activités pointues, sophistiquées, qui ne se retrouveront que sur un grand aéroport.
 
 

Néanmoins, quand on regarde la qualité et la quantité des emplois à Roissy, on est assez surpris. On nous a souvent dit qu’un million de passagers, c’était 1 000 emplois. Un " Entre Voisins " distribué en 1998 prenait ça comme une vérité acquise. Au même moment, les aéroports européens annonçaient le double, certains même disaient 4 000 emplois. En fait, la corrélation n’est pas établie, certaines années le trafic a même diminué et l’on a créé des emplois. Il faut donc être prudent sur ces corrélations. En ce qui concerne la qualité, en revanche, on peut se faire une opinion : la qualité n’est pas très bonne. Chiffres d’ADP : en 1999, il y aurait eu 30 % de saisonniers, 40 % de remplacements, et seulement 30 % de créations d’emplois. Et on ne nous livre pas les chiffres de CDI et de CDD, parce qu’ils ne sont sans doute pas très favorables. Ce sont souvent des emplois précaires. (Air Liberté Orly : 40 % de personnel précaire). Ce sont souvent des métiers mal payés, l’inspection-filtrage, la restauration, l’hôtellerie… Tout cela a un fort turn-over. Comme l’emploi est un argument pour le voisinage, on aboutit à un fort turn-over, et on n’arrive plus à trouver les candidats nécessaires à Roissy. On reproche aux candidats de ne pas avoir le comportement adéquat, de ne pas maîtriser assez les langues étrangères. Toujours est-il qu’on ne peut pas parler emploi sans faire de grands progrès en la matière, sans doute en liaison avec l’Education nationale.
 
 

Il y a 275 entreprises françaises et étrangères de transport aérien installées en France, dont 47 % en Ile-de-France. Face à ce grand déséquilibre, quelle est la position de la fédération des transports CFDT ? Nous l’avions dit, et nous pensions que le problème était résolu : en 1995, on pensait que la décision était prise qu’il n’y aurait pas de 3e aéroport en Ile-de-France, et que le trafic serait redistribué sur les aéroports français. C’est la position de la CFDT. Il y a un an, M. Gayssot a fait marche arrière, en cédant à l’appel de hauts fonctionnaires un peu trop complaisants vis-à-vis de la politique de hub d’Air France, il transférait du trafic d’Orly vers Roissy. Première erreur. On la constate, mais le trafic va-t-il revenir sur Orly ? Nous préconisons une redistribution vers les aéroports de province, un rééquilibrage sur Orly, mais à condition de changer la structure de la flotte, pour avoir moins de mouvements, avec des avions plus gros, y compris des longs-courriers.
 
 

3. Quel avenir pour les statuts du personnel des entreprises de transport aérien ? Si l’on veut vraiment avoir avec les entreprises de transport aérien un outil de régulation publique, il ne faut pas en même temps lorgner sur leur transformation en entreprises privées. Un vent souffle en ce moment sur toute l’Europe pour dire que les aéroports peuvent devenir des entreprises privées. Le prédécesseur de M. Cousquer déclarait à qui voulait l’entendre et à l’envi : " Je gère une entreprise commerciale comme une autre. " Pour nous, ce ne sont pas des entreprises comme les autres. Si l’Etat veut résoudre les problèmes auxquels vous vous attaquez (développement durable), il doit conserver une régulation publique, donc conserver le pouvoir sur les principales entreprises de transport aérien.
 
 
 
 

Mme Evelyne LAVEZZARI, Présidente de l’Association contre l’extension et les nuisances de l’Aéroport de Lyon-Satolas (ACENAS)
 
 

L’ACENAS compte 4 000 adhérents. C’est vous dire à quel point la population est très sensible à Satolas. Nous avons été confrontés à un problème d’extension d’aéroport. Mme Voynet a bien voulu nous recevoir, et nous a suggéré la mise en place d’un débat public, pour observer tous les impacts économiques, sociaux et environnementaux. On a demandé le débat, soutenus par les élus, mais on ne l’a pas obtenu, car il y a un problème de date au niveau du décret : il aurait fallu demander le débat public deux ans auparavant. Alors aujourd’hui, comment voulez-vous qu’on accepte un développement durable à Satolas, lorsqu’on n’a pas considéré tous les impacts sur la population : une commune se retrouve à 2 km dans l’axe des pistes, pire que Goussainville. C’est le premier point, le point humain.
 
 

On mentionnait les solutions aux problèmes parisiens, Lyon pour désengorger Paris. Je comprends que sur Paris la situation soit catastrophique, je sais ce que c’est, j’ai habité en région parisienne. Faut-il pour autant transformer Lyon en Paris bis ? On ne pense pas que ce soit le progrès. Deuxième élément : Satolas a-t-il vraiment les moyens de se transformer en 3e aéroport parisien. C’est la politique de la CCI. Pour exemple : la liaison Lyon-New York est subventionnée à 50 millions de francs (en1998) par la Communauté urbaine de Lyon et le Conseil général. Malgré cette subvention, la liaison ne s’est pas faite. Elle ne se fait que maintenant, après l’accord commercial entre Delta Airlines et Air France, sinon elle n’était pas viable. Pour vous dire ma compassion, nous serons présents à Roissy samedi, nous sommes solidaires contre les vols de nuit, contre les nuisances, mais ce n’est pas en reportant les nuisances qu’on réglera le problème. On les déplacera simplement.
 
 
 
 

CLÔTURE DU COLLOQUE

Marie-Hélène AUBERT - Si nous avons organisé cette journée en présence des associations de tous les sites concernés, c’est aussi pour élaborer ensemble une politique cohérente, et pour souligner la nécessité d’un débat public. Tout cela nous rassemble. Aujourd’hui, les décisions ne sont pas mûres, ne sont pas réfléchies. Nous sommes là pour éclairer le débat sur tous les enjeux, tous les problèmes qui se posent à la gestion du trafic aérien.
 
 

J’ai le plaisir d’accueillir Mme Dominique Voynet, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Je lui laisse la parole pour clôturer cet après-midi. Nous aurons en tout cas l’occasion d’en débattre encore très largement, bien avant que des décisions soient prises. La conclusion de ce colloque est la nécessité de transparence, d’information et de débat sur ces enjeux.
 
 




Mme Dominique VOYNET

Ministre de l’Aménagement du Territoire

et de l’Environnement






J’ai essayé à la fois de respecter la règle du jeu qui m’était proposée, c’est-à-dire m’exprimer en tant que ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, dans le strict respect de mes compétences ministérielles, mais aussi peut-être, de façon plus discrète et plus nuancée, d’évoquer un thème que la citoyenne politiquement engagée aurait envie de ne pas maltraiter pour autant : c’est la question de savoir si nous avons systématiquement à nous adapter au nouveau contexte économique et à la politique des transports qui nous est proposée, ou si nous avons, à certains moment, à poser les choses en termes de choix de société. Tous les déplacements sont-ils souhaitables ? La question est claire, la réponse vous appartient. Chacun, en fonction de son expérience, y répond de façon propre. Pour ma part, je crois indispensable de réinterroger l’efficacité socio-économique d’un système de transport dans lequel on n’a pas toujours à répondre en termes d’adaptation de l’offre à la demande, mais à se poser aussi la question de la légitimité de cette demande, et de ses impacts pour la société dans ses différentes composantes.
 
 

En tout cas, nous avons cherché à répondre à un certain nombre de questions qui nous étaient posées.
 
 

Inscrire le territoire français dans l’ensemble européen (la présence de Paul Lannoye ici n’est sans doute pas un hasard), faciliter l’ouverture de ce territoire et de l’Europe au monde sont bien sûr des enjeux majeurs de toute politique des transports. Les taux constatés pour la croissance des trafics aéroportuaires sont là pour en témoigner. Ils obligent les pouvoirs publics à un effort d’anticipation, de planification et d’encadrement des avenirs possibles, d’autant que le transport aérien exaspère, sans doute plus que tout autre, les conflits entre nuisances et pollutions locales ou globales, effets économiques directs ou indirects des plates-formes aéroportuaires sur le territoire.
 
 

J’ai bien parlé des avenirs possibles, on n’est pas en train d’examiner un seul scénario pour l’avenir, mais on est en train de prendre en compte des variables qui nous permettront de choisir, en positif, notre avenir, et non pas de nous adapter simplement, au fil de l’eau, à ce que choisiraient pour nous les entreprises, sans aucun débat citoyen.
 
 

Il convient tout d’abord de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit l’action de l’Etat en matière de transport aérien. La libéralisation du transport européen a induit des modifications sensibles dans le secteur aérien, mais rien n'est définitif. Au contraire on assiste aujourd’hui à de sensibles évolutions qui se caractérisent :
 
 

  1. Concernant les compagnies aériennes, par :

  2.  

     
     
     
     

    - la recherche d’alliances globales, en cours de consolidation comme en témoignent les annonces de rupture entre KLM et Alitalia, ou de discussions entre British Airways et Air France pour s’en tenir aux informations les plus récentes ;
     
     

    - l’intégration de compagnies régionales de deuxième rang aux grands groupes aériens, que ce soit en France avec le rachat de Régional Airlines par Air France, ou l’entrée d’AOM, et sans doute d’Air Liberté, dans le groupe Swissair ;
     
     

    - le développement de compagnies de niches, notamment pour les vols low-cost (comme on dit dans le jargon).
     
     

  3. Concernant les aéroports, par :

  4.  

     
     
     

- la mutation du système de hub, avec la nécessité pour les compagnies subissant une situation de saturation sur leur hub principal international de développer un hub secondaire européen, Munich pour Lufthansa, Birmingham pour British Airways, Lyon pour Air France ;
 
 

- l’optimisation et l’élargissement des systèmes locaux, avec aujourd’hui pas moins de cinq aéroports autour de Londres ;
 
 

- le rôle nouveau joué par des aéroports secondaires qui se spécialisent de facto, pour les vols low cost comme Beauvais ou, comme Vatry, pour le fret.
 
 

Par ailleurs, les activités de fret se développent, ce qui n'est pas sans incidence pour les riverains, du fait du caractère souvent nocturne de cette activité.
 
 

Au-delà de ces évolutions générales, la France se caractérise, plus que ses partenaires européens, par le poids des aéroports de la capitale et la faiblesse corrélative des aéroports régionaux. Il y a là un défi à relever car une bonne desserte aérienne devient de plus en plus déterminante pour le développement de la compétitivité et le rayonnement en Europe et dans le monde des grandes aires métropolitaines, dont je souhaite voir le rôle renforcé. C’est l’un des objectifs des schémas de services collectifs de transport, qui doivent fixer le cadre d’évolution des transports à l’horizon des vingt années à venir.
 
 

Vous l’aurez compris : on n’est pas en train ici de souhaiter que les capitales régionales jouent le rôle de la grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf parisien, on est en train simplement de poser le problème en termes d’équilibre du territoire. Qui dit aéroport allemand est capable de citer non seulement Francfort, mais aussi Munich, Berlin, Hambourg et quatre ou cinq autres aéroports de stature internationale. En France, on ne peut citer que Roissy et Orly.
 
 

Mais avant d’aborder les orientations qui me semblent devoir primer pour la politique de transport aérien dans ces schémas de services, je souhaite vous exposer les actions entreprises par le gouvernement pour réduire les nuisances du transport aérien, sans lesquelles un développement ultérieur de ce secteur ne pourrait s’envisager.
 
 

Les nuisances liées au développement du trafic aérien suscitent à juste titre des inquiétudes de plus en plus vives de la part de nos concitoyens. Celles-ci appellent de la part des autorités une vigilance particulière, en particulier à l’égard des nuisances sonores générées par les aéronefs, sans oublier la pollution atmosphérique liée à l’activité aéroportuaire prise dans sa globalité (trafic aérien et trafic terrestre induit, sans oublier les incidences sur l’imperméabilisation des sols, la gestion d’effluents polluants…). Je n’évoquerai pour mémoire que la question des aéroports militaires. La " grande muette " n’a pas encore changé résolument sa stratégie en la matière. Mais si l’évolution en ce qui concerne les aéronefs civils se traduit par une amélioration des moteurs et une diminution du bruit, il n’en est pas de même pour les avions militaires. Le Rafale, par exemple, fera beaucoup plus de bruit que ses prédécesseurs, ce qui impose d’avoir une stratégie de réduction des nuisances à proximité des aéroports militaires qui soit à la hauteur.
 
 

Concernant le bruit, tout d’abord.
 
 

La ministre chargée de l’environnement est aussi la ministre de "l’environnement du quotidien" et les nuisances sonores, si elles sont inhérentes à notre société, font l’objet de nombreuses récriminations du fait de leur caractère excessif, surtout la nuit, et inégalitaire. Vous l’avez souligné tout à l’heure, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il y a un certain lien entre inégalités sociales et inégalités devant la dégradation de l’environnement. C’est particulièrement vrai pour ce qui concerne le bruit.
 
 

Lorsque, en septembre 1997, mon collègue Jean-Claude Gayssot a annoncé la construction des deux nouvelles pistes de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, il a également présenté un dispositif de maîtrise des nuisances sonores générées par l’aéroport. Ce dispositif, issu d’une concertation avec les populations riveraines, a été soumis à mon initiative au Conseil national du bruit, dont l’avis a permis de compléter et, sur certains points, de renforcer, le dispositif initialement envisagé.
 
 

J’évoquerai en premier lieu la mise en place récente de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires – ACNUSA – instituée par la loi du 12 juillet 1999.
 
 

Cette Autorité administrative indépendante, présidée par M. Roger Leron, ancien député et ancien président du Conseil national du bruit, doit permettre d’assurer aux riverains des aéroports une information transparente et impartiale sur les nuisances sonores, et de limiter l’impact sur l’environnement du trafic aérien. Ainsi, elle a un rôle d’information du public et un rôle de recommandation dans ce domaine.
 
 

Mais elle est également dotée d’un pouvoir de sanction à l’égard de toute compagnie aérienne qui violerait les dispositions réglementaires adoptées pour lutter contre le bruit des avions.
 
 

En outre, ses compétences sont renforcées autour des grands aérodromes nationaux munis du dispositif d’aide à l’insonorisation, en ce qui concerne notamment la définition des indicateurs de bruit et de gêne sonore et les prescriptions techniques applicables aux réseaux de stations de mesure de bruit.
 
 

S’agissant de la gestion de l’urbanisme au voisinage des aérodromes, je me félicite des améliorations apportées par la loi portant création de l’ACNUSA au dispositif institué par la loi du 11 juillet 1985, avec en particulier la création dans les plans d’exposition au bruit d’une quatrième zone de protection, la zone D, à l’intérieur de laquelle les habitations devront faire l’objet d’un isolement renforcé. Un décret à paraître prochainement fixera la limite extérieure de cette zone.
 
 

Je souhaite également souligner le renforcement substantiel du rôle des Commissions consultatives de l’environnement, qui sont désormais consultées sur toute question d’importance relative à l’aménagement ou à l’exploitation de l’aérodrome qui pourrait avoir une incidence sur les zones affectées par le bruit. La composition nouvelle de ces commissions, qui comprennent désormais trois collèges – représentants des professions aéronautiques, des collectivités territoriales et des associations de riverains et de protection de l’environnement – doit concourir à renforcer le dialogue et la concertation autour des problèmes de nuisances sonores d’origine aéronautique.
 
 

Le gouvernement s’est également engagé dans une réforme en profondeur du dispositif d’aide à l’insonorisation des riverains des aérodromes, institué en application de la loi de 1992 sur le bruit.
 
 

Ainsi, un décret de novembre 1998 est venu assouplir la règle d’antériorité applicable pour déterminer l’éligibilité à l’aide. Désormais, seule la date de construction de l’habitation est considérée par rapport aux dates d’approbation du plan de gêne sonore et du premier plan d’exposition au bruit concernant l’habitation, sans tenir compte de la date d’acquisition du logement. Par ce même décret, l’aide de l’Etat pour l’insonorisation des logements a été portée de 80 % à 90 % pour les ménages à faibles revenus, et même à 100 % pour les ménages les plus défavorisés, les établissements d’enseignement et les locaux à caractère sanitaire ou social.
 
 

À l’égard des plans de gêne sonore, il est apparu nécessaire d’engager une réforme des modalités d’établissement de ces plans, afin qu’ils correspondent mieux à la gêne subie par les riverains. Ainsi, une enquête de gêne sonore, couplée à une campagne de mesures in situ des niveaux de bruit, a été réalisée dans les communes exposées au bruit au voisinage des aérodromes de Roissy et d’Orly. Les résultats de cette enquête seront transmis tout prochainement à l’ACNUSA, à laquelle il reviendra de définir un nouvel indice de gêne sonore, plus représentatif de la gêne subie par les riverains, et qui servira de base à l'actualisation des plans de gêne sonore.
 
 

Par ailleurs, la taxe d’atténuation des nuisances sonores a été intégrée au sein de la nouvelle Taxe générale sur les activités polluantes, afin de renforcer l’application du principe pollueur-payeur et de favoriser l’adoption par les compagnies aériennes de comportements plus respectueux de l’environnement.
 
 

Soucieuse de répondre au mieux aux attentes des populations concernées, j’ai doublé les moyens consacrés à cette action, et j'ai demandé à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), gestionnaire du fonds d’aide, de prendre des dispositions permettant d’améliorer et d’accélérer le traitement des dossiers de demandes d’aides.
 
 

Après le bruit, la qualité de l’air
 
 

Les nuisances occasionnées par le transport aérien ne se limitent pas au bruit. Les pollutions et les émissions de gaz à effet de serre me préoccupent également.
 
 

Ainsi dans l’arrondissement de Montmorency, en 1994, les émissions des avions à l’atterrissage ou au décollage représentaient plus d’un tiers des émissions d’oxydes d’azote issues des transports (CITEPA).
 
 

Le transport aérien est également responsable de l’émission d’autres polluants : monoxyde et dioxyde de carbone, composés organiques volatils et particules. Même émises à haute altitude, ces substances peuvent avoir des effets environnementaux importants, en particulier sur le changement climatique.
 
 

La pollution de l’air liée au transport aérien ne saurait toutefois être limitée à la seule pollution des avions. Les installations au sol, les engins de manutention provoquent également des émissions de polluants dans l’air. La demande de transport créée par l’implantation d’un aéroport entraîne en outre un trafic terrestre dont les émissions sont considérées comme équivalentes à celles des émissions des avions.
 
 

La pollution de l’air liée au transport aérien constitue donc un véritable sujet de préoccupation. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévoit une croissance du trafic aérien de passagers supérieure à celle du PIB. Dans le passé, la demande a progressé plus vite que les réductions d’émissions. Ainsi, les problèmes posés ne pourront aller qu’en s’amplifiant si une politique au fil de l’eau était menée. Ce n'est pas acceptable.
 
 

Les schémas de service transport, en cours d’élaboration, doivent notamment permettre de favoriser les approches multimodales et ainsi réduire les émissions de gaz polluants.
 
 

Le fort potentiel de croissance du trafic aérien international impose des actions internationales coordonnées. Le renouvellement des flottes, les mesures d’exploitation, le développement d’un réseau trans-européen de transports sont des enjeux pour les prochaines années.
 
 

La mise en place de prescriptions techniques plus strictes pour les aéronefs dans le domaine de la pollution atmosphérique, ainsi que d'une taxation du kérosène, doivent faire partie des priorités de l'Union Européenne pour la réunion de septembre 2001 de l’Organisation de l’aviation civile internationale.

La nécessité d’inscrire notre action dans un cadre international, au minimum communautaire, apparaît souvent comme un prétexte pour ne rien faire ou presque. En effet, lors de la réunion de Kyoto, qui a permis d’adopter le protocole dit de Kyoto sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, nous avons beaucoup insisté au niveau de l’Union européenne sur la nécessité de mettre en place des politiques et mesures coordonnées au niveau international, à côté de mécanismes de marché dont les Etats-Unis s’étaient fait les défenseurs. Si la communauté internationale a accepté le principe de politiques et mesures, elle coince sur l’adoption de mesures concrètes. Nous avons donné l’exemple de la taxe sur le kérosène, et on nous a expliqué que ce n’était pas possible, et que certains pays refuseraient de mettre en place cette taxe. Au niveau communautaire, il en est de même. S’il est vrai que la France ne peut agir seule, en courant le risque de voir l’essentiel de son trafic reporté sur d’autres Etats européens moins exigeants, elle doit en revanche travailler dans le cadre de l’Union européenne, parce que les avions devront bien faire le plein avant de quitter le territoire communautaire. On peut donc très bien mettre en place une taxation du kérosène au niveau communautaire, sans attendre de le faire dans le cadre de l’OACI. C’est un des thèmes sur lesquels je vous invite à faire valoir un point de vue très fort auprès du ministère des Transports et auprès du ministère de l’Economie et des Finances, qui auront à défendre cette taxation du kérosène pendant la présidence française.
 
 

La desserte des aéroports en transports collectifs
 
 

Les riverains subissent également les désagréments liés à la desserte terrestre des aéroports, qui mêlent encombrements et pollutions. Le recours immodéré à l’automobile pour desservir nos aéroports tranche sur les pratiques répandues en Europe du Nord. Seuls les aéroports parisiens disposent d’une desserte en transports collectifs en site propre, et de qualité pas toujours suffisante.
 
 

Le développement de la desserte des aéroports en transports collectifs est un véritable enjeu pour les années à venir.
 
 

Nos aéroports doivent être pensés comme de véritables pôles d’échanges au niveau régional, et interrégional pour certains d’entre eux, au cœur de réseaux multimodaux de transport.
 
 


AÉROPORTS ET AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE




C’est cette approche globale multimodale qui a été privilégiée par le gouvernement pour l’élaboration des schémas de services collectifs des transports. Elle doit permettre d’inscrire les politiques de transports dans une perspective de développement durable. Vous ne serez donc pas étonnés si pour moi, ce n’est pas tant la desserte aérienne du territoire qui compte, mais plutôt les conditions de développement des liaisons internationales au départ de notre territoire.
 
 

Plusieurs objectifs me paraissent dès lors devoir être mis en avant :
 
 

– le développement des relations aériennes des grandes aires métropolitaines françaises avec les principaux pôles européens et, pour certaines, avec des pôles mondiaux, déjà mentionné ;

– le rôle croissant que doit jouer le mode ferroviaire dans l’organisation du système aérien, notamment grâce à l’intermodalité ;

– les mesures susceptibles de conserver à Paris son rôle de place majeure dans le transport aérien mondial.
 
 

1. Le développement des relations des grandes aires métropolitaines françaises avec les principaux pôles européens, et avec des pôles mondiaux tout d’abord.
 
 

Le Parlement a souhaité inscrire l’objectif de favoriser le développement des liaisons aériennes à partir des aéroports d’importance interrégionale dans l’article de loi définissant les schémas de service. C’est la seule mention faite au transports aériens dans ces articles de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire.
 
 

De quoi s’agit-il ? En premier lieu de favoriser les relations aériennes de la dizaine d’aires métropolitaines qui justifient d’un trafic aérien relativement important vers les principaux pôles européens. D’abord amorcé par le développement de liaisons de rabattement vers les hubs européens, cet objectif correspond de plus en plus à un besoin de services aériens directs.
 
 

Il s’agit en second lieu de favoriser le développement des relations internationales long-courrier à partir de quelques aires métropolitaines ayant vocation à fédérer les besoins de services aériens internationaux de plusieurs régions limitrophes. La relation Lyon – New York en est un exemple typique.
 
 

Que l’on ne s'y trompe pas : si cet objectif contribue à la désaturation des aéroports parisiens, c’est d’abord un objectif en soi qui vise à conférer un des services rares et stratégiques, qui sont de plus en plus déterminants pour le développement de la compétitivité et le rayonnement en Europe et dans le monde à des pôles métropolitains autour desquels se structurent les six grands ensembles territoriaux révélés par les évolutions démographiques.
 
 

Certes je ne prétends pas que demain l’ensemble de ces aéroports pourront offrir une desserte internationale aussi étoffée que celles des aéroports de Paris, mais c’est en tout cas un objectif d’avoir un meilleur équilibre de l’offre sur le territoire, et c’est une politique que les pouvoirs publics se doivent de soutenir.
 
 

Pour cela l’Etat doit utiliser les prérogatives qu’il a conservées après la libéralisation du secteur aérien. Elles ont de plusieurs ordres.
 
 

Cela concerne d’abord les infrastructures. Celles des aéroports français sont particulièrement bonnes. L’Etat devra veiller à les adapter en fonction de la croissance attendue, afin notamment de préserver les possibilités d’accueillir des vols long-courriers dans la perspective d’un redéploiement du trafic aérien vers les principaux pôles régionaux, en tenant compte des nuisances pour les riverains. Je tiens à souligner à ce propos l’importance que j’attache à la maîtrise de l’urbanisme autour des sites aéroportuaires, par les plans d’exposition au bruit, et dans le prolongement, par des mesures spécifiques qui pourraient être prises, par exemple dans le cadre de directives territoriales d’aménagement (DTA).
 
 

L’adaptation des capacités aéroportuaires n’est pas le seul instrument encore entre les mains de l’Etat. Ainsi, en 1994, le secrétaire d’Etat aux transports britannique a libéralisé pour les compagnies américaines l’accès aux aéroports régionaux, tout en maintenant les contraintes sur Heathrow et Gatwick. Les conséquences de cette politique ont été très positives pour les aéroports régionaux, qui offrent aujourd’hui neuf liaisons quotidiennes vers les Etats-Unis. Cet exemple est à méditer. La prise en compte de l’intérêt de développer des liaisons aériennes long-courrier au départ des grandes aires métropolitaines françaises, à l'occasion de la négociation des accords aériens bilatéraux relatifs aux droits de trafic, me semble une piste insuffisamment approfondie aujourd’hui.
 
 

2. Le développement des services ferroviaires rapides
 
 

Le développement des liaisons internationales ne saurait toutefois ignorer les services rapides ferroviaires, qui contribuent à la désaturation du mode aérien de deux façons :
 
 

– par une offre alternative au transport aérien, lorsque l’échelle des temps et la massification des flux le justifient ; on estime que le report vers le mode ferroviaire devient significatif lorsque le temps de trajet ferroviaire passe en dessous de la barre des 3 heures ;

– par le développement de l’intermodalité sur les places aéroportuaires, permettant des pré- et post-acheminements par le mode ferroviaire en lieu et place des courts trajets aériens, notamment dans le cadre d’accords commerciaux entre opérateurs aériens et ferroviaires, en lieu et place également de l’utilisation de la voiture.
 
 

En particulier, le développement des lignes nouvelles ferroviaires tel que l’on peut l’imaginer à l’horizon des schémas de services, devrait permettre de conforter un réseau ferroviaire européen à grande vitesse permettant des services ferroviaires rapides entre des pôles économiques européens tels que : Paris – Francfort ; Paris – Lyon – Turin – Milan ; Francfort – Strasbourg – Lyon ; Marseille – Barcelone ou Toulouse – Barcelone. Pour un certain nombre de ces liaisons, le temps de parcours ferroviaire passerait en dessous du seuil des trois heures, avec un report modal significatif du trafic aérien vers le train.
 
 

Mais surtout, le développement de ce réseau, comme les améliorations envisagées pour les services ferroviaires nationaux, devrait permettre d’approfondir les complémentarités entre avions et trains, par le développement de l’intermodalité.
 
 

Le succès des services combinant avions et trains en correspondance dépend, non seulement de l’existence d’infrastructures permettant ces correspondances, mais surtout de l’environnement commercial qui les accompagne, en particulier l’information des voyageurs, la billétique intégrée, ou la prise en charge des bagages tout au long du parcours.
 
 

La signature d’accords entre la SNCF et des compagnies aériennes a permis de lancer depuis 1994 cette dynamique sur l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
 
 

Mais ce développement de l’intermodalité ne doit pas être l’apanage des aéroports de Paris. Aujourd’hui, malgré l’investissement important réalisé dans la gare TGV de Satolas, les trafics en correspondance entre TGV et avions sont quasi-nuls sur l’aéroport lyonnais. Cet situation mérite d’évoluer.
 
 

3. Des mesures visant à conserver le rôle des aéroports d’Ile-de-France
 
 

Les efforts faits pour rééquilibrer la desserte aérienne ne doivent pas occulter l'atout que constituent les plates formes aériennes de l’Ile-de-France comme porte d’entrée européenne du transport aérien mondial, garantissant ainsi à la région capitale et à l’ensemble du pays une desserte aérienne particulièrement étoffée.
 
 

L’objectif poursuivi est donc bien de conserver le rôle joué par les aéroports de Paris, en renforçant les moyens de réduire les nuisances. En particulier, l’engagement du gouvernement de limiter le bruit dans l’environnement immédiat ne saurait être remis en cause. Il faut au contraire poursuivre et renforcer cet effort de maîtrise. Pour cela, la définition d’indicateurs de bruit et de gêne sonore consensuels me paraît indispensable.
 
 

Chacun sait que les perspectives d’évolution tendancielle des trafics attendus en 2020 sur les aéroports de Paris excédent leur capacité et que des risques de saturation existent dès le moyen terme.
 
 

C’est pourquoi, j’ai demandé au comité chargé d’élaborer les schémas de services de transport d’étudier des mesures à court et moyen terme propres à infléchir la croissance du trafic des aéroports de Paris, en sus du développement des relations aériennes directes à partir des aires métropolitaines aériennes, et de la valorisation de l’intermodalité entre le TGV et l’avion, que je viens d’évoquer. De telles mesures pourraient notamment viser :

- à optimiser l’utilisation des capacités existantes, en favorisant en particulier une augmentation de l’emport moyen des avions ;

- à faciliter la distribution d’une partie du trafic parisien vers d’autres aéroports du bassin parisien, comme cela a été amorcé pour les trafics spécialisés, avec l’accueil à Beauvais de trafic low-cost, ou avec l’ouverture de plates-formes spécialisées fret à Vatry et Châteauroux. Mais il est clair que ce desserrement ne saurait se faire au détriment des riverains de ces plates-formes et devrait s'accompagner d'un renforcement des exigences environnementales et des mécanismes de concertation, à l'instar de ce qui existe pour les grandes plates-formes.

À plus long terme, et dans la mesure où toutes les possibilités offertes par ces mesures auraient été épuisées, l’hypothèse d’un nouveau site pour le bassin parisien ne me semble pouvoir être envisagée qu’après avoir éclairé le débat sur le rôle que pourrait jouer une telle infrastructure par l'analyse des choix possibles en matière de localisation, d’aménagement et d’exploitation, au regard des stratégies des compagnies aériennes, des capacités de développement des aéroports régionaux , des potentialités offertes par l’intermodalité, et des progrès envisageables en matière de contrôle aérien. Ce débat ne concernera pas uniquement le bassin parisien. Il se pose avec la même acuité dans toute l’Europe des capitales, de Londres à Francfort, d’Amsterdam à Paris. Il me semble dès lors qu’il ne peut simplement demeurer un débat franco-français, mais doit être posé à l’échelle européenne.




J’ai eu l’occasion d’en discuter de façon très directe avec Isabelle Durant, ministre belge des Transports, et vice-premier ministre. Elle a expérimenté les difficultés liées aux tentatives de maîtrise des circulations sur l’aéroport de Bruxelles, notamment les vols de nuit. Elle a été intéressée par ma suggestion, même si je vais au-delà de mes compétences ministérielles. En effet, tous les ministres des Transports européens sont confrontés aux mêmes questions. Il me semble que la première question qu’on doit se poser, c’est de savoir si on est à la recherche d’un aéroport de délestage au profit de quelques compagnies secondaires pour écluser un petit peu du trafic supplémentaire, ou si on est à la recherche d’un aéroport international de stature européenne, et à ce moment-là, c’est intéressant de mettre l’ensemble des ministres des Transports concernés autour d’une table, et d’arrêter peut-être le lieu d’un aéroport européen, même s’il est situé sur le territoire allemand, belge ou français… À nous de chercher ensuite la meilleure localisation pour cette nouvelle porte d’entrée, en Europe, du trafic aérien international. C’est en tout cas une réflexion qui doit être menée avant que des choix soient pris en faveur de tel ou tel site au niveau national.
 
 

Vous aurez compris que pour moi, une décision en faveur du site de Beauvilliers serait à la fois infondée – compte tenu des conditions que je viens de rappeler – et contestable, à la fois en termes d'aménagement du territoire et par ses conséquences sur l'aggravation de la saturation des réseaux terrestres.
 
 

Telles sont, à mes yeux, quelques-unes des exigences d'un développement durable du transport aérien. La libéralisation intervenue dans ce secteur ne doit pas constituer un prétexte au laisser-faire, même si la nature de ce mode exige souvent une action concertée au niveau international ou communautaire. Je me réjouis à cet égard de l'intérêt croissant que porte l'Union européenne à ce sujet. À la suite de la communication de la Commission de décembre 1999 sur "transport aérien et environnement", j'appuie très fortement l'idée d'une modulation des redevances aéroportuaires en fonction des types d'avions ou des horaires, qui doit être portée par la présidence française. Vous savez sans doute, en outre, que le règlement communautaire concernant les avions "hushkités" est entré en vigueur depuis le 4 mai dernier ; il convient de rechercher activement de nouveaux progrès. Je souhaiterais en particulier que la présidence française soit l'occasion d'avancées concrètes sur la réduction des vols de nuit – au niveau français dans un premier temps, s'il n'est pas possible de le faire au niveau communautaire.
 
 

Les pouvoirs publics doivent mobiliser leurs moyens d'action pour réduire les nuisances subies par les riverains, pour maîtriser l'évolution de la demande en l'orientant vers la grande vitesse ferroviaire chaque fois que c'est possible ; quant à la problématique d'une nouvelle plate-forme, il convient d'éviter les présentations simplistes tendant à opposer les riverains entre eux. J’ai cru comprendre qu’au cours de cette journée, cette stratégie n’a pas été complètement couronnée de succès. Encore faut-il que les gens puissent se parler, et vérifier qu’ils possèdent en commun de nombreuses raisons d’agir. J’en verrai une, plus particulièrement, qui ne devrait pas être oubliée : c’est la question de savoir quel est le choix de société que nous entendons faire, et quelles sont les décisions politiques lourdes que nous aurons à adopter en fonction des choix de société que nous retenons. Pour moi, je le redis, au-delà de mes responsabilités d’aujourd’hui, je continue à penser que l’augmentation de notre qualité de vie, de notre confort de vie, l’efficacité socio-économique du système, ne sont pas directement corrélées à notre adaptation au nouveau contexte international qui nous est proposé par de grandes compagnies dont c’est l’intérêt de court terme. Une parole citoyenne, une parole politique au sens noble du terme, est absolument indispensable à tous les stades de traitement de ce dossier.
 
 

Merci aux organisateurs de ce colloque d'avoir permis de bien poser les termes du débat. J’ai cru comprendre que vous alliez avoir d’autres occasions de vous exprimer dans les jours à venir, avec des banderoles et des pancartes. C’est un mode d’action sur lequel je ne pourrai malheureusement pas vous accompagner. Merci.
 
 
 
 

Marie-Hélène AUBERT - Merci d’avoir participé à cet après-midi, rendez-vous pour les prochaines manifestations et pour les prochains colloques qui ne manqueront pas d’avoir lieu.