ANNEXE 3 (intégrale) de l'ouvrage
"DEGAGE... ON AMENAGE"
(J. De Legge & R. Leguen, Les Sables
d'Olonne, Cercle d'Or, 1976, pp. 114-120)
1970-1971
L'histoire locale du projet d'aéroport ne commence que cinq années après l'étude de la Chambre de Commerce. Les principales études -travaux de prospective, dossiers techniques sont closes et la procédure d'exécution est en cours.
Deux séries d'événements déclenchent les réactions locales qui ne s'exprimeront collectivement qu'en 1972.
- Le 15 mai 1970, Ouest-France publie l'interview d'un sénateur de la région qui vient d'enquêter aux USA sur les transports aériens à la tête d'une commission sénatoriale. « Le projet d'aérodrome n'est pas suffisamment ambitieux ». Le sénateur réclame 7 000 ha et non plus 3 000 ha et annonce que 40 000 emplois pourraient être amenés à la région !
- Le 22 mai, Presse-Océan interviewe à son tour le sénateur qui claironne : « La métropole Nantes-Saint-Nazaire pourrait devenir le « Rotterdam Aérien de l'Europe par la création d'un aéroport international de fret au nord de la Loire » et cette fois il envisage un afflux de 200 000 habitants supplémentaires grâce à l'aéroport.
- Le 24 novembre, nouvelle interview dans Ouest-France, le sénateur répète et développe : « Il peut être l'élément déterminant du décollage économique de la métropole... Avec la création d'un aéroport de classe européenne donnera-t-on une véritable chance à Nantes-Saint-Nazaire ? >
Ces articles suscitent des réactions locales diverses. Certains habitants s'étaient procurés, à l'occasion de la Foire-exposition, des documents publics de l'OREAM qui mentionnaient l'aéroport mais ne donnaient aucune indication précise quant à la localisation.
On imagine ici, on s'inquiète là. Le maire de Notre-Dame-desLandes écrit au sous-préfet qui répond à ses interrogations en restant dans le vague. Pendant plus d'un an, il n'y a plus d'information officielle : les journaux restent muets en 1971, pendant qu'ailleurs on localise le projet et que l'on met la procédure au point.
1972
Deuxième temps : les administrations, les élus, le pouvoir vont organiser l'information et provoquer les réactions locales.
Janvier : 9 janvier 1972, Presse-Océan commence l'année par un entretien avec le préfet qui précise : « L'Aéroport international est en piste. »
En janvier, la DDE publie une note d'information sur la pré-ZAD à l'usage des élus. Le préfet écrit au maire pour lui annoncer une prochaine consultation pour la pré-ZAD.
Un avis réservé est voté le 11 avril à Notre-Dame-des-Landes. Trois autres communes en font autant, et une s'oppose au projet.
Mars : Les premières réactions s'organisent chez les agriculteurs de Notre-Dame--des-Landes, qui connaissent maintenant la localisation quasi définitive. Le syndicat local décide le 22 mars, en assemblée générale, de s'informer davantage et de prendre des contacts.
Le 28 mars, une assemblée intercommunale de cinq syndicats agricoles concernés, décident de proposer la création d'un comité de défense et de faire une enquête sur les exploitations touchées; un premier tract est diffusé.
Mai : Les réunions se poursuivent en avril : les exploitants touchés sont connus et des résultats statistiques rassemblés. Le 15 mai, une grande réunion se tient à Notre-Dame-des-Landes sur l'initiative du syndicat local : des représentants syndicaux agricoles, des membres de la Chambre d'Agriculture et les habitants concernés y assistent. Les conséquences de la ZAD sont particulièrement discutées et font apparaître un premier clivage Chambre d'Agriculture - Syndicats locaux. Les participants décident de proposer la formation d'un comité d'étude et de défense des intérêts locaux et d'étudier le projet et ses répercussions.
Les agriculteurs font paraître, pour la première fois, un article dans le journal de la FDSEA Le Paysan Nantais. Les quotidiens régionaux commencent à parler de « malaise » et d' « inquiétude ».
Le 29 mai, le préfet, entouré de ses administrations - DDE, OREAM, DDA... -, invite à Nantes les élus locaux et ceux des communes concernées. Il s'agit de leur faire prendre un avis favorable à la ZAD, car les votes du mois d'avril n'ont pas été très brillants pour le pouvoir régional.
Join : Une seconde réunion est organisée à Notre-Dame-des-Landes, le 14 juin, par le sous-préfet, avec les mêmes organisations. L'objectif apparaît encore plus clairement : on menace en cas de « mauvais » vote. Les syndicats agricoles sont présents et les clivages ne font que s'accentuer.
Des réunions identiques se tiennent dans les quatre autres communes les semaines suivantes.
Les agriculteurs se réunissent au lendemain de la table ronde et décident d'accélérer leur organisation : ils projettent de constituer un comité de défense avec des collègues par catégories d'intérêts, et par des votes communaux. En fait, seul le collège agricole est prévu. C'est le projet d'étude agricole qui oriente définitivement les options du futur comité de défense
il se heurte aux élus et aux administrations; au fur et à mesure de la clarification des stratégies, les positions locales se durcissent.
L'idée d'une étude sur la
ZAD, lancée à la réunion du 15 mai, est reprise par
la Chambre d'Agriculture qui y était représentée.
Elle la répercute très vite auprès du préfet
qui la transmet à ses services (DDE - OREAM - DDA), leur donnant
son accord pour faire participer la Chambre d'Agriculture aux « travaux
des services techniques ». Le sous-préfet reprend le 14 juin
Vidée d'un comité d'étude dans lequel administrations,
maires et représentants agricoles se pencheraient sur les problèmes,
cas par cas. Le Conseil municipal de Notre--Dame-des-Landes donne son accord
et souhaite - le 23 juin - la formation d'un comité d'études
élu. Une réunion houleuse a lieu entre le Conseil municipal
et les représentants des agriculteurs concernés qui refusent
la mainmise du Conseil sur les élections.
Juillet : Le 20 juillet, le groupe de
défense organise les élections en dehors des structures prévues
par le Conseil et les administrations.
Août : Un comité de défense provisoire est formé le 11 août. Un bureau est élu; il prépare les statuts. Le projet d'étude et le comité semblent mis en veilleuse par les différentes parties.
La Préfecture se félicite auprès de la Chambre des travaux réalisés, des échanges de vues entre les organisations et des réunions administrations - élus. On a confiance pour le vote de la ZAD, du moins fait-on semblant en entretenant les relations.
Septembre : La ZAD est votée successivement par les différents Conseils municipaux avec quelques réserves. Elle concerne désormais, directement, 1 200 ha environ.
La DDA ressort le projet de groupe de travail à la Chambre qui transmet localement (il ne reste qu'à choisir les élus agricoles, dit-elle). Le comité de défense réagit et fait connaître son refus à la Chambre. La FDSEA «Nord de Nantes D fait de même. Les journaux soulignent les interrogations qui se font jour localement.
Décembre : Le préfet annonce au Congrès des maires à Blain, des crédits pour les réservations foncières et l'arrêté de ZAD pour le début 1973. Le comité de défense se constitue en « Association de Défense des Exploitants Concernés par l'Aéroport > - ADECA -. L'association décide de mener une campagne d'information : tracts, articles dans Le Paysan Nantais et les quotidiens régionaux.
1973
Janvier : Un cas de cumul sur la ZAD soulève l'opposition des agriculteurs; ils s'opposent à l'achat de terrains par un pépiniériste.
Avril : L'affaire provoque une réunion à la Chambre entre les organisations agricoles - DDA, SAFER, FDSEA, ADECA... -. C'est l'occasion d'un nouveau débat contradictoire sur le projet. L'éventualité d'une étude agricole est à nouveau évoquée.
Mai : Le Conseil général
est nommé préempteur sur la ZAD; il décide aussitôt
le déblocage de crédits pour 1973 et l'année suivante.
Le dernier Conseil municipal qui ne s'était
pas prononcé, vote la ZAD.
Août : Par l'intermédiaire de la Chambre d'Agriculture, le directeur de l'OREAM se déclare intéressé par une étude approfondie sur la ZAD.
Octobre : L'ADECA demande des précisions. Le directeur de l'OREAM recule aussitôt en se déclarant incompétent. L'ADECA poursuit sa campagne d'information. Un groupe parallèle d'agriculteurs non directement concernés, commence à se constituer.
1974
Janvier : Parution de l'arrêté de ZAD le 11 janvier. Les journaux lui consacrent une page régionale : l'ADECA réagit par des tracts et une lettre ouverte au préfet.
Une émission de télévision régionale sur la ZAD provoque dans la population de Notre-Dame-des-Landes des réactions d'indignation : < Nous n'habitons pas un désert. »
Février : Les élus locaux se réunissent à Notre-Dame-des-Landes : ils décident de coordonner leur action et d'être en contact permanent avec les chambres. L'ADECA, écrit une lettre ouverte aux communes, leur reprochant, en particulier, leurs votes; la FDSEA approuve l'ADECA.
Mars : L'ADECA installe des panneaux d'informations le long des routes de Notre-Dame-des-Landes. Les dix syndicats locaux décident de lancer une vaste campagne d'information auprès de la population.
La visite du préfet à Blain est précédée d'inscriptions nocturnes sur la mairie. Une vive discussion oppose l'ADECA, le maire de Notre-Dame-des-Landes et le sous-préfet. Le préfet a refusé de participer à la réunion.
Avril : Le bureau de la Chambre d'Agriculture
se déclare, officiellement, en désaccord avec l'attitude
du Comité Régional de Développement Agricole de Pontchâteau
qui soutient l'ADECA (le CRDA dépend du SUAD qui dépend lui-même
de la Chambre) et celle du syndicalisme de la région. Il demande
au CRDA de faire pression sur l'ADECA afin qu'elle prenne une position
plus positive. Le CRDA refuse.
Mai : Devant une situation sans cesse
plus confuse, et plus tendue, la Chambre décide de rédiger
une note détaillée sur le problème de l'aéroport.
Elle décide alors, pour le 7 juin, une table ronde entre les organisations
ales plus concernées : Chambre, SUAD, CRDA, ADECA.
Juin : La table ronde permet de retenir définitivement le Principe de l'étude agricole; l'ADECA serait maître du travail et de la diffusion; la Chambre, par l'intermédiaire du SUAD, encadrerait le travail et le financerait en partie.
L'étude est prévue pour septembre.
L'ADECA décide d'organiser un voyage dans les aéroports parisiens pour quelques-uns de ses membres.
La FDSEA est d'accord avec l'ADECA dans son opposition au projet. Sans prendre une position tranchée, la CFDT souligne les coûts importants du projet pour les populations locales.
Août : Le groupe d'action extérieur à l'ADECA se structure pour politiser et élargir la lutte. Un montage audiovisuel est propose pour la fin de l'année.
Septembre : L'ADECA met en vente un macaron : u Non à l'Aéroport d'Ouest Atlantique. »
Des tracts sont diffusés.
Une manifestation sur la ZAD se déroule à l'occasion de la récolte du maïs.
Le groupe d'action décide de faire un montage de diapositives sur la ZAD, et de participer aux études en cours sur le projet d'aménagement. Les rapports avec l'ADECA restent très réduits.
Novembre : Le début de l'étude agricole de l'ADECA, effectuée par deux étudiants, donne lieu à de longues négociations dont l'enjeu est le contrôle des informations recueillies par l'enquête. Le protocole de la Chambre, différent des conditions de juin, n'est pas signé par l'ADECA. L'étude est faite en quatre mois.
Le montage des diapositives se poursuit : il est réalisé par les agriculteurs et les agricultrices du groupe d'action.
1975
Avril : L'ADECA ne diffuse qu'une partie
des résultats de l'enquête; les problèmes entre la
Chambre, l'ADECA et les syndicats n'étant pas résolus.
Le groupe d'action organise à Blain,
la projection de "Kashima Paradise" - histoire de l'opposition à
un projet d'aéroport au Japon - qui rassemble 500 personnes.
Juin : Le montage des diapositives est diffusé dans les communes voisines de la ZAD par le groupe d'action.
Juillet-août : Une série d'articles sur le projet d'aéroport paraît dans Le Paysan Nantais.
1976
Janvier : Des terres sont mises en vente
sur la ZAD. Le Conseil général déclare ne pas se porter
préempteur vu les conditions particulières de la vente. Un
projet de GFA (Groupement Foncier Agricole) sur la ZAD est proposé
par des agriculteurs, mais est abandonné. La vente se déroule
sans incident particulier. De nouveaux problèmes fonciers se préparent
avec les cessations d'exploitation et le départ des jeunes accéléré
par la ZAD. En mai, soit deux ans et trois mois après l'arrêté
de ZAD, aucun terrain n'a été acheté par le Conseil
général...
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